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Photo de nature: trucs et astuces : Pose nature

Un chevreuil rôde autour du chalet; vite, l’appareil photo! Le temps de vous retourner pour attraper ledit appareil, l’animal a pris la poudre d’escampette… Que diriez-vous de quelques trucs photo divulgués par un pro?

La photo de nature est un art. Parlez-en à Michel Julien; certaines de ses photos de canards, d’harfangs des neiges, de fauvettes et d’autres bêtes de nos bois ont fait le tour du monde. À près de quarante ans, c’est un vieux routier du métier. Depuis 1973, ce passionné de nature perfectionne et peaufine ses techniques d’approche et de séduction afin de croquer les spécimens, rares ou communs, de nos forêts. «Le hasard n’est pour rien dans la réussite d’une bonne photo, explique-t-il, mais il y a des trucs.»
L’amateur devra en tout premier connaître les comportements de son sujet, savoir où et quand le trouver. «C’est impératif, insiste Michel. On peut maîtriser la technique photo, mais si l’on ne connaît pas son sujet, il n’y a rien à faire. Sauf perdre son temps.»

Maîtres des lieux
Voir un animal et le photographier sont deux choses. Ainsi, le chasseur photographique en mal de chevreuils pourra ratisser les Laurentides en long et en large et ne jamais voir l’ombre de la queue d’un cervidé. Pourtant, le fait de savoir qu’à Duhamel, une petite localité de cette région, les gens nourrissent les chevreuils multiplie ses chances d’en voir et d’en faire de bons clichés. Michel donne d’autres exemples de sites où l’on est certain de faire une bonne chasse photographique. «Le meilleur endroit pour photographier des bernaches est l’Upper Canada Bird Sanctuary, en Ontario, indique le pro. Là, elles sont moins farouches parce que protégées des chasseurs. La réserve faunique du Cap-Tourmente est le site idéal pour croquer les oies blanches, surtout en fin de saison, alors qu’elles sont habituées à côtoyer l’homme. Les fous de Bassan, quant à eux, sont légion à l’île Bonaventure, sise en face de Percé.» Les parcs et les réserves fauniques, là où les animaux bénéficient de la protection du milieu, constituent également de bons «spots».
Cette donne prend toute son importance lorsqu’on sait que le défi de la photo de nature est de pouvoir s’approcher suffisamment de son sujet pour obtenir de bon résultats. «J’ai fait mes meilleures photos de fauvettes, des oiseaux gros comme le pouce, à Pointe-Pelée, dans le Sud de l’Ontario, au début du mois de mai. À cette époque, il n’y a pas de feuilles, elles sont donc plus faciles à repérer. Puisqu’elles sont en migration, elles sont fatiguées et se déplacent de moins et moins vite. Avec une bague-allonge, j’ai des photos prises à cinq pieds de ces oiseaux!»

Question d’attitude
Connaître son sujet, les lieux qu’il fréquente et être «ratoureux» comptent parmi les qualités du photographe de nature. «Il ne faut pas avoir peur de se traîner dans la bouette», rigole Michel. Certains de ses subterfuges l’ont d’ailleurs placé dans des situations pour le moins… inconfortables: en habit isothermique plongé dans l’eau jusqu’au cou, par exemple. «Ça a marché! Un canard est même venu se percher sur ma tête, que j’avais recouverte de toile!» Ces méthodes peu orthodoxes lui ont aussi appris que les oiseaux ont moins peur des voitures que des hommes, et qu’un canoteur effarouche moins les petites bêtes qu’un randonneur à pied au bord d’un lac.
Si la connaissance du comportement des animaux est essentielle pour l’aspirant photographe, la patience est sa principale vertu. Attendre trois ou quatre heures dans une cache n’est pas rare. Une patience qui dépasse toutefois l’attente. «J’ai fait plusieurs excursions de photo durant lesquelles je n’ai jamais sorti mon appareil», avoue Michel.

Un oiseau sur mon patio
Afin de développer les qualités propres au photographe de nature, on peut débuter chez-soi en attirant les oiseaux dans sa cour. Le truc du pro? Utiliser des mangeoires près des fenêtres… «Si l’on possède des fenêtres à guillotine, il faut ouvrir celle qui est la plus proche de la mangeoire et installer dans l’ouverture un carton percé d’un trou suffisamment grand où glisser l’objectif. Cela sert de cache et permet de prendre des photos sans déranger les oiseaux qui grignotent paisilement. Afin de faire plus naturel, on peut placer une branche d’arbre au-dessus de la mangeoire. Les oiseaux iront s’y percher après leur gueuleton.» Ces quelques rudiments mettront à l’épreuve la patience du photographe amateur et lui permettront de voir s’il a l’oeil.

L’équipement
«Plusieurs personnes font la gaffe de choisir un appareil photo ultra-performant auquel elles harnachent un objectif de basse qualité. Il faut faire le contraire», insiste Michel. La base du matériel demeure un appareil 35 mm auquel on peut adapter différents objectifs. Si l’on dispose d’un budget de 3000 $, mieux vaut mettre 500 $ sur le boîtier et dépenser le reste pour un bon objectif. Quant au choix des objectifs, il s’effectue selon la puissance et la luminosité désirées. Lorsqu’on sait qu’on prendra ses photos de nature surtout au lever ou au coucher du soleil, on comprend qu’un objectif «lumineux», un 300 mm à 2.8 par exemple, est préférable à un 500 mm F8. Le prix, toutefois, peut faire déchanter l’amateur; ces objectifs coûtent respectivement plus de 6000 $ et moins de 1000 $! C’est donc une question de priorités…
Il faut aussi se rappeler que plus un objectif est puissant, plus il est lourd: un 600 mm F4 pèse près de sept kilos (et coûte 15 000 $ au bas mot) et ne représente qu’une des pièces du matériel à transporter. Un élément à ne pas négliger, toutefois: le trépied, qui devra être de bonne qualité. «Ça donne quoi d’avoir un super télé alors que notre trépied vibre!» Un conseil: on peut s’en tirer à bon compte en achetant du matériel usagé.

Autres trucs
On ne devient pas photographe de nature en un jour. Afin d’accéder aux secrets des animaux, on peut se joindre à un club ornithologique (Association québécoise des groupes d’ornithologues, 332-6927), ou à la Société de biologie de Montréal (868-3278), qui organise une foule d’activités pédagogiques et récréatives afin de faire connaître la faune et la flore d’ici. La lecture d’ouvrages spécialisés aide également à percer les mystère de la faune. Bonne chasse d’images!