Se jeter d’un avion en vol et observer la terre du haut du ciel, comme plein air, on fait pas mieux! L’idée me trottait dans la tête depuis quelques années déjà. Je me suis enfin lancé… Dans la région de Québec, on pratique le parachutisme depuis une trentaine d’années à l’aéroport de Saint-Jean-Chrysostome. Mais les actuels propriétaires du Centre école de parachutisme AtmosphAir n’opèrent l’endroit que depuis trois ans. On y retrouve une vingtaine d’instructeurs, en plus d’une petite équipe tout aussi précieuse: les plieurs de parachute.
Bon an mal an, un peu plus de 1 000 personnes font leur premier saut chez AtmosphAir. De ce nombre, un peu plus de la moitié opte pour la formule solo. «La plupart des gens qui font le cours de premier saut en parachute veulent accomplir un défi personnel, explique Alain St-Pierre, l’un des propriétaires. Ceux qui veulent juste une ride choisissent le tandem, parce que ça permet de faire de la chute libre.»
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le parachutisme est vraiment un sport pour les 7 à 77 ans. «J’ai déjà sauté avec un enfant de 6 ans et avec une femme de 85 ans, raconte M. St-Pierre. C’est étonnant de voir le nombre de personnes assez âgées qui viennent sauter. Et c’est encore plus surprenant de voir comment elles sont alertes dans les airs.»
«C’est un sport extrême parce que ça va chercher bien des émotions, mais ce n’est pas un sport à risque, nuance M. St-Pierre. C’est un sport qui compte des risques, mais ils sont faciles à prévenir et à contrôler. Il y a très peu d’accidents en parachute comparé à la motoneige ou à la motocyclette, par exemple.» Il précise d’ailleurs qu’aucun décès n’est survenu dans cette discipline l’an dernier, au Canada.
Osez sauter
Une fois qu’on est décidé, il faut choisir entre le cours de premier saut en solo ou le tandem. Le cours de premier saut nécessite une séance de formation théorique d’environ quatre heures où l’élève apprend les principes de sécurité aérienne, comment dirier le parachute ainsi que les manoeuvres à effectuer si la voilure se déploie mal. «Dans le pire des cas, il faut libérer la première voilure et ouvrir le parachute de secours. C’est arrivé une seule fois depuis trois ans, sur environ 10 000 sauts», spécifie M. St-Pierre. Lors du premier saut, qui se fait à 3 500 pieds d’altitude, c’est l’instructeur qui ouvre le parachute du sauteur.
J’ai choisi l’autre option, le tandem. On saute de l’avion à 13 000 pieds d’altitude, on chute pendant près d’une minute à une vitesse d’environ 200 km/h avant d’ouvrir le parachute à 5 000 pieds. C’est ce qu’on appelle la chute libre. Évidemment, on ne nous lance pas dans le vide tout seul comme ça. On est littéralement harnaché à un maître-tandem, qui dirige toute l’opération. «Un saut en tandem, c’est faire le saut de l’ange avec l’ange attaché dans le dos», dit avec justesse un dépliant de l’école.
L’instructeur nous fait seulement un petit briefing d’une quinzaine de minutes où il nous explique essentiellement les mouvements à faire pour sortir de l’avion en toute sécurité. Ensuite, on passe aux choses sérieuses. «Une fois qu’on a sauté, c’est moi qui travaille, m’a dit mon maître-tandem. Il ne te reste plus qu’à emmagasiner le plus de sensations possibles. Tu les digéreras pendant le reste de la semaine», a-t-il ajouté, un sourire en coin.
Le saut de l’ange
La montée dure un peu plus de 20 minutes. Les nuages sont bas ce matin-là, mais le panorama est magnifique: on voit Québec et la silhouette de l’île d’Orléans qui se détache au milieu du fleuve. Quelques instants avant d’atteindre l’altitude voulue, le maître-tandem m’attache solidement à lui et le caméraman-photographe qui va immortaliser mon saut vérifie ses appareils. La porte s’ouvre enfin. Ça devient de plus en plus vrai. Le deux autres sauteurs présents dans l’avion se lancent dans le vide avec une désinvolture qui m’étonne. On s’installe rapidement au bord de l’avion. Pas le temps de penser, ni d’avoir peur. L’instructeur s’assure que jesuis prêt et… nous jette tête première dans le vide!
Deux saltos plus tard, il stabilise notre position. On est littéralement couché dans le ciel. Le vent siffle si fort qu’on s’entend à peine penser. En dessous de nous, je ne sais pas trop. En face, du blanc, du bleu et, tout à coup, le caméraman qui apparaît en me faisant des grimaces. Le plus bizarre dans tout ça, c’est qu’on n’a même pas l’impression de tomber tellement ça va vite. On est comme dans un coup de vent, dans une zone tampon indéfinissable.
Quand le parachute s’ouvre – déjà? – c’est tout le contraire. On respire profondément. Le silence est total. Comme si le temps avait cessé sa course. La liberté, quoi! La descente se fait en douceur, on tourne un peu et on fait de la géographie: la chute Montmorency, les ponts de Québec, etc. Quand l’adrénaline tombe un peu, on se dit qu’on vient de respirer l’air au-dessus des nuages…
«La chute libre t’amène à voir la vie d’une autre façon, avance Mario Richard, mon maître-tadem. Tu vis chaque seconde si intensément dans les airs que tu essaies de retrouver ce feeling dans toutes tes activités.» Pour Josée Arsenault, qui a la piqûre depuis l’an dernier, la chute libre est comme une grande expiration. L’avant-midi où j’étais à l’aéroport, elle a sauté trois fois coup sur coup. C’est une des 100 et quelques mordus de la région, dont plusieurs passent des week-ends complets au camping de l’aéroport.
Ensuite? Soit on rentre chez soi en se jurant qu’on ne nous y reprendra plus, soit on devient accro et on s’inscrit à un cours individuel de chute libre. Dans les deux cas, on peut toujours se rémémorer cette belle folie en se procurant le vidéo de notre saut, qu’on aura demandé au préalable. Il s’agit d’un montage d’une dizaine de minutes avec ralentis et musique d’ambiance. Pas de la musique d’ascenseur, on s’en doute!
Ce reportage a été réalisé à l’invitation du Centre école de parachutisme AtmosphAir.