Vie

La mi-carême sur l’Isle-aux-Grues : C'est la fête!

Sur une île perdue, au milieu d’un fleuve Saint-Laurent emmitouflé dans son habit hivernal, se trouve un petit village de 200 habitants où l’on s’apprête à briser la monotonie de toute cette blancheur par un défilé coloré pour le moins curieux: celui de joyeux lurons passant de porte en porte revêtus de costumes flamboyants.

Le village de Saint-Antoine-de-l’Isle-aux-Grues, à 55 km à l’est de la ville de Québec, se prépare à célébrer la traditionnelle fête de la mi-carême. Cette tradition pour le moins particulière est un héritage de la France médiévale, implantée chez nous par les premiers colons français.

La raison première de cette célébration se lit dans son nom: le milieu du carême permettait de donner un peu de répit aux pénitents s’imposant les privations exigées par l’Église catholique pendant les 40 jours précédant la fête de Pâques. L’occasion d’échapper à ces obligations chrétiennes pendant quelques jours de festivités, on s’en doute, a fini, avec le temps, par agacer le clergé. C’est ainsi qu’au début du XXe siècle, la tradition fut abandonnée progressivement dans la plupart des villages québécois. La mi-carême a cependant réussi à survivre au coeur de quatre villages francophones, où l’isolement et les rigueurs de l’hiver ont probablement favorisé cette survivance: Saint-Antoine-de-l’Isle-aux-Grues, Fatima, Natashquan, et Chéticamp, en Nouvelle-Écosse.

Si, à l’époque, le but premier de la mi-carême était d’alléger quelque peu la rigidité des pénitences, l’art de se déguiser pour tromper ses plus proches voisins, voire sa famille, est désormais au centre de la fête dans le petit village de Saint-Antoine-de-l’Isle-aux-Grues. Le dernier traversier de la saison vers cette île tranquille, où le peintre Riopelle a choisi d’élire domicile, apporte aux habiles couturières de l’île leur précieux tissu. Dès la fin de la période des Fêtes, elles commencent dans le plus grand secret, la préparation des costumes magnifiques dont se revêtiront leurs hommes et elles-mêmes. Car le plaisir de la mascarade, longtemps réservé uniquement aux mâles, s’est étendu à la gent féminine dans les années 70.

Tout un numéro!
Les festivités de la mi-carême se déroulent sur une période d’une semaine, atteignant leur point culminant les derniers vendredi et samedi. Lors de leur joyeuse tournée de porte en porte, les "mi-carêmes" se déplacent en petits groupes, réunis par la thématique de leurs costumes. Ils annoncent leur arrivée par un retentissant "En prenez-vous des mi-carêmes?", tentant de déguiser voix et mimiques. Pas évident de garder l’anonymat dans un village où tout le monde se connaît! De là une des particularités de cette tradition. Son intérêt réside en grande partie dans le fait qu’elle se déroule dans une société fermée. Après un numéro d’une quinzaine de minutes accompagné de danse et de musique, les mi-carêmes se dévoilent. Heureux d’avoir trompé les gens de la maisonnée, ou dépités de s’être fait démasquer, peu importe: tout ce beau monde boit un bon coup pour se réchauffer avant de continuer sa ronde. Et dire que la mascarade s’étend jusqu’aux petites heures du matin…

Cette année, la célébration se tient entre les 12 et 18 mars. Depuis une dizaine d’années, les habitants de l’Isle-aux-Grues convient les visiteurs à assister à cette tradition unique et haute en couleur par le biais de forfaits incluant une nuit sur l’île. Même si les invités ne peuvent pas prendre part à la mascarade, ils pourront observer le va-et-vient des mi-carêmes qui effectuent maintenant un détour par les gîtes et le centre communautaire pour se faire admirer des curieux. L’événement a soulevé tant d’intérêt ces dernières années – intérêt soutenu par l’attention des médias – que les superbes masques et costumes réalisés grâce aux doigts de fée de certaines insulaires sont exposés au centre communautaire, une exposition qui se renouvelle chaque printemps. L’engouement est allé jusqu’à la création d’un fromage, le Mi-Carême, un délicieux brie à pâte molle, récipiendaire de plusieurs prix. En prendrez-vous des Mi-carêmes?

Renseignements et forfaits
En hiver, l’Isle-aux-Grues n’est accessible qu’en avion. Le trajet aller-retour (à partir de l’aéroport de Montmagny, près de Québec) coûte 35 $ par personne. Une nuit dans un gîte incluant le petit-déjeuner vous coûtera 40 $ pour deux personnes. Mieux vaut réserver le plus tôt possible, car les places sur l’Isle-aux-Grues sont très limitées et la mi-carême attire de plus en plus de curieux.

Vous pouvez aussi contacter directement la mairesse de l’Isle-aux-Grues, madame Louise Roy, au 248-7388; ou encore l’Office de tourisme de la Côte-du-Sud au 1-800-463-5643. Le site de l’île contient également d’intéressantes informations: www.isle-aux-grues.com

Les amateurs de fromage se réjouiront de savoir que le Mi-Carême n’est pas offert que sur l’Isle-aux-Grues. Vous le retrouverez à Montréal à la Fromagerie Hamel du Marché Jean-Talon, de même qu’à la Fromagerie du Marché Atwater.