Dominique Rankin
n’a rien du "méchant Warrior" masqué et armé qu’on voyait durant la crise d’Oka. Sourire un peu timide, regard intelligent et douce prestance, cet homme d’origine algonquine a installé son quartier général près de la municipalité de Saint-Donat, dans les Laurentides. Toute l’année durant, il reçoit des visiteurs, curieux de découvrir le mode de vie amérindien. Soixante pour cent de sa clientèle est québécoise, et l’autre 40 % est composé d’Européens et d’Américains. "Les Européens ont hâte de nous rencontrer et ils ont souvent une bonne connaissance historique, raconte celui qui a voyagé à travers les États-Unis, le Mexique et la Suisse à titre de conférencier. Quant aux gens d’ici, plusieurs nous demandent pardon pour ce que leurs ancêtres ont fait. Ils se sentent coupables."
En 1998, au coeur de la forêt laurentienne, sur des terres qui ont jadis appartenu à son peuple, Dominique fonde le Centre ethno-culturel Kanatha-Aki, qui signifie "prendre soin de son territoire". Niché au bord du lac des Îles, peuplé de mille et un sapins, épinettes et bouleaux éparpillés dans la montagne, son territoire baigne dans la quiétude. C’est dans ce cadre sauvage et enchanteur qu’on goûte l’aventure. On est bien loin de l’univers des réserves indiennes où des familles vêtues de peaux de caribou tressent des paniers en écorce pour le plaisir des touristes. Nous sommes seuls en pleine nature, plongés dans le rythme de vie des Algonquins, avant l’arrivée de l’homme blanc.
Première étape de notre virée, le musée "On nous appelait les sauvages", où l’on apprend tout sur la nation algonquine. La pièce regorge d’objets de toutes sortes, aux formes étranges et colorées: tituagan, calumet de la paix (oui, ça existe vraiment!), cornet de chasse en écorce de bouleau, plantes aux vertus secrètes. On y trouve même la coiffe de plumes de notre hôte et une photo du temps où il était Grand Chef de la nation algonquine, dans les années 80. Anecdotes et croyances anciennes sont dévoilées au grand jour par Dominique qui est aussi medecine man. Nous aurons même droit à une démonstration du "jeu des couilles", que je vous laisse découvrir par vous-même…
Après cette introduction fort bien menée, nous prenons la direction de la nature et ses mystères. Dominique a grandi dans le bois. Avec son père, il partait à la chasse et à la trappe pour nourrir ses 17 frères et soeurs. "Vous êtes perdu dans la forêt? Surtout pas de panique. Restez sur place, construisez-vous un abri avec des branches de conifères et attendez!" Victime d’un accident de motoneige, il s’est recouvert de neige pour rester au chaud en attendant les secours. "Vous avez perdu le nord? Regardez à la base des arbres, la partie recouverte de mousse indique où est le nord", lance-t-il en déterrant le tronc d’une épinette avec son bâton de parole.
Un village traditionnel algonquin surgit au milieu de la forêt: tipi la tente au toit pointu, le wigwam appelé aussi "le ventre de la maman" parce que tout-rond-et-très-bas, comme un bedon, et le chaputuan. Dominique nous explique les détails de chacune, l’ouverture toujours à l’est, aucun toit carré, ça n’existe pas dans sa culture. L’entrée à l’intérieur du chaputuan surprend. Il y règne une sensation de bien-être immense. Son toit arrondi, la lumière tamisée par la toile blanche qui le recouvre, l’enveloppement de la forêt, le sol recouvert d’un épais tapis de branches de sapin. Ça donne envie d’y passer la nuit!
Côté pratico-pratique, tout est installé pour le confort des visiteurs. Deux poêles à bois remplis de bûches ardentes, des troncs d’arbres pour s’asseoir, un réchaud, de la vaisselle. C’est ici qu’on va festoyer. Au menu: la bannique, le pain amérindien dont la forme s’apparente à notre miche, et des rognons de chevreuil avec pommes de terre et carottes. "J’ai ajouté des légumes, mais ils ne font pas partie de notre culture. Nous sommes des nomades, on ne cultive pas de légumes." Que mangez-vous donc? "Ah! le castor, c’est notre bébé. C’est la meilleure viande qui soit car il se nourrit de plantes médicinales. Par contre, celui de la région n’a pas le même goût que celui de chez moi, en Abitibi." Le mardi suivant ma visite, sa communauté lui envoyait 20 lièvres qu’il allait partager avec ses visiteurs. Parfois, c’est de l’esturgeon, du lynx, tout dépendant de la prise.
Après le repas, dans une ambiance feutrée, Dominique parle de l’origine des capteurs de rêves, objet très populaire dans la culture amérindienne. Il raconte aussi qu’à l’âge de 12 ans, il est parti en forêt tuer son ours "pour prendre son esprit". Il resta à ses côtés durant une semaine. Depuis, il porte le fameux collier formé des dents de son ours, "son animal spirituel". Dans la pénombre, "Celui qu’on entend chanter de loin" prend son tambour, qui appartenait à son père. Il ne fera qu’un avec lui, rythmant sa voix du battement doux et régulier de l’instrument. Son chant intense et profond nous berce comme une maman qui accompagne son enfant dans le sommeil. Le dernier baiser à son tambour sera aussi un baiser pour nous.
Informations utiles
Plusieurs forfaits sont offerts, allant de l’initiation de deux heures à un séjour avec nuitée sous la tente. Les prix varient de 13 $ à 95 $ par personne.
Centre ethno-culturel Kanatha-Aki Saint-Donat
Tél.: (819) 424-4411
Courriel: [email protected]
Migwech à toi dominique.,