Jamie Britten croyait qu’il goûtait au bonheur, mais ce qu’il a avalé devait le tuer.
En septembre dernier, Britten – un père de famille de 19 ans de Port Hawkesbury en Nouvelle-Écosse – s’est embarqué dans une voiture en compagnie de quelques copains en direction du site de la soirée rave Temptation.
Un peu après minuit, Britten s’est senti mal; avant même que ses amis puissent le sortir à l’extérieur, il était inconscient; au moment où on transportait son corps inerte dans un grand hôpital de Halifax, il était déjà mort.
Maintenant, les deux hommes qui ont organisé la soirée rave sont accusés d’avoir vendu les pilules d’ecstasy qui, selon la police et les médecins, l’ont tué. Ses parents, Mark et Michelle, et sa fiancée Helen Noonan, qui a donné naissance à leur second enfant après la mort de Britten, poursuivent les promoteurs pour avoir vendu la drogue à la victime et pour n’avoir pas été en mesure de lui venir en aide adéquatement.
Pour plusieurs policiers, parents et personnes âgées de Halifax, il s’agit là d’une histoire qui prouve que les jeunes de leur communauté sont à la merci d’une drogue nouvelle et mortelle, celle-ci se répandant rapidement grâce au bouche à oreille et à sa popularité grandissante dans les soirées raves et les bars.
En première ligne
Dans les mois qui viennent, attendez-vous à entendre beaucoup d’autres histoires semblables à celle de Jamie Britten, car le nouveau front dans la guerre contre la drogue s’attaquera à l’ecstasy.
Comme dans le cas des autres combats de cette guerre qui dure depuis 50 ans, plusieurs de ses armes ne sont que statistiques faussées, données médicales douteuses et tactiques visant à effrayer la population. Alors que le gouvernement du Canada semble être en voie de décriminaliser la marijuana, une autre drogue a pris sa place en tant que grande menace.
À la fin des années 60, le bizarroïde journaliste américain Dr Hunter S. Thompson traversait le désert du Nevada à bord d’une décapotable rouge pour atterrir en pleine conférence des antidrogue, une véritable pharmacopée coulant dans ses propres veines.
Dans Fear and Loathing in Las Vegas, il parodie l’hystérie de la lutte contre la drogue des policiers et des avocats réunis.
Fort heureusement, Thompson n’était pas à Crystal City en Virginie en août dernier.
Là-bas, le numéro un des guerriers antidrogue aux États-Unis, Barry McCaffrey – un ancien militaire qui aurait supposément poursuivi le massacre de troupes iraquiennes à la suite du cessez-le-feu lors de la Guerre du Golfe – présidait la première rencontre internationale pour la lutte contre les "club drugs", principalement l’ecstasy et le GHB. Trois cents agents de police des États-Unis, du Canada et de partout sur le globe participaient à l’événement.
"Ces drogues gagnent en popularité chez les jeunes parce qu’elles sont considérées à tort comme moins dommageables, qu’elles ne provoquent pas autant de dépendance et qu’elles ne sont pas aussi répandues que l’héroïne et le crack", a dit le conducteur de blindé à l’assemblée. "Tragiquement, c’est tout le contraire."
McCaffrey, dans son discours intitulé Dance With Darkness, blâme l’ecstasy pour à peu près tout sauf le prix élevé de l’essence: dents usées, problèmes de mâchoire, anxiété, attaques de panique, dépression, problèmes de reins et de coeur et dommages à long terme au cerveau.
À la fin de la conférence, McCaffrey annonçait le lancement d’une campagne publicitaire anti-ecstasy de cinq millions de dollars US à la télévision, à la radio et dans Internet.
La guerre contre la drogue est presque conçue comme une campagne militaire, incluant l’utilisation d’hélicoptères aspergeant la jungle colombienne et des hordes de policiers high-tech qui investissent les piqueries avec force. Mais la campagne publicitaire de McCaffrey souligne que le front le plus important de la guerre contre la drogue est l’information. Et, comme dans toutes les guerres, la vérité est la première victime à tomber.
Service de renseignements
Nous savons ceci: l’ecstasy a été conçue et brevetée par la grande compagnie pharmaceutique Lily juste avant la Première Guerre mondiale et a été utilisée dans les années 60 et 70 par quelques psychothérapeutes afin que leurs patients puissent se confier à eux dans un environnement de confort et de sécurité. Comme le Prozac, le Zoloft et les autres antidépresseurs communs, l’ecstasy change le niveau de sérotonine, un neurotransmetteur chimique du cerveau qui régit les humeurs.
Faite aux trois quarts de MDMA, son nom d’ecstasy lui aurait été donné au Texas dans les années 80, avant que cette drogue en devienne une d’importance en Europe, pour enfin atterrir ici par le biais de la mode des nuits raves.
Les autorités croient qu’il s’agit désormais d’une drogue plus populaire que l’héroïne et la cocaïne, statistiques et saisies records à l’appui. Huit millions de doses aux États-Unis – 20 fois plus que l’année précédente – alors qu’au Canada, les policiers mettaient la main sur plus de 712 000 pilules contre 360 000 l’année précédente.
Ces données font partie du message répandu par les autorités afin de faire croître la psychose anti-ecstasy. Quel est le problème? Ils provoquent un état de panique généralisé à l’image de la folie anti-marijuana des années 50, qui pourrait avoir l’effet contraire à ce qui est escompté, soit plus de morts, selon Philip Jenkins, professeur à l’Université de Pennsylvanie qui a longuement étudié la législation des drogues. "Le nombre croissant d’arrestations et de saisies signifie l’une des deux choses suivantes, croit Jenkins, soit il y a une augmentation substantielle dans le trafic, soit ils se penchent finalement sur quelque chose qui a toujours été là."
Associée à tort au PCP par les autorités au milieu des années 80, l’ecstasy est parvenue, selon le Congrès américain, au niveau de menace numéro un des drogues, soit au même rang que l’héroïne et au-dessus de la cocaïne et de la morphine. Jenkins, qui s’adressait l’année dernière au Congrès des États-Unis, disait de cette répression de l’ecstasy "qu’elle représente ce qu’il y a de pire dans la guerre contre la drogue, utilisant la peur et des réactions démesurées pour combattre une menace incertaine".
Il compare l’ecstasy au Prozac. Tous deux sont un moment de bonheur en pilules qui fonctionnent en jouant avec les mêmes éléments chimiques du cerveau. Ils ont des effets secondaires incluant certaines dysfonctions sexuelles, la dépression et, dans le cas du Prozac, un comportement imprévisible et parfois violent. Combinés à d’autres drogues ou médicaments, tous deux peuvent être mortels.
Comme dans le cas du Prozac, on se questionne sur les effets de l’ecstasy sur la santé. Tous les experts médicaux s’entendent pour dire que l’ecstasy peut causer une déshydratation du corps menant à l’arrêt cardiaque et à la mort. Le prof Jenkins admet volontiers que l’ecstasy, comme toute drogue légale ou non, peut être dommageable si elle est mal utilisée, même en petite quantité, et insiste pour que d’importantes études soient réalisées pour en connaître les effets avec exactitude.
Même si quelques études prétendent que l’utilisation prolongée de l’ecstasy peut causer la dépression, l’anxiété et certains dommages au cerveau, Jenkins souligne qu’aucune de ces études n’a amassé suffisamment de données pour en arriver à une conclusion définitive.
Quelle est la différence entre le Prozac et le MDMA? Le premier est prescrit à des millions d’individus sur la planète – c’est le médicament le plus prescrit a
u Canada – alors que l’autre est banni. La seule raison qui explique la différence entre ces deux drogues est, selon Jenkins, que "l’une de ces deux drogues nous est parvenue par le biais des voies officielles et l’autre pas".
Au Canada, on relie 13 morts à l’ingestion d’ecstasy, la plupart dans le cadre de raves. Outre Jamie Britten, il y a les histoires de Beth Robertson, un autre jeune parent décédé des suites d’une insuffisance rénale à Toronto, en juin l’année dernière. Il y a aussi Allan Ho, un étudiant torontois, mort après avoir participé à un rave où la ventilation et les ressources en eau potable étaient déficientes.
La mort de Allan Ho illustre bien comment la rhétorique anti-ecstasy est traduite et quelles en sont les conséquences.
Tireur d’élite
L’année dernière, une coalition de promoteurs de raves, de participants et de politiciens a approuvé un protocole réglementant l’accès à l’eau et une ventilation appropriée dans les soirées raves. Le maire de Toronto, Mel Lastman, déclarait que cette rencontre était un grand succès et un exemple de coopération.
C’est alors que s’est présenté un nouveau dur à cuire de la police: Julian Fantino. Décidé à faire des raves son point de mire, le chef de police a mis en oeuvre toute la propagande possible, posant même pour les photographes devant une table remplie d’armes à feu qui auraient été saisies lors de soirées raves. Lorsque les journalistes se sont rendu compte qu’il s’agissait là d’une information biaisée, Fantino a dû se rétracter.
Au printemps, le conseil de ville de Toronto bannissait les raves sur les propriétés privées, rendant ce type d’événement tout à fait marginal. En ce sens, Allan Ho fut une victime de la répression des raves puisque la police avait forcé le promoteur à tenir l’événement dans un garage mal ventilé. C’est la chaleur qui l’a tué. Suivant les recommandations du coroner enquêtant sur la mort de Ho, la Ville de Toronto a levé l’interdiction l’été dernier.
"La guerre contre l’ecstasy pourrait causer énormément de tort", dit Jenkins. "En rendant les raves plus marginaux, cela rendra impossibles l’inspection des lieux accueillant ces soirées et la possibilité d’éduquer les jeunes à propos de l’utilisation de l’ecstasy." N’oublions pas non plus que rien n’est plus cool que ce qui est interdit.
"La raison pour laquelle nos bien-pensants se voient dans l’impossibilité de défendre leurs affirmations est qu’ils sont incapables d’avancer des arguments cohérents en rapport avec l’usage des drogues, dit Douglas Rushkoff, un écrivain qui a déjà écrit à propos de l’ecstasy. "Ils refusent de distinguer la cocaïne de l’héroïne et de l’ecstasy. S’ils sont incapables de reconnaître ce que tous les enfants dans les cours d’écoles savent, alors tous leurs discours seront ignorés."
Plutôt que de sauver des gens comme Jamie Britten des périls de la tentation, la guerre qui s’amorce contre l’ecstasy pourrait signifier que plusieurs goûteront encore à la mort sous forme de comprimé.
Plan lumière pour la capitale
Par Frédéric Denoncourt
Depuis plus d’un an déjà, le Château Frontenac apparaît dans toute sa splendeur tant la nuit que le jour, grâce à un éclairage mettant son architecture en valeur.
Traditionnellement, l’éclairage nocturne des villes a la fonction très utilitaire d’orienter les citoyens et de garantir leur sécurité. Car, sous le postulat (fondé ou pas) que les humains sont des êtres diurnes, peu d’efforts sont faits afin d’agrémenter les lieux durant ces longues heures d’obscurité, synonymes de rendez-vous des fêtards, des poètes ou des âmes en peine. Ainsi, largement laissée à eux-mêmes, la nuit, sa beauté et ses charmes demeurent trop souvent méconnus. Mais heureusement, les temps changent. Depuis les années 1980 a émergé, dans le domaine de l’architecture urbaine en Europe, une vague visant à mettre en valeur la cité nocturne. L’objectif est de redéfinir harmonieusement l’éclairage et ainsi exploiter les extraordinaires possibilités qu’offre la nuit, quant à la magie des contrastes lumineux. À l’heure actuelle, environ 80 villes de par le monde se sont dotées de "plans lumière". De Lyon, reconnue comme chef de file en la matière, à Londres, en passant par Saint-Pétersbourg, Jérusalem et Paris, elles sont toujours plus nombreuses à faire le pari qu’il y a bien une vie… après le jour.
Lumières sur la ville
Il y a trois ans, ce fut au tour de Québec d’entrer dans la danse; le Plan lumière pour la capitale était lancé. Comme le souligne Denis Angers, directeur des communications à la Commission de la capitale nationale: "On s’est largement inspirés de ce qui se fait en Europe. Nous avons débuté par l’église Notre-Dame-de-Foy à l’été 1999, puis ce fut le Château Frontenac pour le jour de l’An 2000. À la suite de ces premières réalisations, tout a rapidement fait boule de neige. Au point où la ville deviendra la première en Amérique du Nord à se doter d’un plan lumière aussi structuré." Déjà 64 lieux significatifs (bâtiments, parcs, accidents naturels…) ont été sélectionnés et quatre sont complétés. L’église Notre-Dame-de-la-Garde et l’Hôtel du Parlement et ses bâtiments sont les deux dernières réalisations. "En ce moment, six autres projets sont en chantier, dont le cap Diamant, le Vieux-Québec et, bien sûr, le pont de Québec, qui est très important", renchérit M. Angers. Ont aussi été retenus: les Chutes Montmorency, les berges du Saint-Laurent, le Bois de Coulonge, la Place d’armes, les Tours Martello et plusieurs autres. Notons les coûts de fonctionnement peu élevés, alors qu’il n’en coûte, par exemple, que 17 $ par jour afin de mettre en valeur le Château Frontenac.
L’esprit des "plans lumière" est de ne plus faire de l’aléatoire le maître de la luminosité, menant parfois des réalisations anarchiques (éclairage trop violent, contrastes maladroits des jeux de lumière, mauvaise coordination entre divers sites…), mais bien d’établir une nouvelle esthétique de la lumière, afin de redécouvrir, à la faveur de la nuit, la face cachée de la cité. Le résultat de cette harmonie retrouvée sera, au gré des fantaisies, de rehausser une oeuvre architecturale, d’offrir un second regard sur un site particulier, de créer des ambiances, de baliser les lieux ou encore de rendre un hommage particulier à un monument.
Un pont la nuit
Parmi tous les projets qui se trament en ce moment, il en est un qui promet d’être des plus spectaculaires et qui revêt un caractère particulier: l’illumination du pont de Québec, prévue pour le début de l’automne. Cette oeuvre, dont Gustave Eiffel avait recommandé le type de structure et que ses concepteurs consacraient déjà huitième Merveille du monde à côté de chefs-d’oeuvre tels le colosse de Rhodes, le phare d’Alexandrie ou le mausolée d’Halicarnasse. Ce joyau paradoxal du génie civil, s’étant affaissé deux fois plutôt qu’une avant d’être achevé en 1917 (les tragédies de 1907 et de 1916 entraînèrent dans la mort près de 100 personnes), devrait sous peu retrouver son auréole perdue en brillant de tous ses feux.
Car, comme le souligne Michel L’Hébreux, auteur du livre Le Pont de Québec paru récemment, il est permis, dans ce cas-ci, d’y voir un geste symbolique, prenant l’allure de réparation envers une oeuvre d’exception qui fut projetée dans l’ombre durant de longues années. C’est qu’en 1997, au moment où s’amorce le plan de restauration et de mise en valeur, la structure d’acier, rongée par la corrosion, présente l’aspect d’un monument en décrépitude. "Même s’il ne fut pas toujours reconnu à sa juste
valeur ici, le pont fut désigné, le 23 mai 1987, monument historique international du génie civil. Seulement quatre autres bâtiments de par le monde ont reçu cet honneur; même la tour Eiffel ne peut s’enorgueillir de ce titre…", souligne M. L’Hébreux.
Pour Jacques Jobin, président de la Coalition de sauvegarde et de mise en valeur du pont de Québec, le géant d’acier pourrait devenir en quelque sorte le gardien des nuits de Québec. Yann Kersalé, qui a réalisé la mise en lumière du pont de Normandie, reconnu de par le monde, est chargé du projet. On prévoit l’utilisation de 252 projecteurs de 1 000 watts chacun. "L’éclairage se fera de l’intérieur et variera au gré des marées. À marée haute, trois couleurs, le bleu, le blanc et le turquoise, seront à l’oeuvre en alternance. À marée basse, une seule couleur sera en fonction; le but est de maintenir une dynamique entre le pont et son environnement", souligne M. Jobin. Le pont Pierre-Laporte ainsi que les deux tours hydroélectriques situées entre les ponts seront également mis en valeur éventuellement.
Ils seront, au fil des ans, des dizaines de monuments, bâtiments et lieux stratégiques de la région de la capitale à braver la nuit. Parions que, d’ici quelques années, les nuits de Québec ne seront plus jamais les mêmes. Mais d’ici là, fermez les yeux…
Discothèques
Par David Desjardins
La semaine de travail est enfin terminée. Les esprits s’échauffent et les décibels vont croissant: c’est la fièvre du samedi soir. Mais comment choisir parmi tous ces terrains de jeux pour adultes? Consultants d’un soir, nous dressons ici le portrait de trois discothèques de la région: leur ambiance, leur décor, mais surtout, leur musique.
Apparues à la fin des années 70, les discothèques connaissent encore aujourd’hui une grande popularité. Temples de la danse et des rencontres d’un soir, ces hauts lieux des plaisirs indémodables ne cessent de rivaliser d’audace et d’ingéniosité afin de s’octroyer et de conserver leur part du marché des fêtards.
À Québec, trois établissements de haut calibre sont autant d’exemples probants que, malgré la popularité croissante des soirées raves, la "club culture" est loin de s’éteindre. À commencer par deux institutions de la Grande Allée, qui se font presque face. Côté nord, Le Dagobert est reconnu non seulement pour sa vaste piste de danse mais aussi pour sa grande popularité dans tous les milieux. "Il y en a vraiment de tous les genres qui sortent ici", explique Jean-Frédéric Laberge, fils du propriétaire de l’endroit et directeur artistique. Autour d’un même bar se côtoient jeunes et vieux, rappeurs et rockers, citadins et banlieusards. Le catalyseur de cette clientèle disparate: l’ambiance.
Dans la tradition des années 80, Le Dagobert est pourvu d’un équipement de son et d’éclairage pouvant rivaliser avec plusieurs établissements de calibre mondial: lasers et projecteurs mobiles parviennent à créer un effet euphorisant qui laissera le nouveau visiteur pantois. Ensuite, il y a la musique. Considérant avec intérêt la popularité montante de la techno et de la house, le Dag, s’il propose une musique plus commerciale lors de ses soirées régulières, confie depuis un moment ses platines à plusieurs tournetablistes de renom pour les jeudis Y faut que ça pompe grave, soirées thématiques mettant l’accent sur les nouvelles musiques électroniques. Ainsi, ce bar qui a souvent été considéré par les "puristes" comme un peu ringard peut aujourd’hui se targuer de participer à l’avancement de la musique électronique dans la capitale.
Côté sud, l’ancien domicile de la famille Price et ancien club privé de l’Union nationale de Maurice Duplessis pourrait être considéré comme une discothèque urbaine de plus petit calibre. "C’est très personnalisé comme endroit", explique le propriétaire, Denis Pelletier, qui est passé de l’état de restaurateur à celui de tenancier de bar parce qu’il ne trouvait plus d’endroit où il pouvait lui-même sortir. On reconnaît le Maurice à sa décoration disparate errant entre l’architecture victorienne, quelques éléments art déco et une section consacrée au Japon dans toutes ses contradictions. S’il a souvent employé plusieurs D.J.’s de renom dans le hip-hop et la techno, c’est grâce au retour anticipé du disco que cet endroit s’est fait le plus connaître. "Le vendredi, nous commençons encore nos soirées avec du disco, puis nous changeons pour quelque chose de plus house, explique Denis Pelletier, les gens en demandent encore et ça a longtemps été notre marque de commerce, en quelque sorte."
Ici, pas de place pour les casquettes usées, les t-shirts débraillés ou pour le look baba cool, le Maurice est avant tout un endroit qui s’adresse à une clientèle de jeunes professionnels et de fêtards branchés. "On a une connotation un peu snob ici, mais c’est seulement un standard de qualité", affirme le proprio. C’est un peu une impression de club privé que donne l’endroit, mais les habitués s’y plaisent tellement qu’on peut les voir, souvent depuis des années, accoudés tous les samedis soirs au même endroit, sirotant le même cocktail. "Il faut souvent deux ou trois visites aux gens pour s’intégrer ici, mais après, ils restent", ajoute Pelletier.
Quant à elles, les discothèques de banlieue ont su profiter de l’étalement urbain et des règles strictes de l’urbanisme au centre de la ville. Le Palladium, ouvert depuis maintenant 13 ans, a su passer à travers les modes et les mouvements musicaux en proposant une qualité sonore et un équipement à la fine pointe de la technologie. "Il y a beaucoup d’étudiants qui viennent ici et aussi de jeunes travailleurs", explique Claude Martel, copropriétaire. "C’est surtout à cause du son que les gens viennent ici, ajoute-t-il, j’ai fait faire des études pour ça et j’ai une des meilleures qualités de son dans les discothèques au pays." À l’image de sa clientèle, Le Palladium propose une musique populaire des plus variées alors que ses 1 500 000 $ d’équipement de son et lumière contribuent à faire de chaque soirée un événement inoubliable.
"Les gens de Québec sont chanceux, conclut Claude Martel, ils ont la chance d’avoir plusieurs endroits d’une grande qualité pour sortir… C’est aussi bien que dans plusieurs grandes villes du monde."
Vie de D.J.
Pseudonyme:
D.J. Teaser
Nom: Coco
Endroits où vous avez pu l’entendre: Kashmir, Palladium, Merlin, Liquor Store, différents Club Med au Mexique et dans les îles, etc.
Qui sont donc ces personnages qui, mettant à profit leurs connaissances musicales et leur dextérité, font vibrer les fêtards venus piétiner les planchers de danse? Créature nocturne spécialisée, le D.J. ne trouve que rarement le repos avant les petites heures du matin. On imagine donc facilement que la bête fuit le soleil matinal comme la peste. "Généralement, je me lève vers midi, mais l’important, c’est de pouvoir sortir avant la fermeture des commerces pour pouvoir acheter des disques", confie Teaser, qui pratique le métier depuis cinq ans. Amateur de musique avant tout, il dit consacrer une trentaine d’heures par semaine à l’écoute de nouveaux disques. Arrivé au bar en début de soirée, on lui confie la tâche de faire "lever" la fête. L’époque des "D.J.’s-jukebox" à qui on échangeait un dollar contre une demande spéciale est cependant révolue. Teaser croit fermement que, comme le propriétaire d’un établissement engage un décorateur afin de donner une certaine ambiance à l’endroit, il incombe au D.J. qu’il emploie de créer sa propre &qu
ot;décoration musicale". "Les gens croient que le D.J. est au service du client; c’est faux. Si t’aimes ça, tant mieux. Sinon, change de bar, il y en a plein la ville." S’il doit subir les assauts répétés d’adeptes de Dancing Queen ou de I Will Survive, Teaser ne s’en formalise pas, mais peint un portrait peu flatteur du client moyen de discothèques, qu’il résume en un mot: inculte. Vers les 3h, quand les tristes néons blancs s’allument de part et d’autre de l’établissement, c’est au tour du D.J. de s’approprier son petit coin de paradis artificiel avant de rejoindre le pays des songes. Il éteint ses instruments, descend de son estrade et s’accoude au bar le temps de s’habituer au silence. (D.Desjardins)
Maisons hantées
Par Shawna Vallée
Qui n’a jamais entendu parlé d’une maison hantée? Probablement personne. En effet, les histoires de ce genre abondent. Pourtant, les cas de hantise ont toujours été sources d’un grand scepticisme. Pour MONIQUE LALIBERTÉ (nom fictif), les manifestations de l’au-delà sont néanmoins bien réelles puisqu’elles font partie de son quotidien, et ce, depuis sa plus tendre enfance.
Madame Laliberté est une de ces personnes qui ont la faculté de ressentir les entités spirituelles qui hantent les lieux, en plus de pouvoir entrer en contact avec elles.
Élevée à Chicoutimi, la jeune Monique se faisait surnommer "la p’tite sorcière" par sa mère, car il lui arrivait bien souvent de mettre en garde des connaissances ou même de purs étrangers contre telle ou telle chose. Selon madame Laliberté, c’était comme si quelqu’un la poussait à prodiguer ces avertissements. À un point tel que son voisinage en est venu à la craindre.
C’est à partir de l’âge de trois ans qu’elle fut capable d’établir un contact direct avec les gens décédés afin de transmettre des messages à leurs proches. Cela devait durer jusqu’à son adolescence. Elle cite en exemple son oncle mort des suites d’un accident à 18 ans. Mme Laliberté soutient que son oncle lui aurait confié un message à l’intention de sa mère. Mais Monique hésitait, car elle ne pensait pas que sa mère la croirait. Son oncle lui aurait alors déclaré: "Dis à ta mère que ce n’est pas grave même si je n’avais pas de bas de laine pour mon enterrement. De cette façon, elle saura que tu dis bien la vérité." Monique obtempéra. Elle alla trouver sa mère qui pleurait à la table pour lui faire le message. Sous le choc, la mère de Mme Laliberté perdit conscience. Rongée par la douleur, la dame avait en effet été, auparavant, scandalisée de voir son frère couché dans le cercueil sans bas de laine, elle qui le savait si frileux…
Les années ont passé et Monique Laliberté a eu l’occasion d’habiter à différents endroits dans la province. Chaque appartement, chaque maison qu’elle a occupé a pourtant été le théâtre de phénomènes étranges.
Mme Laliberté et sa famille se sont, entre autres, établis dans une maison située à Charlesbourg vers 1985. Contrairement aux autres endroits où elle a habité, les manifestations y étaient plus importantes qu’à l’accoutumée. Au début, il n’y avait qu’elle qui entendait des bruits bizarres, puis ce fut le cas de son mari, de ses enfants, et finalement de toute personne qui se trouvait à l’intérieur. "La nuit, on entendait rire et crier dans la maison", se souvient Monique. Des portes s’ouvraient et se fermaient toutes seules, les armoires claquaient, des objets étaient cassés… La famille de Mme Laliberté entendait même la vaisselle sortir des armoires et venir se briser sur la céramique du plancher. Au début, ça l’amusait, mais avec le temps, il lui a semblé qu’il y avait une présence malsaine dans son domicile. Alors, elle a demandé à sa soeur, qui était religieuse, de bénir la maison, et tout revint à la normale.
Aujourd’hui, Monique Laliberté habite en Estrie, où des phénomènes bizarres se produisent encore. Mais Mme Laliberté ne s’en formalise pas le moins du monde. Ça ne l’a jamais vraiment dérangée, son fils non plus d’ailleurs… Ce n’est cependant pas le cas pour sa fille, qui a vraiment en horreur tout ce qui touche au monde des revenants. Elle en a trop vu et trop entendu.
Mais ne serait-ce qu’un formidable hasard qui n’a fait habiter Mme Laliberté que dans des maisons ou des appartements hantés? Selon cette dernière, non. Elle croit plutôt que ces phénomènes la suivent partout où elle va…
Appel au loup
Par Shawna Vallée
Depuis une dizaine d’années, Faune Aventure offre une activité nocturne d’appel des loups dans la région de Québec. Un moment absolument inoubliable selon le guide naturaliste en chef, PIERRE VAILLANCOURT, que l’on soit amateur d’écotourisme ou tout simplement curieux de vivre une telle expérience.
Tout a débuté à l’automne 1988 lors d’un safari d’observation de l’orignal au Lac Nordet, où ce sont finalement des loups qui ont manifesté leur présence. Le petit groupe qui participait à cette expédition a été émerveillé et surpris par cette rencontre fortuite, mais également inquiété par la proximité des prédateurs. Fort de l’intérêt suscité, M. Vaillancourt a tout simplement décidé d’inclure une activité d’appel des loups au programme de Faune Aventure.
Depuis ce jour, chaque expédition réunit jusqu’à 100 personnes. Évidemment, il n’est pas question pour ces gens d’aller dans les bois sans avoir reçu préalablement une petite préparation. Ainsi, avant la sortie en plein air, les participants assistent à une conférence d’une durée d’une heure, où le guide naturaliste les éclaire sur le comportement de l’animal, son rôle dans l’écosystème, la hiérarchie dans la meute, etc. Il tente aussi de démystifier quelques peurs et de faire tomber des préjugés tenaces qu’éprouve le commun des mortels envers le canis lupus. On se prépare aussi à participer à l’activité dans le calme et le respect.
Une fois en forêt, les gens écoutent en silence pendant deux heures le guide en chef faire l’appel des loups et attendent fébrilement une réponse. Mais ils ne se mêlent plus à l’appel depuis cinq ans. Pourquoi? "Lorsque les loups hurlent, ça leur sert à s’identifier, mais aussi à délimiter leur territoire. On s’est aperçus que d’aller hurler avec les loups en groupe, ça pouvait être interprété comme une attaque territoriale de la part d’une autre meute", explique M. Vaillancourt. Il ne faut toutefois pas se méprendre, cette activité se veut la source d’un contact auditif et non visuel. Et ce contact n’est pas garanti. On crie parfois au loup pour rien…
Pourtant, la clientèle, en majorité québécoise, n’a que des commentaires positifs à formuler sur l’expérience vécue: "Même s’ils n’ont pas entendu de loups durant la soirée, les gens sont contents d’avoir passé ces deux heures à observer les étoiles et d’avoir été à l’affût des autres sons de la nature, comme le cri des rapaces nocturnes", confie le guide de Faune Aventure (848-5099).
Vivement la quille!
Par Catherine Morency
Inspiré par la verve prosaïque du Big Lebowsky des frères Cohen, rien de tel qu’une nuit aux quilles pour se refaire une santé.
Le phénomène, devenu tradition dans le milieu des boules, a lieu tous les vendredis et samedis soirs dans la plupart des salons de quilles de la capitale. Communément appelé Clair de lune, c’est le carrefour où se rencontrent ceux qui ont écumé tous les bars de la ville, comme les adolescents en manque de sensations fortes. Quilles de nuit, mode d’emploi.
Règle no 1: Il s’agit de se pré
senter dans le salon de son choix. Sur son 36, évidemment. Alain Leclerc, gérant du Salon de quilles Charlesbourg, assure que "l’atmosphère qui y règne est aussi animée que dans les meilleures discothèques de la ville". Il a même engagé un D.J., qui assure la tonalité rétro-disco-techno de minuit à 3h du matin. Machines à boucane et jeux de lumières à l’appui: le plaisir, paraît-il, est communicatif.
Règle no 2: Y venir entre amis, à l’occasion d’un party de bureau, ou à tout le moins d’un événement spécial. Bref, s’entourer de gens qui affichent souvent une propension à faire la fête. Certains salons embauchent même un animateur, promettant à leurs clients une soirée personnalisée où les commentaires sur les abats succèdent à l’annonce des prix à gagner et aux voeux d’anniversaire.
Règle no 3: Profiter de l’ensemble des possibles qu’offre une telle sortie: allier le caractère sportif à l’intérêt culturel de l’événement. "À minuit, explique Alain Leclerc, les lumières s’éteignent pour laisser place aux néons et aux boules de quilles fluorescentes. Pour nous, une soirée où les gens dansent autant qu’ils jouent aux quilles en est une réussie." La plupart des établissements possédant un permis de bière, et certains même un permis de bar, les Clairs de lune voient leur clientèle s’agrandir année après année; peut-être assistons-nous à une certaine redéfinition de l’art du groove.