C’est un sanctuaire. Une immensité silencieuse. C’est un tableau qui semble immobile, alors qu’on voit bien en le foulant jour après jour que la dune qui ressemblait hier à une chute de reins douce et dorée s’est aplanie sous l’effet de la caresse du vent, que l’ocotillo a laissé tomber ses fleurs rouges, et que l’air embaume soudainement la lavande. C’est le désert. Un endroit dont on ne revient pas indemne. Soit qu’on aura été piqué par une tarentule, un cactus ou un serpent à sonnette. Soit, plus sûrement, qu’on aura été piqué par la passion du désert…
Il y a quatre déserts en Californie. Le premier à obtenir le statut de parc d’État, en 1933, et par ailleurs le plus grand parc de l’Ouest des États-Unis en termes de superficie, est le désert Anza-Borrego, qui étend ses 600 000 acres jusqu’à la frontière mexicaine. On peut s’y rendre en 90 minutes à partir de San Diego, par la route 79, qui a tout pour plaire aux amateurs de circuits de formule 1, zigzaguant entre zéro et 8000 pieds d’altitude; et à quiconque possède la moindre sensibilité à la beauté des falaises, à la végétation changeante des habitats, et aux décors divins à perte de vue.
Malgré sa proximité avec la grande ville, l’Anza-Borrego demeure peu fréquenté. Dans le district commercial, où les chaînes de fast-food n’ont heureusement pas encore élu domicile, on trouve un shopping mall, quelques restaurants, et des panneaux indiquant la direction vers l’une ou l’autre des stations balnéaires en retrait du centre. S’il y a dans la petite ville plusieurs sites aménagés pour les campeurs aisés, généralement des retraités qui y parquent leurs caravanes cent fois plus grosses que des bus Volkswagen, on trouve aussi dans le parc une quinzaine d’endroits où camper (l’un reçoit d’ailleurs exclusivement les campeurs à cheval), dont la moitié seulement est aménagée, l’autre étant réservée aux amateurs de camping résolument sauvage. L’Anza-Borrego est le seul parc californien où l’on permette d’ailleurs le camping sauvage, avec promesse des campeurs de rapporter aux naturalistes en poste toute découverte potentiellement intéressante… C’est qu’on est encore loin d’avoir exploré attentivement tout ce territoire à la morphologie singulière qui compte une douzaine de canyons, dont plusieurs alimentés en eau; des montagnes couvertes de roches; plus d’une vingtaine d’oasis; et des plaines de cactus et de fleurs aux teintes fluorescentes de jaune, de rouge et de mauve.
Havre des géologues qui peuvent aller y approfondir l’étude de la tectonique des plaques (la faille de San Andreas passe à 10 milles de la limite nord-est du parc), l’Anza-Borrego révèle une multitude de traces du passage du temps. On y a dénombré à ce jour 50 sites où des rochers couverts de pictogrammes témoignent de la vie spirituelle des premiers habitants. On y a trouvé des dizaines de petits creusets, patiemment foncés dans la roche par les femmes indiennes pour y écraser le grain. On y a découvert des os de mammouth qui dormaient là depuis 1.4 million d’années (on espère pouvoir un jour exposer le squelette au grand complet). On est même tombé sur un descendant de l’âge de glace, le "pupfish", un poisson qui peut vivre aussi bien dans l’eau douce que dans l’eau salée, et qui endure des températures allant du point de congélation jusqu’à 40 degrés Celsius.
L’Anza-Borrego (Anza, du nom du premier explorateur espagnol à l’avoir foulé, en 1770; et Borrego, pour agneau, en espagnol) compte environ deux douzaines de sentiers aménagés entre des cactus d’une époustouflante variété et d’étranges formations rocheuses habitées de lézards, de scorpions et de souris du désert. Si l’on est très chanceux, on verra peut-être un coucou terrestre (le fameux road-runner) traverser le chemin devant soi; mais seuls les observateurs à l’oeil fin et à la patience illimitée auront le privilège de voir un mouflon dresser fièrement ses cornes au faîte d’une falaise. Il y a aussi plus de 500 milles de routes carrossables, qu’on voudra préférablement emprunter en 4 x 4. Et puis il y a les restes d’un chemin de fer (ils sont fous, ces Américains!), dont quelques tronçons démantibulés demeurent visibles ici et là en travers des canyons, victimes d’une tempête tropicale en 1976, puis d’un feu de brousse en 1981. Comme autant de rappels que la nature aura toujours le dessus dans la région. Il est bon de se le rappeler lorsque l’on foule l’entrée du désert. Et encore plus si l’on choisit de ne jamais en revenir.
ANZA-BORREGO DESERT STATE PARK
Tél.: (760) 767-5311
Guides de voyages sur la France
Allez les Bleus!
Pour les intellos, ou pour les photos: deux collections de livres sur la France. Question de ne pas perdre le nord.
Si l’idée pour vous d’un pèlerinage sur la Côte d’Azur consiste à faire le circuit des hôtels et restaurants qui ont eu l’insigne honneur de recevoir Delon ou Adjani, ne comptez pas sur le Guide Bleu de la Côte d’Azur pour vous renseigner! Les Guides Bleus sont des livres pour gens sérieux. Ceux pour qui il importe de savoir que la ville de Cannes (Canoïs) fut fondée par les Romains en 154 avant J.-C., et qu’elle fut longtemps un sympathique village – où il n’existait, en 1834, qu’une seule auberge – avant de devenir la ville festivalière que l’on sait aujourd’hui. Derrière chaque lieu à visiter, se cache un monde d’histoire. Et les Guides Bleus se donnent pour rôle d’en dévoiler la profondeur; dussent-ils paraître parfois un peu secs… Car, contrairement aux Guides du routard, par exemple (publiés également par la maison Hachette, pas folle…), qui ressemblent bien souvent à une lettre de 200 pages adressée directement au lecteur par un vieux chum tripeux, les Guides Bleus sont comme une boîte de diapositives et de fiches explicatives ramenées de voyage par une collection de gens biens qui parlent comme des encyclopédies. Pas farceurs pour deux sous; mais instructifs, clairs et pratiques.
Chaque Guide Bleu, dont 24 sont consacrés exclusivement à la France, est conçu selon le même modèle. Dans le rabat de la couverture (qui peut en outre servir de marque-page), une carte détaillée de la région couverte par le Guide permet au voyageur d’embrasser d’un seul coup d’oeil son itinéraire. Mais avant de lui donner à explorer la spécificité de chaque ville, on le convie à un portrait d’ensemble à travers les paysages, les cadres de vie, la société, l’identité, l’histoire et le patrimoine de la région. Dans la seconde partie, qui constitue la pièce de résistance, l’ouvrage explore plus à fond les villes et les villages, en suggérant itinéraires et visites, et en ne manquant jamais de souligner les richesses artistiques et culturelles des lieux. Axés sur la qualité de l’information, les Bleus sont aussi de beaux objets, en papier glacé, d’un format, et plus particulièrement d’un poids, qui les fait se tenir bien confortablement ouverts dans le creux d’une main. Aquitaine, Auvergne, Languedoc, Roussillon, Limousin, Midi-Pyrénées, Provence, Côte d’Azur, Rhône, Alpes: tous les départements du Sud de la France sont couverts par les Guides Bleus. Une belle, et éducative, virée en perspective.
Côte d’Azur, Guides Bleus, Hachette, 2000, 448 p.
Provence, Guides Bleus, Hachette, 2000, 448 p.
Beau, bon, peuchère!
Lorsque le seul voyage que l’on puisse s’offrir consiste à tourner les pages d’un guide de voyage
s, aussi bien s’en choisir un beau. La Sélection du Reader’s Digest, bien connue pour ses briques consacrées à l’entretien de tout ce qui concerne la maison et ses environs, n’en a pas moins une impressionnante liste de titres portant sur les voyages. Une collection spécifiquement consacrée à la France, et qui paraissait en Europe depuis l’an dernier, est finalement arrivée chez nous ce printemps. Il s’agit de la collection "Mille Visages de la France", qui compte à ce jour trois titres: Le Val de Loire (Douceur et lumière), La Bretagne (Entre Armor et Argoat), et Provence et Méditerranée (Mer, chaleur, senteurs). Pour un prix fort raisonnable (39,95 $), chacun de ces beaux ouvrages entraîne le lecteur à la découverte du pays, région par région, thème par thème, image par image. Tous les intérêts s’y côtoient. Ainsi, que les lecteurs soient passionnés par l’histoire ou par les arts, amoureux de la nature d’un pays ou curieux des personnages célèbres qui y ont vécu, ils trouveront matière à s’émerveiller. L’éditeur n’a pas lésiné avec les photographies, qui se dénombrent par centaines, témoins du passé et de la tradition, mais également preuves du monde en perpétuel devenir. Avec un texte extrêmement vivant, un dosage astucieux des divers types de richesses qu’offre une région, et un souci manifeste de séduire l’oeil et l’intérêt du lecteur, les "Mille Visages de la France" assurent une fort agréable évasion. D’autres beaux livres consacrés à l’Hexagone, sans être des nouveautés, demeurent très en demande chez l’éditeur. Ce sont Les Châteaux de la Loire, Paris: Balade au fil du temps, et La France des routes tranquilles (300 itinéraires). Des livres dans lesquels on plonge et on replongera en attendant de pouvoir le faire, le vrai beau voyage…
Le Val de Loire, Sélection du Reader’s Digest (coll. "Mille Visages de la France"), 2000, 175 p.
La Bretagne, Sélection du Reader’s Digest (coll. "Mille Visages de la France"), 2000, 175 p.