Vie

Les villages blancs du Vermont : Vers les verts monts

On les appelle les "villages blancs" parce que tous les bâtiments sont peints en blanc; et parce que les puritains qui les ont fondés au XVIIIe siècle avaient peut-être à coeur, au-delà de la pureté de l’âme, celle du sang. Les choses ont peu changé dans ce coin du monde.

Les États-Unis d’Amérique ont commencé ici. Presque. En tout cas, les premiers habitants européens du Vermont – baptisé ainsi par Samuel de Champlain qui trouvait les montagnes bien belles et bien vertes – sont venus de la côte Atlantique à la recherche d’une vie plus simple, plus proche de la nature et de la pensée théologique protestante. Ceux qui fuyaient les régions côtières voulaient implanter une nouvelle façon de vivre en société à partir de principes entièrement inédits pour l’époque: liberté (pour tout le monde sauf les Amérindiens), égalité (pas d’esclavage, du moins officiellement) et, pourrait-on dire, fraternité (en attendant la guerre civile). Ces principes ont donné naissance à une vraie culture américaine, à une économie parmi les plus dynamiques, et à un système éducatif diligent dont s’inspirent encore les grandes universités de la région, devenues depuis le XIXe siècle, les Ivy Leagues.

Ces idées d’une société entièrement libérée de la hiérarchie anglaise ont donné naissance à de splendides villages partout en Nouvelle-Angleterre. C’est pourtant au Vermont, le plus petit, le moins peuplé et le moins industrialisé des six États de la Nouvelle-Angleterre, que ces villages ont gardé intacte leur apparence d’autrefois. Pourquoi? Parce que le Vermont a été un État indépendant – complètement indépendant – pendant 14 ans, et que les Vermontois ont toujours manifesté un esprit d’indépendance envers l’État fédéral en votant contre toute attente, des lois… presque antiaméricaines. Exemple: on interdit toujours les panneaux publicitaires le long des routes, principales ou secondaires et l’établissement de fast-foods (presque un symbole sacré au royaume de la nourriture pas chère et rapide) y est également proscrit. Le résultat est réjouissant: les routes sont propres, parfaitement bien tenues et libres de "pollution visuelle" comme on nous l’affirme au bureau du tourisme. Étonnant? Encore plus quand on songe que le gouverneur de l’État – un républicain – a voté contre George Bush au début de l’année et a fait basculé la majorité au Sénat dans le camp démocrate. Tout ça dans une tranche du pays plus petit que le Nouveau-Brunswick et moins peuplé que Longueuil.

Ne serait-ce que pour cela, les quatre heures de route qui nous séparent des villages blancs en vaudraient déjà bien la peine; mais le Vermont a dans sa poche plus d’un atout. Complètement au sud de l’État, les villages blancs ont été fondés au milieu des plus hauts sommets des Appalaches, dans le parc national des Green Mountains. Le mont Snow et le mont Stratton culminent à plus de 1200 mètres, ce qui en fait les stations de ski les plus attrayantes (et les moins chères) de la Côte-Est. Et quand on parcourt les routes sinueuses et les forêts pratiquement épargnées par la coupe massive, on se dit qu’il y a quand même du bon à avoir stoppé net le développement du tourisme de masse. Les Vermontois évitent du reste toute forme d’excès. On le constate à traverser les villages enjolivés de bed & breakfast pittoresques, aménagés dans d’anciennes chaumières de bois, de restaurants élégants rarement kitsch et même de Relais et Châteaux, établis dans ce qui était autrefois les demeures somptueuses des riches industriels new-yorkais, qui envoyaient femmes et enfants dans le coin pour y passer les étés.

Au coeur du village typique, on trouve un green communautaire, une sorte de parc, qui permettait les rencontres, autour duquel s’élevaient les églises (souvent plus de deux: l’une catholique l’autre protestante), les marchands d’épices et de tissus, les ferblantiers, l’hôtel de ville fréquemment majestueux avec ses colonnes de style grec emprunté et dans les rues adjacentes, de jolies maisons toutes blanches, devant lesquelles les propriétaires actuels ont aménagé des jardins contemporains. Vous connaissez les Américains avec leur pelouse! Et les cimetières, qui sont partout, autour des maisons, des églises et au beau milieu de la forêt, et qui racontent un peu l’existence difficile de ces pionniers tranquilles et sans monture.

Aujourd’hui, ces villages sont des curiosités touristiques de bon goût – chose rare aux USA -, des lieux préservés et protégés avec un zèle patrimonial étonnant, où l’on organise de multiples festivals de musique ou de théâtre à longueur d’année, et où se sont installées des dizaines de galeries d’art. Inutile de dire qu’on ne s’ennuie pas et qu’un week-end le long de la route 7, qui longe le lac Champlain avant d’arriver au coeur des montagnes, reste l’une des plus originales excursions de l’autre côté de la frontière.


LES PLUS BEAUX VILLAGES
Newfane, Stratton, Grafton, East Dover, Chester, Brandon, Wilmington, Jamaica, Londonderry et Peru (Hé oui!). Et les petites villes de Manchester, Brattleboro et Bennington, là où l’on trouve le plus d’auberges et de bons restos.

LES STATIONS DE SKI
Elles se trouvent autour des monts Snow, Magic, Haystack, Stratton et Bromley. Pour en savoir plus, consultez le site de l’Office du tourisme du sud du Vermont www.1-800-vermont.com/ et le Guide to Recommended Country Inns of New England de Suzy Chapin ou le Bed & Breakfast in New England de Bernice Chester, des ouvrages bien pratiques. Pour l’ambiance, les romans de Nathaniel Hawthorne, John Irving, et ceux d’Arthur Miller (surtout Les Sorcières de Salem) sont traduits en français et en vente partout.