Vous connaissez les îles de la Madeleine? Même si ce n’est pas le cas, vous avez sans doute trop honte pour l’avouer… Ce fleuron du tourisme québécois, bien qu’il reçoive chaque année plus de 40 000 visiteurs, québécois pour la plupart, demeure davantage connu pour sa saison estivale que pour ses activités hiémales. Et pourtant…
Chaque hiver, au début mars, pendant la période d’observation des blanchons (jeunes phoques à la blanche fourrure), les quatre coins de la planète s’y donnent rendez-vous.
Bien que l’attraction principale demeure le loup-marin (nom local pour le phoque), plusieurs activités complémentaires sont offertes à la visite. Parmi celles-ci se démarque la balade en traîneau à chiens.
À bonne distance du site, on entend déjà la chorale canine qui s’anime. Leurs hurlements transmettent un message sans équivoque: ils ont hâte de courir. Main tendue, le musher (conducteur de traîneau à chiens) en chef s’avance en s’excusant: "Ils ne crient pas toujours comme ça. Là, ils savent que l’on va aller courir, ils le sentent." Bertrand Duclos, le maître de la meute, veille sur ses chiens comme sur ses enfants. Il les connaît intimement et me les présente un à un avec respect… et me raconte de petites anecdotes sympathiques sur chacun.
Leurs noms sont souvent tirés du vocabulaire madelinot: Giguer, Sawest, Frozis, Garcette… Les huskys sont superbes, robustes, conçus pour l’effort nécessaire à ce jeu. Car pour eux, c’est bien ce dont il s’agit, un jeu.
Une fois les préparatifs terminés et les chiens attelés, je me retrouve assis confortablement dans un traîneau, le meneur de chiens debout sur les skis derrière moi, le bras en l’air, prêt à donner le signal de départ à ses compagnons mushers. Les chiens tremblent d’impatience.
Et c’est parti.
On décroche les ancres, relâche les freins et les chiens s’élancent d’un bond. La puissance de traction est considérable, bien que seulement sept chiens nous tirent. Je m’étonne d’entendre Bertrand chuchoter à son leader: "Devant… c’est ça Giguer… à gauche… encore à gauche… devant… voilà, c’est bien… vas-y."
En observant bien, je remarque que les chiens tournent tous les oreilles vers leur maître. "Pas besoin de crier pour qu’ils t’entendent, n’est-ce pas?" "Non…" de rétorquer Bertrand avec quiétude.
Mais voilà qu’à mi-parcours, Giguer semble résolument décidé à couper à travers les dunes malgré les ordres. Le musher applique les freins, ordonne, menace, rien n’y fait. Au bout d’un moment, agacé, Bertrand décide de changer de meneur. "Si tu n’es pas capable d’écouter, tu ne mérites pas d’être à l’avant", gronde Bertrand. Foxy, la matriarche, est appelée à la rescousse.
Giguer, la tête et les oreilles basses, semble porter tout le poids honteux de sa déchéance. Même les lèchements vigoureux de son nouveau compagnon de cordée ne semblent en rien diminuer sa tristesse.
Et le convoi repart, Foxy en tête. Trois attelages nous suivent. En tout, une trentaine de chiens. Et les lames crissent sur la baie. Bertrand commente: "Pas idéal comme conditions. Une bonne bordée de neige aurait été la bienvenue… c’est un peu glacé."
Qu’à cela ne tienne. Le ciel est d’azur, le mercure, clément. Le splendide paysage défile, les buttes de sable exhibent leur chevelure dorée au vent; au loin, la mer d’un bleu dense promène de blancs îlots tout en s’imposant à la relative pâleur céleste. Les griffes de nos toueurs poilus entament la surface gelée, les patins cisèlent le passage. Un bien bel après-midi.
Au bout d’une heure et de quelques pauses, nous rentrons au bercail. Giguer a repris sa place à la tête de la meute. À le voir obéir et tirer comme un forcené, on sent qu’il fera ce que doit pour y rester.
Les joues rougies de santé, le corps encore ballotté, je débarque de mon trône de bois. Au bout de leur amarre, mes sujets, la langue tirée, halètent de plaisir. Avant de repartir, je remercie mes hôtes et m’attarde à flatter Balthazar qui, tel un David Bowie canin, me dévisage de ses yeux dissemblables. La horde est calmée, le soleil se prépare à la nuit.
En revenant, derrière le volant de ma voiture, j’ai envie de lui crier: "À gauche… encore un peu… c’est ça… devant maintenant…"
Aventure Banquise aux îles de la Madeleine: (418) 986-5461
Pas besoin d’aller jusqu’aux îles de la Madeleine pour musher. Plusieurs centres près de Montréal proposent des excursions en traîneau à chiens.
- Le Village de Musher
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Laurel Aventure Nature: (450) 226-8446
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Rêve Blanc: (819) 623-2628
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Domaine Louman: (514) 942-4005
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Espaces Aventures: (514) 667-9063
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Parc du Domaine Vert: (514) 435-6510