Plus besoin d’aller à Times Square pour attraper "the lullaby of Broadway"! À l’ombre de la tour du CN, le quartier des théâtres à Toronto est devenu l’une des plus importantes attractions touristiques au pays. De Cats à The Lion King, en passant par Tommy, Rent, The Phantom of the Opera et Les Misérables, Toronto accueille désormais presque tous les succès de Broadway et du West End. Les plus importants musicals anglo-saxons y sont présentés non-stop, souvent pendant des années.
À elles seules, les rues King (avec le Princess of Wales, le Royal Alexandra, le Massey Hall, le Roy Thomson Hall) et Yonge (avec le Canon Theatre, le Canadian Stage Theatre, le Elgin, le Winter Garden et le Hummingbird Centre) offrent plus de sièges aux amateurs de théâtre que tout le centre-ville de Montréal en entier.
"Plus de 78 millions de personnes vivent à moins de six heures de route de Toronto, souligne le producteur David Mirvish. Il y a donc un grand potentiel de touristes culturels. D’autant plus que pour les Américains – qui viennent de Buffalo, Detroit, Cleveland ou Rochester -, nos billets, en dollars canadiens, ne sont pas chers."
David Mirvish poursuit le travail amorcé par son père, le commerçant Ed Mirvish (les magasins Honest Ed’s, c’est lui). En 1962, il a acheté et sauvé des pics démolisseurs le Royal Alexandra Theatre, rue King. Cette vieille et très belle salle de théâtre a vu bien des spectacles depuis que David Mirvish y a produit Hair, dans les années 60. Depuis 10 mois, il y présente Mamma Mia!, une comédie musicale britannique écrite d’après les chansons du légendaire groupe suédois Abba. Et l’an prochain, cet ancien propriétaire d’une galerie d’art contemporain produira six nouveaux spectacles. Parmi ceux-ci, la comédie de l’auteur montréalais Steve Galluccio, Mambo Italiano, dès le 6 janvier 2003 au Elgin, dans la mise en scène de Gordon McCall; et au printemps 2003, The Producers, le méga-succès de Mel Brooks qui a remporté 12 Tony Awards en 2001.
Sans parler des locomotives que sont Mamma Mia! et The Lion King. Depuis sa création torontoise, en avril 2000, la comédie musicale inspirée du film d’animation de Disney, revisitée avec maestria par la metteure en scène Julie Taymor, tient l’affiche du magnifique Princess of Wales Theatre (2000 places) à raison de huit représentations par semaine, dont trois matinées. La machine roule si bien que Mirvish vient d’annoncer une autre série de supplémentaires jusqu’au 8 septembre.
Succès commercial, bien sûr, pour cette production créée à Broadway en 1997, au coût de 20 millions de dollars, avec la signature d’Elton John (musique) et Tim Rice (paroles). Mais aussi succès artistique, grâce au travail de Julie Taymor. Outre la mise en scène, elle a aussi signé les costumes et collaboré à la création des marionnettes ainsi que des masques.
Influencée par le théâtre et les rites asiatiques (elle a vécu en Indonésie), Julie Taymor provient du milieu de l’avant-garde et non pas du théâtre commercial (elle a déjà présenté une pièce au Festival de Théâtre des Amériques de Montréal en 1989). La metteure en scène est reconnue dans le circuit international. Elle a entre autres dirigé un opéra avec Jessye Norman.
The Lion King, c’est un heureux mariage de l’avant-garde théâtrale et du divertissement grand public, un genre de croisement entre la rigueur des spectacles du Théâtre du Soleil et le côté ludique des films de Disney.
Le parti pris de Taymor, c’est le pouvoir d’évocation du théâtre. "Au théâtre, on peut suggérer un oiseau sans avoir besoin de montrer des plumes", a-t-elle expliqué dans une entrevue au National Post lors de la première torontoise de la comédie musicale.
Et contre tout attente, cette production de Disney joue la carte de l’évocation, à la limite de l’abstraction. Dès la première scène, alors que de magnifiques girafes (suivies d’éléphants, de hyènes, d’oiseaux, et autres animaux) passent sur la scène illuminée par un lever de soleil couleur safran, l’émotion gagne le public. Le ton est donné: cette fable sur un jeune lion expulsé de son royaume par un oncle despote à la suite de la mort de son père, le Roi lion, sera portée par une vision poétique du monde, et un profond respect pour la culture ancestrale africaine.
Julie Taymour voulait que le public puisse voir le corps des interprètes sous les costumes des animaux sauvages. Elle a donc privilégié des costumes anthropomorphiques (le lion est évoqué par un masque, un maquillage et une queue). À partir de là, le périple du fils du Roi lion devient une histoire universelle, un drame à la Hamlet, avec la beauté et le rythme de la culture africaine. Purement magique.
Mamma Mia! est une moins grande réussite sur le plan artistique. Mais c’est un excellent divertissement pour les baby-boomers et les plus jeunes qui ont vibré aux tubes d’Abba. Certes, l’histoire de cette jeune fille à la veille de se marier, qui est à la recherche de son père, demeure assez anecdotique. Mais la qualité des interprètes, de la mise en scène et des numéros de production fait oublier cette faiblesse. On va voir Mamma Mia! pour fredonner avec les chanteurs ces chansons qui ont le (grand) mérite de semer la joie instantanément. Et le public sort du spectacle le sourire aux lèvres.
Mamma Mia!
The Lion King
Jusqu’au 8 septembre
Prix des billets: de 25 $ à 115 $
Info: 1 800 461-3333 ou www.mirvish.com