Vie

Planeur : S'envoyer en l'air

Le planeur est à l’avion ce que le vélo est à la moto, un mode de transport identique, mais plus lent et moins bruyant. Portrait d’une activité qui s’adresse aux contemplatifs n’ayant pas froid aux yeux.

Montérégie

Dans un champ perdu et pourtant situé à seulement trois quarts d’heure de route de Montréal, de drôles de bestioles semblent piquer un somme sur la prairie encore verte du début d’automne. Leurs larges ailes déployées, ces oiseaux attendent d’être remorqués pour planer.

Car le planeur ne se meut que sur l’air. Au sol, il est aussi désemparé qu’un poisson sorti de son bocal. Pour le ramener dans son habitat naturel, on lui accroche donc un hameçon au bout du nez. Un avion conventionnel (entendre: motorisé) décolle avec l’autre extrémité du câble fixée à sa queue, tire son cousin jusqu’à 3000 pieds d’altitude, décroche le câble et le laisse seul en l’air. Seul, et sans moteur.

Il y a un certain nombre d’années, quelques tripeux ont acheté une terre dans l’immensité de champs de maïs au sud du Saint-Laurent. Ils y ont aménagé une piste pour l’envol de leur dada: le planeur. "Dans le coin, on est perçus comme des illuminés, lance d’entrée de jeu Sylvain Bourque, l’un des membres de l’Association de vol à voile Champlain située à deux pas de Saint-Hyacinthe."

Le planeur est une activité inusitée pratiquée par moins de 200 personnes réparties dans trois clubs autour de Montréal. À Saint-Hyacinthe, on fonctionne selon une formule coopérative où les coûts sont divisés entre les membres. "Le planeur n’est pas plus dispendieux qu’une saison de golf, fait remarquer Sylvain Bourque. Pour 2000 $, un membre peut venir chaque fin de semaine ou presque profiter des installations." L’association à but non lucratif vise à former des pilotes dont le vol d’introduction sera la première étape. Certains arrêteront là, mais plusieurs auront la piqûre pour la bestiole aux longues ailes.

I want to get high… so high

Comme toutes les drogues dures, le planeur peut engendrer un sévère degré de dépendance. Un seul vol peut être fatal. "Tous les gens qui volent pour une première fois veulent revenir, indique Gabriel Duford, instructeur en chef du club. Moi, j’ai choisi le planeur au lieu du parachute parce que ça dure longtemps et que tu as vraiment le temps de décrocher…"

Quand le largage est effectué et que le planeur, très haut, se détache de son remorqueur motorisé, la magie se fait réellement sentir. Le silence s’empare de l’engin. On sent les ailes s’appuyer sur l’air et l’oiseau planer autant que les occupants. Bien sûr, la perspective des minuscules vaches qui broutent en bas, ou de la rivière Yamaska, dont les deux bras se rejoignent sous l’appareil, émerveille le regard. Mais, plus que cela, c’est le rapport privilégié avec l’air qui vous fait adopter le planeur sur-le-champ.

Un planeur, c’est zéro essence, un habitacle minuscule et des ailes très longues qui donnent pour résultat un sentiment incomparable d’unité avec l’air. Les pilotes doivent d’ailleurs apprendre à anticiper les mouvements des masses d’air. La clé est de rechercher les courants thermiques ascendants, situés près des cumulus en formation. Grâce à ces courants, un planeur peut gagner de l’altitude, donc rester en l’air plus longtemps. Les pilotes expérimentés peuvent ainsi atteindre plus de 8000 pieds et franchir une distance d’une centaine de kilomètres avant de reprendre l’ascenseur thermique d’un autre courant repéré, puis d’un autre encore et ainsi de suite. Le record du club est de huit heures de vol pour un circuit de quelque 500 km. "Après un vol dans ce genre-là, même quand tu atterris et que tu sors de l’appareil, tu ne touches plus au sol, blague Sylvain Bourque."

"Le planeur, c’est le plaisir de voyager sans moteur, d’aller jusqu’où les courants nous portent", résume Alain, un fidèle membre du club qui vient de donner à sa fille de trois ans son baptême de l’air. Flotter dans l’air enivre et est accessible à tous. Et si le vol ne dure qu’une vingtaine de minutes, les images restent longtemps.

Profitez-en, l’industrie du planeur est et a toujours été décriminalisée. Alors, laissez-vous aller, flottez, que dis-je, planez!

Info
Vol d’initiation: 80 $
Association de vol à voile Champlain
(450) 771-0500
www.avvc.qc.ca

Autoroute 20 Est jusqu’à la sortie 141. Suivre les indications vers Saint-Valérien-de-Milton. Tournez à droite vers Saint-Liboire et roulez 4 km, puis encore à droite sur le 7e Rang pendant 3 km. L’aérodrome sera sur votre droite.