Vie

Cantons-de-l’Est : AUTOMNE LOYAL

Pour mettre un peu de couleur dans votre automne, allez vous balader sur les chemins qui longent la frontière américaine, dans un décor où alternent flamboyantes forêts et villages aux accents loyalistes.

Quand les États-Unis se séparèrent de l’Angleterre au XVIIIe siècle, de nombreux colons mécontents prirent le chemin de l’exil et se réfugièrent au nord de la frontière, dans le dominion du Canada. Au fil des ans, ils développèrent l’un des plus beaux coins de la province.

Québec ou Nouvelle-Angleterre?

Le paysage qui défile le long des routes près de la frontière ressemble à s’y méprendre à celui du Vermont ou du New Hampshire: collines ondulantes, villages aux charmes discrets comme si cette contrée les avait fait mûrir, vergers et champs telles des clairières entre la vaste couverture d’une forêt de feuillus.

À chaque tournant, un nouveau tableau composé de coteaux ou de forêts fait son apparition. On aurait envie de sortir de la voiture pour admirer le panorama plus lentement. C’est à peu près à ce moment qu’on croise Pierre Foglia, à vélo, grimpant une côte pour faire sortir le méchant.

Ici, les routes sont autant de traits de pinceaux goudronnés qui permettent de rouler dans cette magnifique campagne aux vifs tons rougeâtres d’octobre. Des distances d’une douzaine de kilomètres en moyenne séparent un village à consonance loyaliste d’un autre: Bedford, Stanbridge East, Frelighsburg, Abercorn. Le charme des églises centenaires, des nombreuses demeures victoriennes bordant la route et du vieux magasin général de Frelighsburg, rénové sans avoir perdu son cachet d’antan, fait oublier pour un moment les boulevards Tachereau de ce monde. Entre ces villages, on retrouve toujours ces grappes de forêts aux couleurs fascinantes.

On raconte que la rage des loyalistes du XVIIIe siècle, forcés à l’exil et obligés de recommencer le pénible travail de colons, fut d’une intensité peu commune. Cette colère fut si violente qu’elle s’irradia sur le paysage et transforma les forêts de feuillus en un bouillonnement végétal de couleurs chaudes. Les loyalistes, admirant cette beauté subite de la nature, oublièrent leurs foudroyantes émotions politiques, reprirent espoir et s’employèrent à établir de nouvelles racines. Depuis, chaque automne, les couleurs flamboient sur le 45e parallèle québécois comme nul par ailleurs en Amérique.

Des couleurs plein la tête

Frelighsburg, à 100 km de Montréal et au fond d’une vallée où coule un cours d’eau mélodieux, offre un point de départ tout indiqué pour les amateurs de vélo, qui doivent cependant partager la route avec les automobiles. Trois routes s’y croisent et on peut, par exemple, effectuer une boucle de 30 km en passant par Dunham et Stanbridge East. Montées, descentes, paysages enivrants, respiration haletante et gorgées d’eau sont au menu.

Une option plus zen consiste à prendre la route vers Dunham à partir de Frelighsburg et tourner à droite sur le chemin de gravier du mont Pinacle. Incidemment, il s’agit du nom donné à cette silhouette que vous aurez remarquée à coup sûr en arrivant dans la région, celle de la montagne de 706 mètres de hauteur qui domine les horizons.

La fiducie foncière du mont Pinacle, un organisme à but non lucratif, a acquis 146 acres sur le versant nord de la montagne en 1993 et y a tracé quelques sentiers. Ceux-ci permettent de pénétrer dans une forêt mature où la hauteur du plafond de feuilles donne à tout instant l’envie de se coucher sur le dos pour contempler le spectacle, de façon à éviter un torticolis.

Seule déception: le sentier ne se rend pas au sommet (privé) d’où (paraît-il) la vue est exceptionnelle. Qu’à cela ne tienne, le panorama intra muros de la forêt aux grands érables et aux ruisseaux tapageurs suffit à vous remplir d’infini. Quelques panneaux disséminés le long du parcours donnent de l’information sur les espèces animales et végétales peuplant le massif du mont Pinacle.

La splendeur de l’environnement naturel et humain explique éloquemment pourquoi les loyalistes érigèrent leurs charmantes agglomérations dans cette région. En effet, pourquoi aller plus loin quand, tout autour, la beauté vous enveloppe?

Info
Frelighsburg, municipalité située
au centre de la région décrite,
se situe à 100 km au sud-ouest
de Montréal. Autoroute 10 Est,
sortie 68; route 139 Sud jusqu’à
Cowansville, route 202 Ouest
jusqu’à Dunham et route 213 Sud
jusqu’à Frelighsburg.