Vie

Saguenay : Le creuset des passions

La ville de Saguenay semble abriter un nombre très élevé d’artistes et de passionnés au mètre carré. Nous en avons rencontré trois qui vivent et créent au rythme de La Baie.

Victor Dallaire, l’anti-star

Après 45 ans à peaufiner un talent déjà naturel, il est normal qu’une solide renommée précède Victor Dallaire. Également normal d’entrer dans son univers en ayant imaginé le personnage avec quelques excentricités que l’on pardonne plus facilement aux surdoués de son genre. À ma grande surprise, j’y ai trouvé un petit monsieur volubile avec de grands yeux d’enfant. S’il ne m’avait lancé un sympathique: "Salut, moi, c’est Victor" en me tendant la main, j’aurais possiblement regardé par-dessus son épaule pour chercher l’Artiste. Sans ambages, il me présente ses pièces, m’invite dans sa demeure, me fait visiter son atelier. Victor est un livre ouvert. Il me parle du frère Bergeron, le premier à exposer son potentiel artistique, de ses études avec les Bourgault à Saint-Jean-Port-Joli, de la renommée qui s’étend lentement jusqu’en Europe, et même des périodes plus sombres qui l’écartent de son art pour un temps. Un autre Victor, Hugo celui-là, disait qu’un poète est un monde enfermé dans un homme. Dallaire taille ses poèmes à même le pin, le tilleul, le noyer. Il a su résister à la tentation de la production de masse et ne crée que des ouvres uniques, avec des détails d’une précision à faire pâlir un horloger. D’une humilité désarçonnante, Victor me confie que c’est le bois qui lui dicte où aller, que l’ouvre est déjà là. Il suffit de la débarrasser de son enveloppe. "En cherchant la perfection, on avance mieux… même si on sait qu’on ne l’atteindra jamais", commente l’artiste-philosophe. La perfection? Peut-être pas. Mais drôlement impressionnant comme imitation.
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1511, boulevard de la Grande Baie Sud, ville de La Baie, (418) 544-4943

Guiseppe Benedetto, en verre et contre tout
Originaire d’Italie, Guiseppe Benedetto habite le Québec depuis 35 ans. Professeur d’art à temps plein, souffleur de verre également à temps plein, Benedetto est un autre de ces passionnés. Détenteur d’une maîtrise en sculpture de l’Université du Québec à Montréal, il a façonné presque toutes les matières: granit, aluminium, bronze, acier. On lui doit d’ailleurs les Mercures, trophées décernés par la Chambre de commerce du Québec. Mais, au bout du compte, c’est la matière la plus capricieuse, le verre, qui domine. En 1993, après de multiples péripéties, il concrétise enfin son projet de verrerie d’art et d’atelier de soufflage. En dehors de la saison estivale, où il s’exécute plus régulièrement, vous pouvez l’admirer les fins de semaine en train de tourner, souffler un peu, pas trop, balancer sa canne, ajouter les oxydes métalliques pour la coloration, créer une ouvre sans aucun contact direct. Jouer avec le feu en chorégraphiant les mouvements. Bien que les techniques de maniement de cette masse visqueuse (lorsque chaude) soient connues depuis des millénaires, chaque pièce représente un nouveau défi à relever. Le visiteur trouvera dans son atelier une multitude de pièces de formes, de couleurs, d’utilités… et de prix très variés. De l’art populaire qui côtoie des pièces maîtresses où l’artiste intègre parfois d’autres matériaux. Afin de constater de quel verre il se chauffe, montez à l’étage où il expose sa collection personnelle. S’il lui reste un peu de souffle, demandez-lui de vous présenter ses ouvres. Charmé par son accent musical, vous comprendrez que beauté peut rimer avec profondeur.
www.sfr02.com

Pierre Tremblay, le facteur du coin
Un peu au nord de Chicoutimi, plus précisément à Saint-Honoré, habite un facteur peu commun. Il s’agit en fait d’un facteur d’arcs. En clair, un artisan dans la fabrication d’arcs de chasse. Et quand on parle d’artisan, le terme "artiste" pourrait également s’appliquer. Disons qu’il fabrique un arc comme un violon: chaque pièce possède sa personnalité propre qui reflète celle de son propriétaire. Et dans le domaine de l’archerie, les arcs Valin font office de Stradivarius. On adaptera la puissance, la dynamique, la longueur, le poids et d’autres composantes pour bâtir l’arme parfaite. Le but recherché: que l’instrument devienne une extension naturelle du bras. Outre les Québécois, les Français et les Américains savent apprécier la qualité des Valin. Passé de tireur à propriétaire de boutique d’archerie, Pierre Tremblay, au début, fabriquait seulement une fois le soir venu. En 1996, il décide de vivre de sa passion. Mais même s’il existe environ 70 000 chasseurs à l’arc au Québec, seulement 2500 préfèrent l’arc traditionnel à l’arc à poulie. Selon l’artisan, un pourcentage encore plus faible pratique l’archerie comme un art martial. En effet, pour être bien maîtrisée, cette activité demande une attitude très zen. Posséder un arc Valin ne vous garantira ni d’atteindre cet état ni même un repas de gibier, mais pas besoin d’être un artiste pour apprécier une ouvre d’art.
www.arcsvalin.ca