Vie

Montérégie : À la coupe!

Couper son sapin.

Lorsque j’étais jeunot, ma mère envoyait mon grand frère dans le bois derrière chez nous, vers le début décembre, afin qu’il nous ramène ce qui deviendrait le centre d’attraction des festivités de Noël: mon beau sapin, roi des forêts.

La tâche peut paraître simple mais il n’était pas rare que mon frère s’y prenne à trois ou quatre reprises afin de satisfaire la symétrie végétale recherchée par la reine du foyer. Personnellement, je n’avais rien contre ces caprices puisque j’accompagnais mon frère à chaque nouvelle sortie. Étant trop petit pour tenir une hache, je prenais plaisir, calé dans la neige jusqu’aux genoux, à chercher la perle rare qui ferait frétiller ma maman de fierté.

Une fois l’arbre bien installé à l’endroit stratégique, nous passions, en famille, à l’ornementation: la neige en cannette, les boules multicolores, les cannes de bonbon, les glaçons, la crèche avec ses dizaines de personnages et, la touche finale, l’ange tout en haut du sapin. Ce grand classique revenait invariablement d’année en année.

Ensuite, les habitudes ont bien changé. Ce fut la mode des sapins artificiels qui, même décorés, dégageaient une tristesse suffisante à gâcher le temps des Fêtes. Ça avait beau se ranger dans une boîte en janvier, il y manquait une chose essentielle: l’odeur. La senteur que dégage un sapin planté dans le salon apporte une touche féerique à cette période de l’année. À part les heures passées à coller mes modèles réduits, c’est possiblement le souvenir le plus indélébile qu’il me reste de cette époque.

Il fut normal de voir le retour du sapin naturel dans nos foyers mais, à cause de la privatisation des terres, de l’urbanisation et possiblement de la tangente qu’a prise notre société de consommation, une grande majorité de familles achètent maintenant leur sapin sur le coin d’une rue, pré-emballé tel un saucisson verdâtre.

Pour remédier à ce crime de lèse-tradition, deux entreprises de la Montérégie ont décidé d’offrir un "self-service" de coupe de sapin.

La première, la Cidrerie Coteau Saint-Jacques, est située à Saint-Paul-d’Abbotsford. Armée d’un traîneau et d’une scie, toute la famille pourra, jusqu’au 24 décembre, arpenter la sapinière en quête du sapin avec un grand "S". L’horaire d’ouverture est les jeudis et vendredis, de 9 h à 17 h, et les samedis et dimanches, de 10 h à 17 h.

Du côté de la Ferme Quinn, établie à Notre-Dame-de-l’Île-Perrot, on a voulu renouer de façon encore plus serrée avec la tradition en transportant les cueilleurs dans une charrette tirée par des chevaux. Cette coupe traditionnelle de sapin baumier est possible sur réservation, les vendredis, de 11 h à 16 h, et les samedis et dimanches, de 8 h à 16 h, pendant le mois de décembre. Il en coûte 5 $ pour une promenade avec les deux juments belges et 30 $ par sapin. C’est un peu plus cher mais c’est plus que du sent-bon.

Dans les deux cas, les efforts des bûcherons seront récompensés par un bon verre de jus de pommes chaud pendant que le trophée se préparera pour le voyage jusqu’au domicile d’adoption où on le parera comme un roi en attendant de déposer à ses pieds le butin de Noël.

Comme quoi la tradition, ça peut être très original.

Cidrerie Coteau Saint-Jacques, 995, grand rang Saint-Charles, Saint-Paul-d’Abbotsford, tél.: (450) 379-9732.

Ferme Quinn, 2495, chemin Perrot, Notre-Dame-de-l’Île-Perrot, tél.: (514) 453-1510, www.quinnfarm.qc.ca.