La frénésie des couleurs bat son plein en forêt. Sur la route, le citadin ne sait plus où donner de la tête. Pourquoi choisir lorsqu’on peut en prendre plein la vue sans bouger d’un pouce? Le navire bouge pour vous. Sur le pont, allongé sur une chaise longue, le tapis rouge est déroulé sous vos yeux. L’automne se donne en spectacle sur les rives du Saint-Laurent. Le parcourir au rythme d’un bateau de croisière est une expérience unique. Même les plus récalcitrants à un voyage aussi "passif" y trouveront leur compte… Comme un éloge au défilement des paysages!
Le voyage sied aux moins pressés, mais même les autres seront pris d’une langueur incontrôlable. Le lancinant bruit de moteur y est sans doute pour quelque chose. L’immensité de cette faille fluviale, s’ouvrant et se contractant comme un coeur battant, donne aussi la mesure – humble – de l’humain dans ce monde de nature! Comment dès lors ne pas succomber au charme?
Le Vacancier offre un service de traversier-croisière, avec ou sans voiture, qui permet de rejoindre les Îles de la Madeleine ou d’en rentrer en deux jours. Certains font un aller-retour en passant deux jours dans l’archipel. D’autres profitent d’un séjour prolongé pour faire un trajet en bateau. D’autres encore se suffisent d’un segment entre Montréal et Matane, mais pour ceux-là, il faudra attendre le printemps prochain! En novembre-décembre, puis février-mars, les départs se font de Matane vers les Îles, cargo oblige. En avril-mai, il y aura de nouveau un "direct" Montréal-Les Îles, puis à la mi-mai, il fera escale à Québec et Matane. La CTMA ne lésine pas sur les moyens. Son équipage compte près d’une centaine de personnes en haute saison. Du bar à la caféteria, en passant par la salle d’entraînement ou les cabines, l’atmosphère est à la convivialité entre passagers comme avec l’équipage.
Dans les deux sens, la traversée donne une image vraiment originale du Québec naturel! D’un côté, la route maritime fait lentement quitter la civilisation des villes. Le fleuve s’étire jusqu’à l’estuaire, puis on perd la rive nord pour contourner la péninsule gaspésienne et entrer définitivement dans le golfe du Saint-Laurent. Dans l’autre sens, on passera, au contraire, de l’immensité du golfe à l’Île Bonaventure, surgie de nulle part au petit matin. Au soleil levant, on dépassera le Rocher Percé, l’un des clous de la croisière pour les matinaux. Parole de capitaine! Mais Mario Landry a un faible pour "ses" Îles quand on l’interroge sur son palmarès. Puis pour l’arrivée en soirée à Québec, tout illuminé, sur le trajet aller. En troisième position vient le Rocher Percé au lever du soleil. La plus belle saison pour la croisière? "L’automne et ses couleurs sur les rives en octobre".
Passés Percé et le parc Forillon, on cherchera sans succès Anticosti à tribord. Trop loin, comme la Côte-Nord. De toute la journée, on n’en verra rien. On se concentre plutôt sur le repérage des villages qui s’égrènent sur la côte gaspésienne. Petite-Vallée, Cap-de-la-Madeleine, Mont-Saint-Pierre, Cap-aux-Corbeaux, Cap-au-Renard, Sainte-Anne-des-Monts… On croit apercevoir les Chic-Chocs en arrière-plan. Après Cap-Chat et ses éoliennes, le navire fait escale rapide à Matane. Puis les montagnes perdent en hauteur, l’estuaire se rétrécit, mais de la côte nord, point de vision. On s’endormira finalement, toujours collé sur la rive sud du fleuve. Il faut se coucher tard si l’on veut entrevoir, de nuit, les lueurs de Tadoussac, de Charlevoix et de l’Île-aux-Coudres… Et mieux vaut se coucher tôt si l’on veut plutôt découvrir l’Île d’Orléans à l’aube, assister à l’embarquement d’un "pilote du Saint-Laurent" et admirer Québec avant l’accostage au pied de la vieille ville sur le coup de 6 heures du matin!
On a bien le droit ensuite de s’abandonner au farniente sur le pont, goûtant enfin à la vue panoramique des deux rives du fleuve. Les caps se succèdent, les églises aussi, les îles encore. Les balises vertes et rouges de la voie maritime rythment notre progression et la "rencontre" avec pétroliers ou navires de croisière fait rêver de voyages à plus long cours. Le lac Saint-Pierre est en vue, puis Sorel et son bel archipel, foisonnant d’oiseaux. Îles de Verchères, Varennes, Îles de Boucherville… Déjà la ville se rapproche. On y entre subrepticement, entre le Vieux-Port et l’Île Sainte-Hélène, pour un retour tout en douceur, au coeur de la Cité du Havre.
Infos: CTMA, tél.: 1 888 986-3278, www.ctma.ca