Vie

Montérégie : Soupe nature

Avant que la neige et la glace ne viennent paralyser la nature, attachez les lacets de vos bottes et allez contempler le foisonnement de vie des marais de la Réserve nationale de faune du lac Saint-François.

Du plein air dans une swamp? "Quelques rares fois, des visiteurs sont arrivés à l’accueil dans le stationnement et sont repartis aussitôt. Ils ne s’attendaient pas à ça", raconte Serge Bourdon, responsable des Amis de la Réserve nationale de faune du lac Saint-François.

Le "ça" en question, c’est une immense zone marécageuse de 14 kilomètres carrés située à l’extrême sud-ouest de la province, entre les États-Unis, le lac Saint-François et la réserve amérindienne d’Akwesasne. Véritable marmite où mijote un bouillon d’innombrables espèces animales et végétales, la réserve se laisse apprécier lentement, comme une recette savoureuse. On la déguste une bouchée à la fois pour ne rien perdre des subtiles saveurs qui font la grâce de l’ensemble. Ces saveurs, ce sont les grenouilles qui sautent devant vos pieds, la tortue qui joue à la statue sur son radeau improvisé, le vent qui fait onduler l’étendue infinie de roseaux, le monarque dont les ailes orange se découpent sur les pétales écarlates des fleurs sauvages…

"Ici, ça n’a pas changé depuis 1000 ans", explique Serge Bourdon du haut de la tour d’observation qui atteint 15 mètres. Celle-ci permet au passant de mesurer l’immensité du paysage, derrière lequel se profile la silhouette bleu cosmique des monts Adirondacks, dans l’État limitrophe de New York. L’horizon révèle une nature d’une virginité inouïe: pas de bâtiments ou de pylônes, aucune pollution visuelle.

Les 1350 hectares de la réserve font partie des rares vestiges d’un vaste écosystème de terres humides qui bordaient jadis les rives du Saint-Laurent, du lac Ontario jusqu’à la ville de Québec. L’urbanisation des rives et les grands chantiers comme la voie maritime du Saint-Laurent et Expo 67 ont coûté très cher à ces riches habitats naturels très prisés par la faune ailée. Une visite à la réserve donne une bonne idée de ce à quoi pouvaient ressembler les rives du fleuve Saint-Laurent avant le vingtième siècle.

ZEN

Il y a deux manières de s’imbiber des saveurs de la réserve: le soulier ou l’aviron. On trouve ici 14 kilomètres de sentiers et de trottoirs en bois qui zigzaguent au milieu d’herbes hautes que la brise vient caresser. Tant que l’eau ne gèle pas, on peut aussi emprunter de longs couloirs aquatiques qui serpentent entre les joncs, les barrages de castors, quelques îlots de forêt et le lac Saint-François. Ceux-ci sont accessibles aux canots et aux kayaks.

Ces derniers permettent une observation privilégiée du riche milieu humide des marécages. Ici, pas de course contre la montre. Le défi consiste à se fondre dans la nature environnante pour mieux la sentir. Quand on y parvient, on a l’impression de devenir invisible et d’oublier qu’on est un être humain. On devient davantage un moine contemplatif. On écoute, on observe, on respire et on découvre une nature exceptionnelle. La meilleure façon d’y parvenir est dans le calme d’une randonnée à pied ou en canot, au cours de laquelle on n’hésite pas à suspendre le pas ou à déposer l’aviron.

Les Amis de la Réserve nationale de faune du lac Saint-François, l’organisme qui gère la réserve, proposent plusieurs activités guidées d’une demi-journée ou d’une journée entière. Plus on part longtemps, plus les paysages parcourus sont nombreux. Des expéditions d’une journée en canot rabaska, ce gros canot où peuvent s’asseoir huit aventuriers, empruntent le calme ruisseau Therrien, puis la rivière aux Saumons jusqu’à son embouchure dans le lac Saint-François. Le vent aide ensuite les rameurs à longer la rive jusqu’aux marécages. De temps à autre, on s’arrête dans une baie ou entre deux battures pour prendre une bouchée ou pour croquer des yeux le paysage.

L’observateur d’oiseaux est ici comblé: grand héron, troglodyte, paruline, cormoran… Ce sont plus de 200 espèces qui nichent dans la réserve. En ce qui concerne l’humain, il ne peut y nicher qu’une journée à la fois. Mais qui sait, bercé par le vent, les grillons et les ouaouarons, il parviendra peut-être à suspendre le temps… ou à retourner 1000 ans en arrière.

INFO

Les Amis de la Réserve nationale de faune du lac Saint-François

Tél.: (450) 370-6954

www.amisrnflacstfrancois.com

Ouvert de mai à octobre

Sentiers gratuits

Expédition en rabaska: 200 $ / 8 personnes

Location de canot: 25 $ / jour

De Montréal, prendre la 20 Ouest jusqu’au pont Mercier, direction Châteauguay et la route 138. Après Châteauguay, suivre la route 132 jusqu’à Valleyfield, Saint-Anicet et Dundee. Suivre les panneaux de la Réserve depuis Saint-Anicet. Compter 1 h 30 de route.