Vie

Duplessis : Dernière frontière

Si vous souhaitez aller au-delà de votre univers, au bout du monde et pourtant encore au Québec, montez dans le train Sept-Îles – Schefferville!

"Il faut aimer les paysages pour habiter ici", lance Ray Hamilton. Le quinquagénaire innu décharge quelques boîtes du train, immobilisé dans un nowhere absolu pour déposer un seul être humain. Celui-ci se dirige vers son camp, à quelques centaines de mètres des rails, au bord de la tumultueuse rivière Moisie.

Entre Sept-Îles et Schefferville, aucune gare. Seulement des habitations sommaires éparpillées en un long chapelet de 589 km. Dès que le train quitte Sept-Îles, il s’enfonce dans une dense forêt boréale entaillée de rivières et parsemée de lacs. En regardant à travers les fenêtres des wagons, notre monde de références citadines devient un vague souvenir…

FAUT LE FER

Inauguré par l’Iron Ore Company of Canada en 1954, le chemin de fer sert à évacuer, 24 heures par jour, le minerai de fer du gisement de Wabush, Labrador. Celui de Schefferville, quelques centaines de kilomètres plus au nord, a été abandonné en 1982. Mais un service de train pour passagers est maintenu deux fois par semaine vers la ville de 1000 habitants, autrement uniquement accessible par avion.

Par la curieuse logique des frontières, plus de la moitié du trajet (une douzaine d’heures en tout) s’effectue au Labrador, que l’on quitte toutefois en arrivant à Schefferville. En chemin, les paysages vierges sont habités par les loups, les canards et les caribous. "Quand un troupeau de caribous traverse la voie, raconte Nick Trépanier, conducteur de train, il faut parfois immobiliser le train pendant plusieurs heures." C’est que les troupeaux de caribous se comptent en milliers de spécimens. Heureusement, ça n’arrive pas tous les jours et le lent parcours contemplatif n’est habituellement troublé que par le passage, en sens inverse et à quelques reprises, d’un convoi de plus de 200 wagons chargés de fer en direction du port de Sept-Îles.

55E PARALLÈLE

Principalement utilisés par les membres des communautés innue et naskapi, les wagons du train résonnent d’accents de ces peuples des Premières Nations. Pour tout dire, la langue française est ici exotique. D’ailleurs, depuis 2005, le train de passagers est géré par trois communautés autochtones, une première au Canada.

Le train s’arrête sur demande n’importe où pour laisser sortir des grappes de passagers, la plupart en direction de leur camp de chasse. Parfois, les chasseurs traînent suffisamment de provisions pour passer quatre mois into the wild avant de rentrer "au sud", à Sept-Îles. Entre octobre et mai, les tempêtes de neige sont fréquentes. Après tout, on se rapproche ici du 55e parallèle…

D’autres passagers fréquentent le train. Ce sont les chasseurs en quête d’espaces sauvages, mais également quelques kayakistes ou canoteurs attirés par la descente de rivière. Les majestueuses rivières Moisie, Nipissis et Wacouno déroulent tour à tour leurs rubans parallèles aux rails qui permettent du même coup un accès privilégié (le train s’arrête sur simple demande). Il est bien sûr possible d’embarquer son canot dans un wagon prévu à cet effet.

SE LOGER ET SE SUSTENTER

Vous pouvez loger à Schefferville une ou plusieurs nuits, selon que vous décidiez de reprendre le train du lendemain ou celui de quatre jours plus tard. L’Auberge Guest House, un peu plus éloignée de la gare et du centre de Schefferville, est beaucoup plus confortable et charmante que le générique Hôtel-Motel Royal, qui n’a de royal que le nom. Ces deux établissements ont leurs propres restaurants. À ce sujet, le train possède également son wagon-restaurant.

Seuls ceux qui aiment la lenteur, l’espace et l’absence de stimuli souhaiteront passer quelques jours à Schefferville, là où l’horizon est votre meilleur ami (avec les aurores boréales du mois d’août). À moins de prévoir un voyage de chasse à partir de Schefferville…

Tshiuetin Rail Transportation
172,60 $ l’aller-retour Sept-Îles – Schefferville
Départs les lundis et jeudis à 9 h, retours les mardis et vendredis à 8 h
1005, boulevard Lord
Sept-Îles
(418) 962-5530
1 866 962-5530

Hôtel-Motel Royal
182, rue des Montagnais
Schefferville
(418) 585-2605

Auberge Guest House
550, rue Star Creek
Schefferville
(418) 585-2520