RECONNAISSANCE
Les amateurs de chasse et de pêche connaissent bien Anticosti. Quelques chanceux y sont allés et les autres en rêvent. Le reste de la population peut à peine nommer sa "capitale", Port-Menier.
La plus grande île du Québec (également plus grande que l’île du Prince-Édouard) couvre environ 17 fois celle de Montréal, mais n’abrite que 250 personnes. Pour le shopping, il y a mieux. Pour la nature, par contre, vous aurez de quoi vous régaler.
Les autochtones l’ont sans doute longtemps visitée et même habitée en alternance. Les Innus l’appellent d’ailleurs "notiskuan" (l’île où l’on chasse les ours) et les Micmacs, "natigostec" (île avant). Pour sa part, Jacques Cartier l’a consignée dans ses journaux de bord en tant qu’île Assomption lors de ses voyages exploratoires en 1534-1535, mais elle prendra son nom actuel, dérivé d’une mauvaise prononciation de son nom micmac, dès le début du 17e siècle. Louis XIV l’a offerte à Jolliet pour service rendu à la patrie et elle s’est ensuite promenée de main en main jusqu’à ce que le chocolatier français Henri Menier tente d’en faire un paradis de chasse et pêche à la fin du 19e siècle. Bien qu’il soit mort avant d’atteindre son but, il a tout de même laissé son nom au seul village de l’île.
Petit fait historique intéressant, en 1937, soit juste avant la Seconde Guerre mondiale, un groupe d’Allemands a tenté d’acheter l’île pour y développer l’industrie forestière. Le projet a avorté après des pressions des deux paliers de gouvernement, qui les soupçonnaient d’être trop près d’Hitler. Les événements qui ont suivi leur ont donné raison.
Bien que l’industrie forestière y ait coulé de beaux jours (3000 personnes y habitaient au début du 20e siècle), on y trouve aujourd’hui principalement cinq pourvoiries couvrant plus de 90 % du territoire, ainsi que deux réserves écologiques (Pointe-Heath et Grand-Lac-Salé) et le parc national d’Anticosti, géré par la Société des établissements de plein air du Québec (Sépaq).
MÉMOIRES
À l’automne de 1828, le Granicus s’échoue sur la côte est de l’île. Six mois plus tard, on découvre les indices qu’une tragédie impliquant meurtres et cannibalisme s’est déroulée pendant l’hiver.
Autre anecdote singulière, un certain Louis-Olivier Gamache aurait vécu sur l’île à la même époque. Ce fermier s’occupait du dépôt de vivres d’urgence du gouvernement et s’occupait donc d’aider les naufragés et de stocker les marchandises échouées. Bizarrement, il s’est fait accuser à plusieurs reprises d’attirer lui-même les navires droit sur les récifs afin d’alimenter son entrepôt. Il ne devait pourtant pas chômer puisque l’on dénombre près de 600 naufrages sur cette géante qui défend farouchement l’entrée du fleuve.
Avec son histoire atypique, l’endroit regorge évidemment de ces genres de récits, contes, légendes, fables et mythes.
ÉLANS SAUVAGES
Ce qui ne tient aucunement du folklore, c’est la beauté sauvage de l’île.
Bien que l’on croie que l’endroit n’ait abrité à la base que 6 mammifères terrestres, on y a introduit pas moins de 16 autres espèces au cours de son histoire. Du groupe, l’original, l’ours et la martre semblent avoir disparu, mais le cerf de Virginie y a trouvé un paradis. Les quelque 200 individus importés en 1896-1897 ont engendré un troupeau de 160 000 têtes. Sur chaque parcelle de 3 km2, on trouvera donc 1 homme… et 60 cerfs. Pas étonnant que l’île attire de 3000 à 4000 chasseurs annuellement.
Et puis, Anticosti, c’est également le canyon de l’Observation, long de 4 km, la grotte à la Patate, l’une des plus longues au Québec, la chute Vauréal, haute de 76 m. Et la précieuse liste s’étire longuement.
Si beau, si près et si peu connu.
Tourisme Duplessis: www.tourismeduplessis.com / 1 888 463-0808
Sépaq: www.sepaq.com/pq/pan / 1 800 665-6527
L’auteur tient à remercier Chlorophylle pour sa contribution à ce reportage. (www.chlorophylle.net)
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PAS BÊTE, CE CASTOR
Ma mère récoltait la plaquebière pour s’en faire des infusions. "Ça nettoie le système", disait-elle avec l’assurance de celle qui sait. Elle ne savait peut-être pas, par contre, que ce nom est dérivé de l’appellation française plat-de-bièvre (nourriture du castor), mais pour le reste, elle avait bien raison. Les Montagnais l’appellent "chicoutai" (feu, pour sa couleur à maturité), les scientifiques étudient ses propriétés nutraceutiques et Bruno Duguay l’utilise à toutes les sauces. Le propriétaire de la Maison de la Chicoutai à Rivière-au-Tonnerre vient d’ailleurs d’introduire une tisane sur le marché. C’est ma mère qui serait contente. (www.chicoutai.ca)