Belle devise que celle de Marie-Sophie Picard: "La vie est trop courte pour manger triste!" Celle qui a pris les rênes du Mange Grenouille, côté cuisine, fin avril, apporte un salutaire vent de fraîcheur au réputé restaurant (aussi auberge) du Bic, qui fête ses 20 ans. Cette femme de nature semble tellement respirer le bon air frais des bords du fleuve qu’on a peine à l’imaginer enfermée dans une banque de Montréal… C’est pourtant là qu’elle officiait de 2007 à 2009, comme chef du salon exécutif de la Banque Nationale. "Sans fenêtre", lâche-t-elle depuis la belle terrasse du Mange Grenouille, face aux îles du Bic. Elle avoue avoir bien du plaisir ici à faire du vélo ou de la marche pendant ses jours de congé. "Je n’ai pas de voiture. Je me promène en vélo dans un rayon de 40 kilomètres. J’aime bien Sainte-Luce, l’île Verte, les villages du bord de la 132 et, surtout, j’essaie d’aller tous les jours à la pointe aux Anglais."
En matière de cuisine, son CV est impressionnant: études à l’ITHQ en Gaspésie, stages en France dans les années 1990… Élue femme chef de la relève en 1995, elle fait ses premières armes au Laurie Raphaël, devient chef de l’Auberge Fort-Prével, puis au restaurant Aux Quatre Temps à Gaspé. Après un saut à Rouen, en France, elle ouvre à Montréal Marie aux fourneaux, un service de chef à domicile et d’ateliers de cuisine tout en oeuvrant comme styliste culinaire. L’an passé, elle entamait sa transhumance vers l’est du Québec, avec une saison à l’Auberge du Grand Fleuve, de Métis-sur-Mer…
Aux commandes du Mange Grenouille, elle affirme cuisiner comme elle marche, sans trop se poser de questions, en "faisant simple mais pas simplement", et en donnant libre cours à sa "flamme culinaire". Les grands classiques revisités sous sa houlette mettent l’accent sur le produit. "J’aime que la place qu’il occupe dans un plat, en mode mineur ou majeur, soit juste, que l’ensemble se tienne, raconte une histoire et que ce soit goûteux."
Place aux produits, donc, poissons en tête! Marie-Sophie aime bien l’omble de l’Arctique, qu’elle rôtit et sert avec une vinaigrette tiède au jus de poulet et citron, des noisettes torréfiées et une purée de panais. Ou une belle morue "floconneuse", voire un flétan nappé de beurre blanc au rhum! Les pétoncles? Elle les saisit simplement et les sert avec du lard fumé braisé, un soupçon de jus de cassis, de pistaches au grué de cacao et des topinambours. En entrée, son plat fétiche est le boudin, servi en onctueux beignet avec chutney de rhubarbe et roquette au babeurre. Original? Autant que son gravlax de boeuf épicé, avec sablé de pleurotes et coulis d’ail au lait.
Questionnée sur ses méthodes de cuisson préférées, la chef répond sans ambages: "La cuisson sous vide, apprise en France, parce qu’elle rend les produits plus tendres et assure une régularité dans l’exécution."
En région, certains se plaignent de difficultés d’approvisionnement. Pas elle! "On fait avec ce qu’on trouve, parfois, mais on a de bons producteurs locaux." Ses crustacés et poissons viennent du Bas-Saint-Laurent ou de Gaspésie, ses légumes bio de la Ferme Val-aux-Vents (Saint-Valérien de Rimouski), les volailles et le veau de Petite Campagne (Rimouski). "Pascal Dufour est un jeune éleveur dont j’aime beaucoup la pintade et les foies gras." Elle achète son pain chez Folles Farines, la belle boulangerie artisanale du Bic, et les plantes sauvages de Miscelliard, un cueilleur local. Pour les produits moins connus, comme le grué de cacao, "il faut chercher et être patient, mais on finit par trouver!"
Auberge du Mange Grenouille
148, rue Sainte-Cécile
Le Bic
418-736-5656
www.aubergedumangegrenouille.qc.ca
ooo
Chez Saint-Pierre
123, rue du Mont-Saint-Louis, Le Bic, 418 736-5051, www.chezstpierre.ca
Midi: 40 $; Soir: 100 $
Niché près de l’église du Bic, voilà un restaurant qui n’usurpe pas son approche de "nouvelle gastronomie québécoise axée sur les produits locaux, saisonniers et biologiques". Dans un décor contemporain mais conservant la chaleur du vieux bois, Colombe Saint-Pierre propose une cuisine honnête et généreuse qui n’en finit pas d’épater. La valse raffinée des saveurs et textures démontre que la chef ne manque pas d’audace. Elle utilise à plein les ressources du terroir, dont les herbes, champignons et fleurs sauvages. Les pétoncles poêlés sont accompagnés d’une mousse à la livèche et brunoise au cerfeuil, le pintadeau de morilles, le magret de canard d’une délicate salade de marguerites… Les desserts sont tout sauf bâclés, de la pannacotta à l’angélique, ganache de chocolat blanc à la rose sauvage et purée de fraises des champs au millefeuille aux amélanches et thé chai, avec sorbet de prunes.