Plus d’une dizaine d’électrons libres qui se rencontrent dans une grande commune de jams musicaux où chacun apporte un peu de lui-même: voilà comment on pourrait décrire Broken Social Scene, ce collectif canadien occupant une place majeure dans le paysage indie rock de ce millénaire.
Pour le groupe, actif depuis 1999, chaque musicien est un être complexe constituant une pièce indissociable d’un casse-tête musical commun, varié et en constant mouvement. Avec ses quinze membres revenant de façon plus ou moins récurrente au fil des compositions, il va sans dire que le côté «social» de la formation occupe une place centrale dans son processus créatif. Après quatre albums, dont le grandiose You Forgot It In People, les membres de Broken Social Scene ont pris une pause de sept ans pour vaquer à d’autres projets, après avoir quelque peu délaissé le rock atmosphérique des débuts.
La bande, menée par le musicien et compositeur Kevin Drew, revient cette fois-ci avec Hug of Thunder, un album qui reprend exactement là où on nous avait laissé: le virage plus pop amorcé sur Forgiveness Rock Record y est ici totalement assumé, ce qui n’empêche pas certains relents de post-rock, plus rentre-dedans, de revenir sporadiquement sur l’album, notamment avec Halfway Home, qui ouvre le bal. Cependant, le groupe ne nous déroute pas trop, adoptant une approche somme toute assez prudente.
On reconnait rapidement la formule BSS: fortes harmonies vocales, sonorités baroques, transitions musicales oscillant entre chaos et optimisme, textes évocateurs, mais jamais trop engagés… Et, surtout, une place importante pour les femmes, qui occupent ici les meilleurs moments de Hug of Thunder (Feist sur l’excellente pièce titre, Emily Haines de Metric sur Protest Song et Ariel Engle sur Gonna Get Better).
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Malgré le climat instable de grandes divisions sociopolitiques dans lequel ils vivent, les membres de Broken Social Scene ne se commettent pas trop à pointer du doigt les injustices de notre monde. Il règne sur Hug of Thunder une dénonciation subtile et passive, où on nous convie à survivre dans un environnement toxique.
Pour le groupe, trop dénoncer sans agir en conséquence est futile, comme en fait foi la très ironique Protest Song, l’une des pièces les plus convaincantes de l’album. Toutefois, ce côté sage et introspectif donne parfois lieu à des moments moins réussis, dont la mélancolique et générique Please Take Me With You en fin de parcours.
L’ensemble reste cependant bien dosé et tous les amateurs du groupe finiront par s’y retrouver. Ils apprécieront entre autre le post-rock éclaté de la surprenante Vanity Pail Kids ou les sublimes crescendos émotionnels de Victim Lover, l’un des points culminants de la proposition.
Sans réinventer quoi que ce soit ni trop se mouiller, le super-groupe canadien Broken Social Scene signe un album efficace, un peu inégal, mais qui s’assume parfaitement et qui gagne en profondeur au fil des écoutes.
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