Tori Amos serait-elle à court d’idées? Quel est le but de cet album-concept où la chanteuse apporte un point de vue féminin à des textes écrits par des hommes? Il y a de beaux moments sur Strange Little Girls, mais on reste souvent bouche bée devant cette entreprise maladroite de réappropriation. On se demande bien quelle mouche l’a piquée pour qu’elle s’intéresse à ’97 Bonnie & Clyde d’Eminem, dont le contenu misogyne choque dans la bouche d’une fille. Dans cette tourmente, on préfère les morceaux plus calmes où l’on sent de l’émotion, comme New Age du Velvet Underground et Time de Tom Waits. Certaines versions sont toutefois ratées, comme cette horrible et longue reprise d’Happiness is a Warm Gun des Beatles, plaidoyer peu subtil sur les armes à feu. Même chose pour Heart of Gold de Neil Young, bousillée par des guitares trop agressives. De son côté, la Torontoise Emm Gryner a, elle aussi, pensé à la même chose, mais avec beaucoup plus de simplicité. Cette fois-ci, pas de concept tiré par les cheveux, le ton est plus serein et amusant. Seule au piano, elle s’attaque à des pièces variées, juste pour le plaisir de la chose: par exemple, Big Bang Baby de Stone Temple Pilots, Pour Some Sugar on Me de Def Leppard, Song 2 de Blur (la plus belle surprise de l’album), et Crazy Train d’Ozzy Osbourne. À ce petit jeu, Gryner s’en sort mieux.
Guide albums
Tori Amos
Strange Little Girls
Atlantic/WEA, 2001