Il y a quelques jours j’ai publié un billet où je soulignais les biais idéologiques (généralement assumés) de divers instituts de recherche. J’écrivais aussi, sans trop m’attarder à la question, qu’on ignore souvent qui les finance.
Certains lecteurs, qui considèrent l’origine du financement comme primordiale, ont souhaité qu’on creuse davantage cet aspect de la question. Ma curiosité a été piquée. Voici donc quelques lignes supplémentaires sur le financement de ces organismes.
L’IEDM
L’Institut économique de Montréal énonce sa politique de manière explicite et transparente sur son site: “L’IEDM rend public le montant et la composition de son financement, mais a comme politique de ne pas révéler la liste de ses donateurs particuliers.” C’est clair.
Selon son site web et son rapport annuel de 2011, l’IEDM a reçu 1,8 millions $ de financement l’an dernier. De ce montant, 57% provenait de fondations, 33% d’entreprises, et 10% d’individus. (On ne sait pas qui.)
Sous forme graphique:
Sur son site, L’IEDM compare ensuite ses revenus de 1,8 millions $ aux revenus des syndicats québécois — qu’il chiffre à 795 millions $. Il semble toutefois que la comparaison serait plus appropriée si on référait uniquement à la part des revenus des syndicats destinée à la publication/diffusion d’études socioéconomiques — un chiffre lui aussi inconnu.
SECOR
SECOR est une firme de consultants à but lucratif. Les firmes de consultants génèrent des revenus en vendant leurs services à des clients. SECOR décrit ceux-ci comme des “firmes globales ou nationales, entreprises de taille moyenne, organismes gouvernementaux ou parapublics”.
La première loyauté des firmes de consultants est envers elles-mêmes, et la chose la plus précieuse qu’elles ont, c’est la perception de leur intelligence, de leur expertise et de leur professionnalisme. Les consultants veulent avoir raison, et ils veulent satisfaire leurs clients. Il semble que ça règle assez simplement la question de leur financement et de leurs allégeances.
L’IRÉC
Sur son site web, l’Institut de recherche en économie contemporaine ne donne aucune information concernant son financement. Dans la section sur les “Amis de l’IRÉC” on apprend qu’on peut devenir « Ami » individuel de l’IRÉC pour 25$ par année, et pour 1000$ ou 5000$ par année dans le cas des organismes.
J’ai écrit deux fois à l’IRÉC cette semaine pour avoir plus d’infos sur leur financement. En réponse à mon deuxième courriel, on m’a référé au site web (qui ne donne aucune information) et à un feuillet de deux pages qui indique que l’IRÉC “compte sur le soutien de plusieurs partenaires publics et privés qui contribuent à son financement, à l’élaboration de son programme de travail et au rayonnement de ses travaux”. Difficile d’être plus opaque.
L’IRIS
L’Institut de recherche et d’informations socio-économiques ne donne lui non plus aucune information sur son financement sur son site web. On peut devenir membre individuel pour 5$, 10$ ou 20$ par mois, ou membre “partenaire”, avec divers degrés d’implication et de bénéfices, pour les organismes qui donnent 300$, 600$ ou 5000$ et plus par année.
J’ai écrit cette semaine à l’IRIS pour avoir plus d’informations. La réponse a été rapide et courtoise. Quelques extraits du courriel pertinent:
(…) Nous avons plusieurs partenaires nous donnant un maximum de 5000$ chacun, avec un don médian de 300$. On trouve dans nos partenaires tant des groupes communautaires, associations étudiantes et syndicats locaux et nationaux, mais aucun organisme à but lucratif. Ensuite nous avons les membres individuels qui nous financent grâce à une contribution mensuelle se situant entre 5 et 20$, puis nous avons les contrats et les conférences que nous acceptons. (…)
La question de la diffusion publique de la liste de nos partenaires n’ayant jamais été abordée avec eux, nous ne nous sentons pas légitime de vous la transférer. Par contre, vous trouverez joint à ce courriel un graphique présentant la part de chaque poste de revenus pour l’IRIS.
Voici le graphique qu’on m’a envoyé:
Donc 61% du financement de l’IRIS vient de contrats et de conférences, 29% vient d’organismes partenaires, et 8% de financement individuel, pour un total annuel de 259 241$.
* * *
Voilà donc pour l’instant. Je ne crois pas, personnellement, qu’on peut toujours tout déduire, prédire et comprendre à partir du financement d’une institution, mais visiblement plusieurs personnes sont de cet avis. Ces infos leur seront peut-être utiles.
IEDM: « On ne sait pas qui »
syndicats: « un chiffre lui aussi inconnu »
IREC: « ne donne aucune information concernant son financement », « Difficile d’être plus opaque ».
puis:
« Ces infos leur (aux lecteurs qui s’interrogent sur la chose) seront peut-être utiles. »
ben… pas vraiment, non…!
tiens, une piste pour ton prochain billet, puisqu’il t’est impossible de savoir qui finance qui, essaye de détecter où réside l’intérêt des dirigeants de chacun de ces réservoirs de pensée.
@calinours (ou chasseur?)
Bof. Ce genre de personnalisation des débats ne m’intéresse pas trop. Il y a dans ces démarches « d’enquête et de détection » un côté vaguement conspirationniste qui m’ennuie — comme si les gens étaient fondamentalement incapables de penser/dire autre chose ce qu’on les paie pour penser/dire.
Est-ce que tous les gens de gauche sont des marionnettes des syndicats? Est-ce que tous les gens de droite sont des pions du conseil du patronat? Je ne crois pas. Je n’ai aucune difficulté à présumer que, de part et d’autres, les convictions sont généralement authentiques, même si elles peuvent « servir les intérêts » de groupes opposés. Et je ne conteste pas le droit des divers groupes d’intérêts de diffuser leurs messages — même si j’aimerais parfois que les « études » soient plus critiques et nuancées.
Personnellement, sans tomber dans la naïveté, je suis plus intéressé à débattre des idées qu’à enquêter sur l’identité et les motifs de leurs commanditaires.
@jérôme
ah bon? l’identité et les intérêts des donateurs, ça t’intéresse, mais ceux des dirigeants, non? étrange. pourtant, il s’agit du même monde. je note une incohérence.
« comme si les gens étaient fondamentalement incapables de dire autre chose ce qu’on les paie pour dire »
voyons jérôme! si quelqu’un est payé pour dire quelque chose, et qu’il dit le contraire, ben ce quelqu’un perd sa job (ou son financement, ce qui revient au même)! par exemple si tu commences à répéter que le voir est un journal pourrave, ben avant longtemps tu vas passer dans le tordeur.
« Personnellement, sans tomber dans la naïveté, je suis plus intéressé à débattre des idées qu’à enquêter sur l’identité et les motifs de leurs commanditaires. »
moi aussi, mais je te rappelle que c’est toi qui a choisi le sujet de ton billet.
et si les complots ne t’intéressent pas, tu te condamnes à commenter ce que l’on veut bien te laisser commenter, jérôme.
p.s. le chasseur d’épais est en jachère… trop de gens n’aimaient pas son nom. le calinours bienveillant prend le relais. au moins, là, si on veut me chialer après, va falloir se concentrer sur le propos.
« l’identité et les intérêts des donateurs, ça t’intéresse, mais ceux des dirigeants, non? »
Pas certain de bien comprendre. Contrairement au donateurs, l’identité des dirigeants (conseils d’administration, « comités scientifiques », chercheurs, etc) est normalement connue, et l’info disponible sur les sites web. J’ai parlé du CA de l’IRÉC, les dirigeants et chercheurs de l’IEDM sont connus, etc. Je présume par ailleurs que les dirigeants (et les donateurs) partagent les idées et/ou les intérêts des organismes qu’ils financent ou pour lesquels ils travaillent. Je ne vois pas d’incohérence ou de double-standard en jeu.
« si quelqu’un est payé pour dire quelque chose, et qu’il dit le contraire, ben ce quelqu’un perd sa job »
Évidemment — dans le cas des porte-paroles ou des agents de relations publiques. Mais je ne partage pas votre vision des chercheurs des divers instituts, que vous semblez assimiler à des pantins aux mains de financiers qui tirent les ficelles. Personnellement, je vois plutôt ces divers instituts comme étant constitués de plusieurs éléments — donateurs, dirigeants, chercheurs — qui partagent les mêmes objectifs et la même idéologie, et qui participent chacun à leur manière à la promotion et la diffusion de leurs idées.
« si les complots ne t’intéressent pas, tu te condamnes à commenter ce que l’on veut bien te laisser commenter »
Ce que je dis — et c’est aussi ce qui explique ma défense habituelle de l’anonymat (http://voir.ca/brasse-camarade/2011/02/24/la-credibilite-vol-2/) — c’est que je préfère débattre de ce qu’on propose ou avance, sans trop me préoccuper de qui parle ou qui finance. (Certains détectives amateurs s’intéressent à ces questions.) Si une idée est bonne en soi, faut-il la rejeter à cause de l’identité de son auteur ou de ses commanditaires? Je présume que non. Dans ce cas, à quoi sert-il de s’intéresser à ce point à l’origine identitaire/financière de propositions sociopolitiques? Pourquoi ne pas se concentrer d’abord au débat sur le fond?
@jérôme
« Si une idée est bonne en soi, faut-il la rejeter à cause de l’identité de son auteur ou de ses commanditaires? »
ben non, c’est sur! sauf que les idées, quand elles se pointent, ne sont ni bonnes ni mauvaises. on le sait pas; elles sont nouvelles. alors la bonne question est:
est-il utile, dans l’évaluation d’une proposition socio-politique, de savoir qui la promeut et pourquoi?
je crois que oui.
perdrais-tu vraiment du temps à considérer une étude commanditée par total qui remet en doute l’effet néfaste de la combustion du pétrole sur l’atmosphère? perds-tu du temps avec les études payées par phillip morris sur les bienfaits de la cigarette?
pour revenir au cas de l’iedm, un oligarque qui plaide pour la privatisation d’hydro-québec, disons que je rirais fort, si des jeunes penseurs éveillés et influents comme toi ne jouaient pas son jeu.
L’IRIS est cet institut de recherche très franco-français qui s’est prononcé contre le Plan Nord, il y a quelques jours. Il a ouvert une école, L’IRIS SUP’, il y a quelques années, une sorte de collège pours étudiants en relations internationales et expertises environnementales.Sur le site de L’IRIS SUP’, si vous allez à entreprises, vous remarquerez les commandiraires suivants, entre autres: TOTAL, la pétrolière française, très attirée par le gaz de schiste, et la chaîne de fast food McDo…
C’est extraordinaire!!!
je crois que l’iris français et l’iris québécois sont deux choses bien distinctes, jean-claude.
mais ils ont le même acronyme, ce qui n’est pas extraordinaire du tout.
L’IRIS de France et La Chaire Raoul Dandurand de l’UQUAM s’échangent des experts en relations internationales et gestion de l’environnement. Ils sont aussi analystes en stratégies militaires. Je serais très étonné si la Chaire Raoul Dandurand ne partageait pas le même avis ue l’IRIS à propos du Plan Nord. Ça reste à vérifier.
Charles -Philippe David, le frère de Françoise, y est associé étroitement.
Ces deux instituts voguent dans les mêmes eaux brumeuses de l’antiaméricanisme, des deux côtés de la grande mare. Ils visent les mêmes objectifs, professent le même radicalisme écologique et sont très portés sur la Chine, le plus grand exportateur de batteries pour éoliennes et voitures électriques au monde. Ces batteries sont fabriquées à partir de « terres rares » dont la Chine a le monopole. Leur extraction et leur transformation intoxiquent et empoisonnent des centaines de mineurs chinois par année.
Voilà!
je crois sincèrement que la ressemblance entre les initiales de l’institut de relations internationales et stratégiques et de l’institut de recherche et d’informations socio-économique t’a enduit d’erreur, jean-claude…
J’aime pas ce genre de ressemblance. C’est trop équivoque. Ces experts savants se fréquenteraient sans le savoir? J’ai des doutes. Pas vous?
non. une analogie entre les premières lettres des mots qui composent leurs noms respectifs n’est pas suffisant pour m’exciter.
pourquoi ne pas aller gratter du côté de l’iedm, jean-claude? après tout, ce sont eux qui prônent le démantèlement de nos institutions. avant de mettre en application leurs recommandations, soit la privatisation de tout, ne crois-tu pas utile d’enquêter sur leur cas?
Je me suis trompé? C’est possible, quoiqu’ indirectement. Homier-Roy a confondu le défunt Jack Layton avec Mulcair, l’autre jour à son émission. Il n’a pas été rétrogradé, ce qui aurait été scandaleux, n’en doutons pas!!
L’IRIS, maintenant…et oui je persiste…et SIGNE:)
Voici un organisme qui se dit indépendant, mais d’obédience marxiste dans son approche idéologique, et férocement opposé à ce qu’on nomme à tort et à travers le « néolibéralisme ».
Monsieur Louis Gill, prof retraité de L’UQUAM et marxiste extrême, est le grand manitou de ce club. On passe en revue la liste des diplômés éminents qui en font partie, et, surprise, beaucoup de ressortissants des Sciencs humaines, quelques économistes, MAIS AUCUN INGÉNIEUR NI GÉOLOGUE, pourtant les mieux placés dans l’expertise et l’évaluation de l’étendue de nos richesses naturelles.
Ce rapport de L’IRIS fut par hasard lancé dans le public, comme un gravat manifestif, au même moment que le Plan Nord. Il est théâtral et spectaculaire, semblable au feu qui sort des robinets du gaz de schiste!
Il n’a pas fait de grands dommages, ses estimations sont purement spéculatives et trop sommaires. Ce rapport a les allures et le style d’un pari pascalien. Même les écologistes n’y ont pas trouvé grand chose à se mettre sous la dent. Bref, ce rapport de L’IRIS sur le Plan Nord, c’est de la boulechite!
Le doute est une curieuse chose. Il me tiraille, et encore plus quand on me dit de regarder ailleurs. Vous avez du vocabulaire, monsieur calinours. J’aime ça! « acronyme », ça rime avec « pseudonyme ». Vous êtes poète???
Le critère à retenir pour juger de la qualité de ces études est la méthodologie. C’est un peu plus plate que de parler de financement opaque, mais c’est ce qui compte en bout de ligne.. une fois accepté bien sûr que chaque institut défend un certain nombre de valeurs et une conception de la vie bonne. Contrairement à bien des universitaires, journalistes, chroniqueurs, blogueurs etc. les instituts ont généralement le mérite de les afficher. Libre ensuite aux donateurs de les financer pour contribuer aux débats publics tout en défendant leurs intérêts et conceptions du vivre-ensemble.
Très intéressant, mais DE GRÂCE, envoyez-moi ces pointes de tartes aux poubelles!
http://blog.revolutionanalytics.com/2009/08/how-pie-charts-fail.html