Depuis plusieurs mois, le quotidien La Presse diminue drastiquement sa couverture de la danse contemporaine. À la radio et à la télé, elle est quasi-absente depuis longtemps. Au Voir, on vit comme tout le monde la crise des médias mais, dans la mesure de nos capacités, la danse reste dans notre ligne de mire. Il n’en demeure pas moins que l’effervescence exceptionnelle du milieu de la danse contemporaine de Montréal ne reçoit jamais l’écho et la reconnaissance qu’elle mérite. Dans l’inconscient collectif, bien tristement, la danse continue d’être reléguée aux marges.
Normal que, dans ce contexte, des voix s’élèvent pour défendre les acquis.
Ma dernière chronique, dans laquelle je m’amusais à suggérer des candidats à la succession de Marie-Hélène Falcon à la direction artistique du FTA, m’a ainsi valu quelques remontrances. Le FTA est un festival interdisciplinaire, m’a-t-on dit, et vos suggestions n’en tiennent pas beaucoup compte en proposant surtout des candidats issus du milieu du théâtre.
Certes. Le dialogue entre théâtre et danse est l’une des forces de ce festival et je ne crois pas l’avoir ignoré dans mon exercice ludique de proposition de candidats (que vous pouvez relire ici). Mais il est vrai que, étant davantage spécialisé en théâtre et connaissant mieux ce milieu, j’observe le festival avec un regard plus théâtral que dansé. Peut-être ai-je aussi inconsciemment pris en considération l’histoire globale du festival, qui a été plus longtemps un festival de théâtre qu’un festival de danse. Or, si vous me lisez bien, vous verrez que le texte ne fait pas fi de la dimension interdisciplinaire du festival et qu’au moins trois de mes candidats, même issus du monde du théâtre, sont tout à fait proches du milieu de la danse. Je suis moi-même un spectateur absolument délecté par les propositions de danse contemporaine montréalaise, la plupart du temps.
La vérité est que le candidat parfait n’est pas simple à dénicher. Il faut une personne érudite qui connaît bien l’avant-garde et qui fréquente la scène internationale sans négliger les créateurs locaux. Et si les milieux de la danse et du théâtre sont de plus en plus liés, rares sont les artistes, les programmateurs ou les travailleurs culturels qui sont dotés de ces qualités et qui ont véritablement un pied dans les deux mondes. J’aurais pu nommer Jack Udashkin, directeur artistique de La Chapelle. Mais ce bon Jack fait justement du trop bon boulot dans le petit théâtre de la rue St-Dominique pour qu’on puisse l’imaginer ailleurs, du moins pas tout de suite: il n’y est que depuis quelques années et j’ai la conviction qu’il y a encore de grandes choses à accomplir. J’aurais pu songer à Karine Denault, actuelle conseillère danse du FTA. J’ignore à vrai dire pourquoi sa candidature ne m’a pas sauté aux yeux. On m’a soufflé le nom de Jasmine Catudal, ex-directrice artistique du OFFTA. Une candidature évidemment fort valable, mais comme elle vient tout juste d’être nommée à la co-direction artistique de l’Usine C et qu’il y a lieu de croire qu’elle y sera la successeure de la directrice Danièle de Fontenay, je ne crois pas nécessaire de la voir quitter.
Peu importe les candidatures, d’ailleurs. La porte est ouverte pour que d’autres y réfléchissent et soumettent leurs propres idées, lesquelles, de toute façon, n’influenceront en rien le choix final. Néanmoins, l’exercice permet de réfléchir à l’avenir de ce festival absolument essentiel dans notre écosystème culturel et de rêver pour lui à un avenir prometteur.
Ma chronique a réveillé des frustrations qui la dépassent de beaucoup et qui sont absolument légitimes dans un contexte de sous-représentation médiatique de la danse contemporaine et d’absence de reconnaissance de l’espace important qu’elle occupe dans la vie culturelle montréalaise. Pourquoi donc la danse est-elle à ce point boudée? Est-ce que le manque d’attention à son égard est lié à la fragilité financière de la plupart des compagnies, qui n’arrivent pas ainsi à mettre en place les moyens de diffusion appropriés? Les journalistes culturels (ou leurs patrons) sont-ils à ce point victimes de leurs préjugés à l’égard de la danse? L’intérêt du grand public pour les danses urbaines contribue-t-il à masquer les pratiques contemporaines?
Beaucoup de questions, peu de réponses. Mais l’enjeu me semble intéressant à aborder. Or, la plupart des acteurs du milieu de la danse que j’ai contactés pour discuter de ma dernière chronique n’ont pas répondu à l’appel.
Ceux que la discussion intéresse sont invités à commenter ci-bas.