Regard sur le court métrage au Saguenay : Monia Chokri dévoile son premier film
Cinéma

Regard sur le court métrage au Saguenay : Monia Chokri dévoile son premier film

Après Locarno, Toronto et Austin, Monia Chokri présentait hier son court métrage Quelqu’un d’extraordinaire au festival Regard sur le court métrage. Précédé d’une rumeur hautement favorable, le film a suscité un enthousiasme indéniable avec ses  répliques incisives et ses personnages féminins au bord du précipice. Entrevue.

C’est un film aux dialogues acérés, corrosifs, porté par une répartie qu’on voit peu dans notre cinéma. C’est sans doute pour cette raison qu’il reçoit un si bon accueil: le film a notamment  remporté le prix du meilleur court métrage de fiction à South by Southwest. C’est aussi à cause de la distribution béton: Magalie Lépine-Blondeau, Sophie Cadieux, Anne-Elisabeth Bossé, Evelyne Brochu, Anne Dorval, Laurence Leboeuf et Émilie Gilbert se donnent la réplique dans  le bruit et la fureur.

«Je suis comblée par le bon accueil reçu par le film jusqu’à maintenant, dit la réalisatrice. Le parcours du film est étonnant, à partir de la première projection à Locarno, les choses sont allées très vite et j’ai suivi le film à la trace à Toronto, puis Austin et maintenant Saguenay. Je ne m’y attendais pas, mais je suis évidemment émue et excitée par tout ça.»

Campé dans une journée tumultueuse de la vie d’une trentenaire (Magalie Lépine-Blondeau), le film culmine dans une scène d’éclatement. Invitée à une fête où elle retrouve ses vieilles amies, Sarah n’arrivera plus à supporter les faux-semblants et fera tomber les masques. Désolée de ce que ce groupe d’amies est devenu au fil des ans, elle leur jettera au visage une vérité qu’elles n’étaient pas prêtes à encaisser.

«Pour moi, explique Monia Chokri, les faux-semblants et le conflit qui apparaît en deuxième partie du film sont un prétexte pour aborder une obsession : qu’est-ce que réussir quand on est une femme dans un monde créé et pensé par les hommes? Peut-on atteindre une forme de plénitude à travers cette inlassable quête de succès? Et quels sont les paramètres de ce succès? Il me semble qu’en 2014, plus rien n’est clair. Faut-il faire ou ne pas faire des enfants? Faire de longues études ou non? Faut-il se lancer tête baissée dans la vie professionnelle, avoir plein d’amants? La rivalité entre mes personnages n’est pas là à cause de simples jalousies entre amies, je pense qu’elle est emblématique du climat de compétition insoutenable dans lequel notre société place les femmes.»

Le film est aussi traversé de la figure de Julie Payette, de manière ironique mais aussi, on suppose, parce qu’elle représente la quintessence de la femme parfaite. «Julie Payette est non seulement allée sur la lune et a réussi sa vie de famille et sa vie professionnelle, mais elle est une grande pianiste, elle maîtrise plusieurs langues et elle représente, en effet, une sorte de sommet à atteindre, d’idéal impossible. C’est en carburant à ce genre de modèle que les filles de mon film se sont illusionnées sur leur futur et qu’elles en sont arrivées à une forme de déni de soi que le personnage interprété par Magalie Lépine-Blondeau n’arrive plus à supporter.»

Conseillée par une styliste, Monia Chokri a aussi vêtu ses actrices de fringues clinquantes qui, au fil des plans, aménagent un subtil discours sur la tyrannie du paraître. La compétitivité féminine passe-t-elle encore principalement par le dicktat des apparences?

Monia Chokri : «On peut croire que ces filles masquent une part d’eux-mêmes dans l’obsession du paraître, dans un look très travaillé, mais je pense que le film déconstruit aussi cette idée-là. Ce n’est pas parce qu’une fille prend soin de son look qu’elle n’est pas animée par des idées et de la pensée. Je me bats beaucoup contre ce stéréotype dans ma propre vie.»

 

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Quelqu’un d’extraordinaire a remporté le Grand prix national de Regard sur le court métrage 2014

 

Regard sur le court métrage du Saguenay se déroulait du 12 au 16 mars 2014.

regardsurlecourt.com

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