Les meilleurs courts de l'année au Noël des filmeux
Cinéma

Les meilleurs courts de l’année au Noël des filmeux

Des films d’adolescence aux textures hyperréalistes, des personnages catholiques décoincés, un film touchant sur la fin de vie, une comédie musicale rurale: pour une deuxième année consécutive, le comédien et réalisateur Guillaume Cyr vous invite à voir les meilleurs courts métrages de l’année au centre PHI. Notre regard sur quelques-unes des oeuvres au programme.

Guillaume Cyr / Crédit: Guillaume Simoneau
Guillaume Cyr / Crédit: Guillaume Simoneau

C’est la deuxième fois que Guillaume Cyr, portant son chapeau de producteur aux Productions Goliath, organise cette soirée festive autour de quelques courts métrages s’étant démarqués au cours de la dernière année. La plupart ont gagné des prix importants à Regard sur le court, au TIFF ou à Longue vue sur le court, mais aussi dans les festivals internationaux (c’est le cas de Bleu Tonnerre, le film musical rural de Jean-Marc E. Roy et Philippe-David Gagné, qui n’en finit plus de tout rafler partout où il passe).

Le cinéma étant le reflet des préoccupations ambiantes, les fims de cette année se recoupent parfois autour de thématiques ou d’univers: l’adolescence, le vieillissement, les bifurcations de personnages catholiques qui font des virages à 180 degrés. Il y a aussi des films d’art qui tirent profit de la permissivité du genre court, comme l’expérimental Mynarski chute mortelle, de Matthew Rankin ou le très beau PAS, film de danse de Frédérique Cournoyer Lessard.

BLEU TONNERRE, le film maintes fois primé

Dany Placard dans Bleu Tonnerre / Voyelles Films
Dany Placard dans Bleu Tonnerre / Voyelles Films

Comédie musicale folk sur fond de crise de la trentaine, Bleu tonnerre met en scène le chanteur Dany Placard dans le rôle d’un homme déçu par la vie qu’il mène, qui rêve de retourner sur le ring où il a déjà été un lutteur champion.

À relire: notre entrevue avec les réalisateurs

Tourné en sol saguenéen et mis au monde lors de la 19e édition de Regard sur le court métrage, ce sympathique film offre un regard attendri et clairvoyant sur la trentaine mais aussi une observation des textures hivernales saguenéennes. La ville endormie sous son manteau de neige et sous des volutes de café cheap est à l’image du personnage principal du film: un volcan qui va bientôt se réveiller. Film tissé d’une émotivité certaine et marqué par une touchante relation frère/soeur, Bleu Tonnerre est un film folk, tout simplement, qui est fait de simplicité volontaire et d’authenticité. On vous met au défi de ne pas avoir ensuite envie de chanter, sans arrêt, la chanson Une gig à soir, interprétée passionnément par Placard et Sandrine Bisson.

 

L’ADOLESCENCE SUBLIMÉE

Patrice Laliberté / Crédit: Danny G. Taillon
Patrice Laliberté / Crédit: Danny G. Taillon

L’une des découvertes de l’année en court métrage est le film de Patrice Laliberté, Viaduc (notre photo principale), lauréat du Prix du Meilleur court canadien au Festival de Toronto (TIFF). On y rencontre d’abord, dans une scène d’action et de tension savamment maîtrisée, un jeune graffiteur perché sur un viaduc. Des plans vertigineux, une urgence merveilleusement rendue par le montage et la caméra agitée de Christophe Dalpé, une action parfaitement arrimée à l’efficace bande sonore: le film débute sur les chapeaux de roue et évolue ensuite vers des sentiers plus intimistes, captant les petits moments d’une adolescence banlieusarde aussi ennuyante que vécue à fleur de peau. À la fois très personnel et très distancié, ce film est aussi porté par un scénario intelligent qui réserve quelques surprises et aménage doucement un regard inattendu sur son personnage principal.

On se déplace de la banlieue jusqu’à un quartier urbain multiethnique avec Star, d’Emilie Mannering, où vivent les frères Tito et Jay. Les textures urbaines nocturnes, montrées dans le plus pur naturalisme, servent ici à peindre un monde de camaraderie mais aussi de petite violence ordinaire. C’est surtout un film cru sur la construction identitaire d’une bande d’ados qui voient dans le rap et dans une certaine forme d’adversité le seul moyen d’exister.

La jeunesse est aussi célébrée et sublimée dans Pas, film de danse de Frédérique Cournoyer Lessard, qui tente l’aventure de la narrativité sans paroles, faisant danser une galerie de personnages dans un quartier tour à tour grisâtre et ensoleillé. Les pas de danse expriment le besoin d’altérité et les rencontres se succèdent dans une très fluide chorégraphie de corps et d’images.

MOURIR DIGNEMENT ET VIEILLIR MIEUX

François Jaros / Crédit: JStheBest.com (Jean Sebastien Francoeur)
François Jaros / Crédit: JStheBest.com (Jean Sebastien Francoeur)

Après le succès de Toutes des connes, lauréat du Jutra du meilleur court en 2014, François Jaros a changé de registre en 2015 en offrant Maurice, un film délicat sur la fin de vie d’un homme qui veut déjouer son propre déclin. Coscénarisé par Marie-Eve Leclerc-Dion, Maurice est un court métrage qui prend son temps et qui montre, à travers une suite de petits gestes, les dernières semaines de vie d’un homme atteint de sclérose latérale amyotrophique (la désormais célèbre maladie de Lou Gehrig, à laquelle le grand public est sensibilisé depuis les innombrables vidéos du Défi du seau d’eau glacée). Presque ritualisant tant il sublime le quotidien de Maurice (Richard Fréchette), le filmant affairé à vendre sa voiture ou prendre des arrangements funéraires, le film raconte l’absurdité de la mort tout en gardant un oeil émerveillé sur une existence faite de petits riens.

À relire: notre entrevue avec François Jaros

La vieillesse vécue dans l’émerveillement est aussi le sujet de Privé, un « documenteur » de Sophie B Jacques, Samuel Pinet Roy et Christine Doyon. Fabriqué en 72h au festival du Documenteur en Abitibi-Témiscamingue, le film pose sa loupe sur la vie d’une religieuse défroquée qui cherche à vivre,. à 60 ans, sa première nuit d’amour. Si la scénarisation est un peu décousue, le personnage et le sujet permettent un film fécond sur l’amour et l’affranchissement de soi, en dehors de tous carcans.

ROBERT LEPAGE, PRÊTRE DES TEMPS MODERNES

Campé à Québec et mettant en vedette certains de ses comédiens-phare, La divine stratégie met en scène Robert Lepage dans le rôle d’un curé exaspéré par la défection et l’indifférence de ses ouailles et par la vacuité intellectuelle de ceux qui continuent à fréquenter son église. Le scénario accuse peu subtilement les uns et les autres d’individualisme crasse et pointe la perte de repères postmoderne d’une manière peu originale, mais ce film sympathique réussit à sortir le catholicisme de ses représentations figées en provoquant la rencontre entre ce pauvre curé et un étrange gourou marketing, qui l’entraînera dans une étonannte mise en scène.

MATTHEW RANKIN, L’ÉLECTRON LIBRE

Matthew Rankin 2Il a remporté, avec son film Mynarski chute mortelle, le grand prix Prends ça court 2015 et de nombreuses autres récompenses, à Regard sur le court métrage au Saguenay comme aux festivals d’Annecy et de Trouville. Ovni poétique très marquant, ce film architecture patiemment une esthétique surréaliste, artisanalement conçue en peignant des milliers de photogrammes à la main. Montréalais proche de ses origines winnipegoises, Rankin raconte dans cet essai cinématographique les derniers instants de la vie d’Andrew Mynarski, un héros manitobain s’étant illustré durant la Deuxième Guerre.

Sont également au programme du Noël des Filmeux les films Une idée de grandeur, de Vincent Biron et Never happened, de Mark Slutsky.

La soirée s’annonce festive, car le Noël des Filmeux, comme le précise son fondateur, c’est « soirée à regarder du bon cinéma et échanger autour d’un bon verre de vin ».

 

Le 10 décembre à 20h au Centre PHI.

Réservations par ici