Pour faire suite à mon texte La réplique se prépare, j’aimerais suggérer l’objectif stratégique qui m’apparaît le plus urgent pour les citoyen-nes du Québec et pour les autochtones de la vallée du St-Laurent.
Le transport du pétrole est une menace sérieuse pour l’eau potable du Québec. L’accident ferroviaire de Lac-Mégantic qui a tué 47 personnes a aussi pollué la rivière Chaudière et affecté ses riverains. Cet accident, ainsi que le déversement de Sept-Îles, a démontré notre incapacité à protéger les rivières d’un déversement d’hydrocarbures. Notre eau potable est bien fragile. On n’a qu’à repenser à l’incident de mai 2013 où des bassins de décantation de Montréal ont envoyé dans l’aqueduc des milliers de litres d’eau embrouillée de sédiments. Les Montréalais-es ont du faire bouillir l’eau du robinet pendant deux jours. Imaginez s’il s’agissait de contamination par du pétrole. Les dégâts prendraient des années à nettoyer, et il est impossible d’évaluer pendant combien de temps l’eau de Montréal ne serait pas potable.
Entre les changements climatiques annoncés et les « menaces » alléguées de prosélytisme de quelques hijabs, comment départager ce qui est urgent de ce qui ne l’est pas? Notre climat change et les effets sont déjà mesurables. Le consensus scientifique sur notre avenir climatique est solidement construit sur des assises factuelles. On ne peut pas en dire autant pour l’argumentaire qui entoure le projet de loi 60, la fameuse « charte des valeurs » dont les motivations électoralistes sont évidentes et dont l’urgence n’est pas démontrée. La loi 60 sur la laïcité* obtiendra probablement 20 fois plus de temps en commission parlementaire que le projet d’inversion de l’oléoduc 9B de Enbridge.
Cette disproportion est obscène.
L’accident de la rivière Kalamazoo (États-Unis) en 2010 a vu le déversement de plus de 20 000 barils de pétrole et l’agence américaine de protection de l’environnement (EPA) estime qu’il reste encore 20% de ce pétrole dans la rivière. Voudriez-vous boire l’eau de la rivière Kalamazoo en aval du déversement? Moi non plus. Le nettoyage est toujours en cours depuis 3 ans et les coûts ont dépassé 1 milliard de dollars US. Au Québec, dans l’état actuel de la législation, ce sont les contribuables qui paieraient pour ce nettoyage. Voudriez-vous payer pour un pareil déversement? Moi non plus.
La compagnie Enbridge qui opère l’oléoduc de Kalamazoo opère aussi l’oléoduc 9B. Le dossier environnemental de Enbridge est accablant comme nous le rappelle Nicolas Soumis – Ph. D., sciences de l’environnement dans une lettre au Devoir : « Rappelons qu’entre 2000 et 2010, Enbridge a déversé dans l’environnement près de 21 millions de litres d’hydrocarbures (131 835 barils) au cours d’un total de 690 incidents (de 34 à 89 par année). » Le plus récent incident de Enbridge a eu lieu à Régina il y a quelques jours.
Malgré les mises en garde d’un expert identifiant un risque de rupture élevé le projet d’inversion de l’oléoduc 9B de Enbridge a été approuvé en 2013 par le gouvernement du Québec dans un exercice de consultation publique qui tient de la farce parlementaire. Il ne tient maintenant qu’à l’Office national de l’énergie (ONE) de confirmer ce projet. L’oléoduc 9B transporterait du pétrole des sables bitumineux de l’Alberta, un mélange corrosif et toxique de boue de pétrole et de produits lubrifiants. Un accident pareil alors que l’oléoduc traverse la rivière Delisle, l’Outaouais ou la rivière des Prairies menacerait l’eau potable de 2 millions de Montréalais-es, sans compter les autres communautés en aval de Montréal qui puisent leur eau directement du fleuve St-Laurent.
AJOUT DU 23 JANVIER 2014 ——–
Le Wall Street Journal a enquêté auprès de la « Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration» et a analysé 251 incidents d’oléoducs sur quatre ans. Ils ont calculé que les équipements de surveillance, les logiciels de détection, les alarmes et la technologie de monitoring 24h/jour par les compagnies qui opèrent ces oléoducs n’avaient détecté que 19,5% des fuites. La majorité des fuites sont détectées par des personnes à proximité des oléoducs. Pas rassurant.
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Au projet d’inversion de l’oléoduc 9B de Enbridge, qui transporterait 300 000 barils par jour, s’ajoute le projet de TransCanada Énergie de l’Oléoduc Énergie Est d’une capacité de 1,1 million de barils par jour.** Ce pétrole bitumineux transiterait au Québec pour être raffiné et pour être exporté vers les marchés étrangers. Les Québécois-es assumeraient tous les risques environnementaux et financiers de ce transit et ne récolteraient que des bénéfices modestes***. Les pro-oléoducs ont poussé l’odieux jusqu’à essayer de nous faire larmoyer sur 350 emplois de raffinage prétendument menacés, mais sont restés silencieux sur le risque réel pour l’eau potable de 2 millions de citoyen-nes.
La cécité du pétrole ressemble à la fièvre de l’or, elle altère le jugement et obscurcit la raison malgré les preuves factuelles de ses dangers. C’est un problème de santé mentale qui menace la santé publique.
Ces deux projets d’oléoducs ne sont pas nécessaires pour notre approvisionnement en pétrole. Nous pouvons nous en passer, mais sans eau, la vie est impossible. Au mieux, nous serions accablés financièrement par l’achat d’eau potable pendant des années, au pire nous serions forcés de nous exiler à l’intérieur des terres. La protection de l’eau contre la contamination des hydrocarbures doit être notre priorité. Il en va de notre sécurité et de l’avenir des générations futures.
Je suggère l’objectif stratégique suivant :
Les citoyen-nes du Québec et les autochtones de la vallée du St-Laurent doivent empêcher les deux projets d’oléoducs sur leur territoire.
Une des conséquences secondaires de l’arrêt des projets d’oléoducs au Québec serait de sérieusement ralentir l’augmentation de la production de pétrole issu des sables bitumineux de l’Alberta. Le Québec est un des passages obligés de ce pétrole. Ensemble nous pourrions lui bloquer le chemin.
Dans quelques jours, j’énumérerai les champs d’action possibles afin d’atteindre cet objectif stratégique : la force, la loi, l’argent et la persuasion. Suivront dans les semaines suivantes des articles sur les ressources humaines et techniques à mettre en oeuvre, l’évaluation des forces et faiblesses de l’action citoyenne, une suggestion de cibles et de tactiques, et la proposition d’un plan d’action à déployer en 2014.
NOTES ET SUGGESTIONS
En complément de lecture, je vous invite à consulter le blogue de Philippe Gauthier, collègue de Voir.ca : https://voir.ca/philippe-gauthier/, les sites du Devoir et de Radio-Canada, et à visionner le vidéo du collectif GAPPA sur le déversement de l’oléoduc 9B de Enbridge à Terrebonne.
* : Voir mon texte Charte du désespoir, valeurs exsangues.
** : TransCanada reporte son projet Oléoduc Énergie Est.
*** : L’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRÉC) conteste les prévisions de création d’emplois au Québec. Voir aussi la controverse des emplois permanents du projet d’oléoduc Keystone XL qui devrait traverser les États-Unis du nord au sud.
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Vous avez tellement raison et je hurle depuis des mois à l’idée que Marois a, depuis longtemps, l’intention de donner le feu vert à ces pipelines (en invoquant des raisons fallacieuses).
Et qu’elle a lancé sa « wedge politics » au sujet du projet Drainville pour détourner l’attention, entre autre, de sa trahison de sa promesse électorale formelle de défendre prioritairement l’environnement.
(Une promesse trahie parmi bien d’autres).
Et bien sûr, le tout pour qu’on se déchire sur une simple « image » et des « symboles », alors que la réalité occultée est noire (comme du pétrole bitumineux).
Magnifique texte,
Je vous félicite. J’apprécie en particulier que vous ayez souligné la différence de traitement entre la charte et la question des oléoducs. On vous rétorquera qu’il faut absolument vider la question des accommodements que c’est vital. L’eau est vitale, pas les querelles entre les différentes visions de la laïcité ou de la liberté de conscience. Éric Martin, chercheur à l’IRIS, disait que les humains ont un imaginaire débordant quand il s’agit de s’imaginer la fin du monde. Ils penseront volontiers à une guerre nucléaire causée par des attaques terroristes, mais ils ne voient pas qu’ils risquent réellement de mourir à cause de la pollution et des changements climatiques. Ce ne sera pas une apothéose d’explosions, mais une mort lente et souffrante par des cancers et la malnutrition, causée par le manque d’eau potable.
Pour les Autochtones ,pas de problême.Ils vivent en harmonie avec la nature depuis des millénaires.Comment faire comprendre les enjeux environnementaux aux Blancs?C’est la bonne question à se poser.
Hahahahaha!!! Quel vision d’un urbain! Les autochtones vivent en harmonie avec la nature!!! LOL…
Vous devriez aller faire un petit tour sur une réserve, vous feriez le saut.
Je peux pas croire que cette vision utopique des indiens à plumes qui vénèrent le dieu nature existe encore…
Entre deux pick-ip f350, 2 ski-doo, 2 quatres roues pis des motocross, pas de quotas, on vide les lacs et les forêts et on »start » nos feux avec de l’huile 2 pour moteur 2 temps!!!
Dans deux textes, je vais aborder avec plus de détails le rôle que les autochtones peuvent jouer pour protéger l’eau d’une contamination par le pétrole. Nous devons tous réduire notre consommation de pétrole, peut importe nos origines.
Nous avons tous besoin de l’eau, peut importe nos origines. Il faut protéger l’eau et en faire une priorité inter-culturelle et inter-générationnelle.
Premièrement ludo ,je ne suis pas un urbain,je vis dans un rang.
Deuxièmement ,je suis déjà allé faire un tour dans 6 réserves,imaginez vous donc !A Odanak par exemple ,ils travaillent fort pour sauver l’esturgeon jaune et les tortues.
Non je n’ai pas fait le saut en allant sur une réserve c’est surtout en revenant chez les Blancs que je fais le saut et j’irais vivre dans une réserve demain matin monsieur!
Oui ils ont des ski-doos,motocross,etc,mais je suis certain qu’ils en veulent qui fonctionnent à autre chose qu’avec le pétrole.Ils ont aussi des fusils de nos jours ,c’est pourquoi certains Blancs ne peuvent plus les manipuler aussi aisément.
Oui ,certains Amérindiens vénèrent encore le Dieu nature ,j’ai même déjà assisté et participé à une cérémonie bien spéciale lors du jour de la terre à Odanak!Moi même j’ai du sang Amérindien et je vénère le Dieu nature ,ça fait partie de ma spiritualité.