La noirceur n’est pas passagère chez Julie Blanche, c’est une condition à laquelle nos yeux doivent pour toujours s’accoutumer. Majoritairement écrites par Antoine Corriveau (le grand ténébreux derrière Les ombres longues, un des plus importants albums de 2014), ces vénéneuses chansons, souvent exemptes de refrain, arpentent les sinueux sentiers d’une forêt humide qui pourrait vous avaler à tout moment. L’élégiaque cor français de Pietro Amato et les percussions hypnotiques de Stefan Schneider dressent des murs de brouillard au cœur de ces oraisons dédiées à la mémoire d’une lumière dont le souvenir s’efface néanmoins de plus en plus à chaque heure. «Donne-la-moi, la vie facile», implore de sa voix aussi éthérée que forte la cousine spirituelle de Sharon Van Etten et de Salomé Leclerc, dans une complainte signée Stéphane Lafleur. Mais on sent qu’elle y croit à moitié, que la résignation aura malgré tout le dessus. C’est là toute la beauté de cet album, tout le pouvoir ensorceleur de ce cauchemar dont on émerge en nage, avec le tout-puissant désir d’y replonger. Il est parfois difficile de distinguer ce qui nous assassine de ce qui nous garde en vie. (D. Tardif)
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Julie Blanche
Julie Blanche
Coyote Records, 2015