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Bâtir le consensus

Le gouvernement Marois (et le Bloc Québécois dans son sillage) s’enferme dans la laïcité stricte de la Charte des valeurs québécoises. Pourtant, comme je l’ai exprimé ici, pour un sujet aussi important et pour une petite nation comme la nôtre qui cherche à susciter une adhésion forte à son projet culturel et politique, il fallait il me semble réussir à rassembler. Ma crainte est que nous fragilisions notre capacité à intégrer nos immigrants à notre culture nationale.

On remarque plutôt que le projet de Charte divise. Il divise aussi Montréal du reste du Québec. Or, si on veut faire du français au Québec la langue publique commune, il faut éviter de créer une cassure entre Montréal et ses régions… Sans quoi nous nous retrouverons un jour à considérer que le Québec francophone est le Québec des régions et qu’il correspond à un folklore sympathique dans la grande mosaïque multiculturelle du Canada…

On peut dire sans se tromper que si on évacue l’interdiction ferme de signes religieux ostentatoires pour le personnel de la fonction publique et para-publique, il y a de quoi de solide comme consensus. Le personnel de l’État qui incarne une autorité manifeste doit absolument éviter de porter un  symbole qui compromet la neutralité de l’État. Donc, comme le recommandait le Rapport Bouchard-Taylor, les policiers, les gardiens de prisons, les procureurs de la Couronne et les juges ne doivent pas porter de signes religieux.  On peut très bien construire un consensus trans-partisan à l’Assemblée nationale là-dessus, comme pour l’ensemble des couches de la société québécoise.

Alors, pourquoi ne pas faire adopter ce projet d’abord, celui sur lequel il y a un fort consensus? Si le PQ veut aller plus loin et élargir à tout le personnel de la fonction publique et para-publique, il doit bâtir le consensus. Pas essayer de gagner une majorité à l’Assemblée nationale en capitalisant sur une polarisation malsaine de notre société…

Je tiens pourtant à affirmer que tous ceux qui accusent le PQ de xénophobie ou qui considèrent déplacé de débattre de ces enjeux sont dans l’erreur. La solution proposée par le gouvernement est défendable. Elle n’est pas nécessairement erronée. Je la considère tout simplement mal avisée, excessive dans notre contexte, pas nécessaire. Inutilement divisive actuellement. Idéalement, nous ne devrions pas avoir à adopter de telles mesures. Chose qui m’apparaît certaine, nous ne sommes pas rendus là, et espérons que nous n’aurons pas besoin de nous y rendre, de façon à ce que chacun puisse se sentir pleinement québécois. Cette dernière affirmation implique bien sûr que chacun puisse devenir ce qu’il est vraiment au Québec, mais aussi que si tu vis au Québec, tu dois adhérer à certains de ses fondements. Ceux-ci ne sont pas fixes, éternels et immobiles. Mais ils proviennent d’une expérience historique particulière, la nôtre. Et si vous voulez contribuer à orienter cette destination, appropriez-vous au moins une large part de son parcours. (C’est une des raisons qui explique pourquoi je suis heureux de l’ajout d’un cours d’histoire obligatoire au Cégep, mais inquiet de son application, qui semble déconnectée de la réalité du réseau).

L’idée d’établir une Charte des valeurs québécoises nécessite de la hauteur sur le plan politique. Il ne faut pas pressentir que la démarche sent l’électoralisme. Il s’agit d’une question de la plus haute importance. De notre intérêt national le plus précieux. Jusqu’ici, le PQ n’est pas à la hauteur de cette exigence.

Il doit reculer et ne retenir que ce qui fait consensus dans ce projet. Et s’il veut aller plus loin, qu’il bâtisse le consensus…