BloguesVoir au loin

L’argent, c’est pour les pauvres

19 décembre. Ça vient de me prendre, direct au ventre. Comme quand j’avais cinq ans. J’ai hâte. J’ai envie de faire des folies, des choses toutes spéciales. Tout d’un coup, ma soif de justice sociale se transpose en soif d’amour universel, de moments partagés, de calme, de sucreries, de nostalgie, de mon nez plongé dans les cheveux de mes enfants, de fins de soirées au bord du feu avec l’homme de ma vie, de bon vin. Je lis les articles polémistes avec un sourire en coin, les frasques de Richard Martineau ne me font même pas sourciller. Je n’ai pas envie de travailler. Alors j’écris.

Noël est une belle occasion pour donner. J’aime donner. J’ai tellement de plaisir à donner, que j’ai fait deux enfants. Et là, je vous jure, je donne tout ce que j’ai. J’ai une entreprise et tendance à ne pas charger assez cher, je le sais. Mais je n’y peux rien, la soif de profits ne m’habite pas. Je n’aime pas la vente, je ne sollicite jamais un client potentiel. Ça m’écoeure. J’écris aussi pour Voir. Je blogue, gratuitement*. Je donne mes mots contre une tribune, j’adore ça. Je n’ai pas la prétention de me mesurer à de vrais écrivains. Je ne suis pas une vedette et je n’attire sûrement pas un lectorat très intense. En tout cas. Si tant de blogueurs le font, c’est qu’il y a un avantage incroyable: la tribune.

J’avais un blogue avant le Voir. Le point de non retour. Des petits billets d’humeur, j’avais beaucoup de plaisir à y exprimer mes opinions. Comme bien du monde, semblerait qu’il s’ouvre des milliers de blogues à chaque minute. C’est dire si les gens en ont à dire. Et puis on publie, mais quelqu’un vient-il vraiment lire? Ayant accès à des statistiques très détaillées, j’ai commencé à voir que quelques personnes venaient. Parfois 10, parfois 20, parfois plus. Étant assez engagée, mes démêlés personnels avec Jean Tremblay, maire de Saguenay ont attiré plus de gens. Au final, j’avais un nombre de plus en plus impressionnant de lecteurs. Impressionnant pour moi, c’est un peu plus d’une centaine de lecteurs. Quand-même!! Qui a été assez fou pour dire que mon opinion, mes idées, valaient une tribune? Le sentiment que me procure l’écriture est unique en soi, gratifiant, libérateur. Mais mon plaisir coupable, le petit pincement au coeur, les papillons au ventre quand je vois que des gens ont lu mon texte, c’est indescriptible. C’est fou l’accomplissement ressenti quand quelqu’un daigne répondre, émettre un commentaire, apporter son grain de sel, brancher son idée sur la mienne, je deviens fille électrique.

Quand j’ai lu tous les commentaires sur les pages Facebook respectives de messieurs Simon Jodoin et Jean Barbe, au sujet du billet de Simon Jodoin sur le Huffington Post, je me suis demandé pourquoi ce débat ne cessait de tourner autour de la valeur économique. Je comprends l’idée globale. Une grosse méchante compagnie américaine fera de l’argent sur le dos de blogueurs qui jouissent en général d’une réputation enviable et dont le travail devrait être justement rémunéré. Alors c’est bien beau bloguer gratuitement. Mais qui a dit que c’était gratuit? Le troc, ça vous dit quelque chose? C’était avant que les banques n’inventent les billets. On échangeait des choses. Et puis tout a changé. Soudainement, je te donne des sous, tu me donnes ton aide, on l’a appris bien assez tôt dans la vie. Désormais, le temps alloué à des tâches qui font appel à des compétences est rémunéré. Tout se monnaie. Et tout est divisé, catégorisé, on a jugé que la compétence du concierge valait tant de moins que la compétence du mécanicien. Et ainsi de suite. Mais quel est donc ce réflexe inné, ce penchant naturel vers la seule manière semble-t-il de reconnaître la valeur d’une personne? Moi, j’ai une tribune. Comme gratification ça me suffit.

Je ne défends personne. Le débat économique apporte une vision des choses. Mais je pense que dans la vie, il y a d’autres dimensions que l’argent. Si certaines personnes profitent d’une tribune large, atteignant un auditoire neuf, donnant ainsi la possibilité à des idées neuves de surgir, de se promener un peu, pourquoi pas? Peut-on le voir autrement? Un peu de tolérance et d’amour, de grâce, c’est Noël!

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*On m’en avait glissé un mot mais c’est désormais officiel, Voir paye ses blogueurs. Comme je suis toute nouvelle, et que mon lectorat ne doit pas fracasser des records, je n’ai jamais encaissé d’argent à ce jour pour mon blogue. Ceci dit, quand je dis que je blogue gratuitement, c’est encore très vrai. Parce que je le fais sans attente de rémunération, parce que j’aime et estime la communauté du Voir, parce que j’ai envie d’y contribuer. Pour moi c’est ça, un acte gratuit.