BloguesPlan B

Critique du dimanche: Supergirl (1984)

En août, je vous ai parlé de la tétralogie Batman. Sauf que ce n’est pas avec ces films que j’ai commencé à noter des niaiseries. Je le fais pas mal toujours dans ma tête, mais il y a un film qui m’a donné envie de les noter, pour ensuite les partager, et c’est Supergirl.

Je ne l’avais pas écouté depuis mon enfance et son histoire était floue. J’étais curieux. J’avais commencé son écoute il y a plusieurs mois et la perte momentanée de ma connexion Internet avait mis fin à l’écoute, après une trentaine de minutes. Ce n’est pas très bon, mais c’est drôle tellement il y a des failles scénaristiques. Je me suis dit que je devais le réécouter, juste pour noter ce qui m’amuse.

Je vous propose donc ce regard niaiseux sur ce film qui, visiblement, a voulu surfer sur la popularité des films de Superman (1978-1987) avec Christopher Reeve, mais en tournant les coins ronds.

Déjà, l’histoire n’est pas très excitante. Des survivants de Krypton vivent dans une ville bâtie sur un astéroïde et erre dans l’espace « intérieur ». La source d’énergie se perd sur Terre, Supergirl court après la boule qui, sur Terre, est tombée entre les mains d’une sorcière qui veut, évidemment, dominer le monde.

Au début, tu te dis que c’est sympathique: un film avec une fille superhéros, au grand écran, avec des pouvoirs. Bravo! La méchante est une femme aussi. Égalité partout! L’assistante de la méchante est une fille aussi. Girl power! Mais un moment donné, tu te dis que c’est sûrement écrit par un gars, parce que finalement, le film nous montre deux filles qui se battent pour le même gars. Ça adonne que Supergirl sauve le monde en même temps! Et deux filles qui se battent pour un beau gars, c’est assez cliché comme vision masculine des femmes.

supergirl

SUPERGIRL
Sortie en 1984
Réalisé par Jeannot Szwarc
Avec Helen Slater (Supergirl/Kara), Faye Dunaway (Selena la sorcière)

En partant, on veut montrer que les Kryptoniens sont intelligents. Comment démontre-t-on l’intelligence à Hollywood? En parlant de mathématique. De jeunes élèves apprennent ce que des universitaires au doctorat approfondissent chez nous. Crime qu’ils sont intelligents! À Hollywood, l’intelligence n’est jamais artistique, jamais émotive, rarement philosophique, mais toujours mathématique ou scientifique. Et encore, pas des sciences molles, non, de la grosse physique qui nécessite des mathématiques. Plus encore, on sort des concepts qui ne veulent rien dire mais qui ont l’air intelligents. Comme parler de «géométrie en six dimensions». M’enfin!

Dès le départ, on place cette information: Superman est le cousin de Kara, alias Supergirl. Sauf que bien franchement, elle le dit tellement souvent dans le film, à tout le monde, que l’identité de Superman pourrait être découverte à cause de sa chère cousine. Non seulement elle le dit à tout le monde, mais elle se dit la cousine de Superman et de Clark Kent tout le temps, sans protéger son anonymat. Et elle le fait autant en Supergirl qu’en Linda Lee, sa fausse identité humaine. Et le pire, c’est que dans le film, elle côtoie la soeur de Loïs Lane et le photographe Jimmy Olsen, collègue de Clark et Loïs. Et personne là-dedans ne fait de liens!

On ne connait pas grand-chose sur la faune et la flore de Krypton. En fait, avant que la planète n’explose, il ne semblait pas se faire grand-chose de naturel, tout était artificiel. Comme la petite cité de survivants. Tout ça pour dire que je trouve ça étrange que Zaltar, le génie de la cité, porte un chandail de laine. Ce n’est pas parce que certaines parties du chandail brillent que ce n’est pas de la laine. Elle vient d’où, sa laine?

Supergirl ne sait pas c’est quoi un arbre (il faut dire que même nous, Terriens, n’aurions pas pu reconnaitre que ce que Zaltar sculptait était un arbre tellement ça ne ressemble pas à un arbre), mais elle dessine quand même une libellule sur le plancher. Tout au long du film, il y a d’étranges absences ou présences de connaissance chez Supergirl. Par exemple, elle arrive en 30 secondes à falsifier un dossier d’admission dans un collège, mais ne sait pas serrer une main, ne sait pas c’est quoi un cheval, un train, etc.

La fameuse libellule gravée dans le plancher de la cité se met tout d’un coup en vie et se met à voler dans la cité. Si un jour une libellule rentre chez vous, tuez-la vite! Elle pourrait causer votre perte! Dans le film, c’est assez fort pour briser la paroi d’une ville qui erre dans l’espace. Mais en y regardant de plus près, ce n’est pas le moustique qui est un Hulk sur six pattes, mais le vaisseau qui est fait en matériel cheap. Ce n’est qu’une toute petite toile qui protège tout le monde! Comment elle résiste aux nombreuses petites roches qui voyagent dans l’espace mais pas à une libellule? La réponse doit se trouver dans la géométrie à six dimensions.

La source d’énergie vitale pour Argonville (le nom très moche pour la cité kryptonienne) est l’omégaédron. Oui oui, l’oméga-édron. Une fois sur deux, j’entendais étron, mais passons. Cette petite boule qui est partie dans l’espace à cause de la libellule se ramasse sur Terre (on est décidément la planète dépotoir de Krypton), mais pas n’importe où, dans un bol de sauce d’un couple faisant un pique-nique sur le bord d’un lac couché sur une peau de tigre (qui traine une peau de tigre pour un pique-nique??), et pas n’importe quel couple, des sorciers, dont une qui veut dominer le monde. Mais le plus surprenant ce n’est pas même pas ces coïncidences, mais qu’une boule qui vient de traverser des univers, qui traverse notre atmosphère à une vitesse folle tombe dans un bol sans rien n’éclabousser. Aucun trou, aucune explosion, rien! Comme si elle avait été déposée là du bout des doigts.

Pour tous ceux ou celles qui se disaient que Christopher Reeve ferait peut-être une apparition, le film détruit tout espoir assez rapidement. Dans sa voiture, la méchante sorcière écoute la radio qui indique, comme par hasard, que Superman est en voyage diplomatique sur une autre planète. C’est d’ailleurs une excellente idée d’annoncer à tous les criminels quand Superman quitte la Terre.

Lorsque Kara, alias Supergirl, quitte sa cité de l’espace, elle le fait en petite robe blanche. Lorsque son vaisseau atterrit, elle en sort vêtue comme Superman. D’ailleurs, ses habitudes vestimentaires sont différentes de celles de Superman. Lui utilise les cabines téléphoniques pour se changer, enlever son veston, sa cravate, etc. Supergirl, elle, ne fait que passer derrière un arbre pour se changer. Et elle ne change pas que de linge, elle change de couleur de cheveux aussi. En fait, elle ressemble plus à Mystique qu’à Superman ici. Et elle passe son temps à le faire dans le film.

Combien de temps a pris Superman pour contrôler ses pouvoirs? Des années? Supergirl, elle, ça lui prend un gros maximum deux minutes pour apprivoiser sa force, ses yeux lasers, ses yeux rayons-x et le vol. Elle parle aussi anglais, dès son arrivée sur Terre.

Dès qu’il y a une femme forte, à Hollywood, il y a cette scène classique: deux hommes s’approchent pour violer la demoiselle perdue, mais ils se rendent compte qu’ils ne s’en prennent pas à la bonne! Et après ça, certains disent qu’il n’y a pas de culture du viol. D’ailleurs, un des violeurs a un chandail A&W. Quel étrange placement de produit!

La méchante sorcière, Selena, rêve de dominer le monde. Je ne comprends tellement pas ça, vouloir dominer le monde. C’est tellement puéril. Et ça ne marche jamais. Nommez un seul méchant qui réussit à contrôler le monde. Nommez même un seul gentil qui réussit à contrôler le monde. Il ne peut pas se contrôler, le monde. Ça fait assez de romans, de films, de contes, de chansons et de documentaires qui le démontrent. Arrêtez! Changez de plan!

Sa cochambreuse est la soeur de Loïs Lane. Tu parles d’un hasard toi! La cousine de Superman avec la soeur de l’amante de Superman. Eh que l’univers est petit!

Scène classique lorsqu’il y a des sorcières dans un film: recette de potion magique. Finalement, les sorcières sont juste des cuisinières. Celles qui ne sont pas bonnes sont juste incapables de suivre une recette, dans le fond.

On comprend entre les lignes que Jimmy Olsen, le photographe, est un peu le petit copain de la petite Lucy Lane. Et que fait-il lorsque celle-ci est en danger dans une pelle mécanique? Il la prend en photo! Et lorsqu’il la retrouve après tout ça, il lui dit qu’il a eu «tellement peur pour elle». Ça se voyait vraiment lorsqu’il ne se précipitait pas pour la sauver.

Dans la même scène, Lucy Lane est en danger parce qu’elle tente de sauver le gars que se disputent Selena et Kara. Notez ceci, Supergirl n’est pas une bonne amie. Alors qu’elle sauve le beau brun, elle laisse là Lucy qui demeure en danger. Qu’importe! Arrange-toi avec la pelle mécanique qui fonce dans une station-service, Lucy! Supergirl ne fait pas que secourir le beau brun, elle se sauve avec!

Les Kryptoniens ont beau avoir la géométrie en six dimensions, leurs gadgets demeurent assez poches. L’omégaédron (qui est la source d’énergie perdue entre les mains de Selena la sorcière) émet un signal pour qu’on le retrouve à l’aide d’un bracelet tout mignon. Mais oubliez les GPS, le bracelet fonctionne sur le principe de «chaud ou froid». Pas mal rudimentaires les six dimensions.

Le beau brun pour lequel se battent Selena et Supergirl est, à un moment donné, drogué par Selena, avec une fameuse potion magique qui rend amoureux (le film est vraiment bourré de clichés). Évidemment, la potion fonctionne sur Supergirl et non Selena. Lorsque le sexy jardinier (cliché!!!) dit «Je t’aime» à Supergirl, il y a une grosse musique romantique. Franchement! Il ne le pense pas, il est drogué! DROGUÉ! Ça ne vaut rien comme déclaration! Arrêtez la musique romantique!

L’assistante de Selena n’est pas loin du cliché du bras droit niaiseux du méchant, mais parfois elle sort des répliques qui semblent être sur le film et non réellement destinées au personnage. Comme des méta-répliques. À un moment, elle lâche, à propos de Selena: «Mais comment a-t-elle pu progresser si vite? C’est dingue!» Je n’aurais pas mieux dit!

Justement, à un moment donné, notre méchante de service se décourage. Elle ne comprend pas pourquoi un moment elle arrive à faire ceci et après elle est incapable de faire cela. Sauf qu’elle compare aussi des pommes avec des patins. Elle pense que contrôler une noix c’est la même chose que contrôler l’esprit humain. Là, tu te dis qu’elle doit jouer dans la même équipe que Donald Trump, Sarah Palin et compagnie.

Ça fait 90 minutes que Kara dit à tout le monde qu’elle est la cousine de Superman et de Clark Kent. Puis bang! Elle prévient son amoureux: elle doit être là complètement incognito. Lents applaudissements.

Le moment où la musique est la plus tendue et la plus dramatique est lorsque Supergirl, avec sa peau de pêche et ses cheveux blonds, tombe dans la boue. Pas contre les gros monstres ou les forces du mal, mais de la boue. Pauvre Kara, toute sale, maintenant! Bye bye pureté!

Probablement sans vraiment savoir comment elle a fait, Selena envoie Supergirl dans la «Zone fantôme», une espèce de purgatoire entre l’espace intérieur et l’espace extérieur. Un lieu dont on ne peut s’échapper. Finalement, c’est possible, mais il faut se jeter dans un gouffre et, je cite: «affronter ses démons, affronter le chaos et accomplir son destin». Ses démons et le chaos, ça va, mais on fait comment pour accomplir son destin quand on traverse un gouffre? Les possibilités d’actions se résument pas mal à traverser le gouffre. Est-ce que le destin se résume alors simplement à périr ou à survivre au gouffre? On ne le saura jamais!

Étonnement, ce grand film n’aura jamais connu de suite. On salue l’effort de créer une héroïne, mais des fois l’intention ne suffit pas.