Je suis vraiment troublé par de récentes conversations ou sorties sur l’athéisme. Je ne reconnais pas ce que j’ai appris gamin, sur l’athéisme. Je ne me reconnais pas dans ce discours, moi qui suis athée depuis bien assez longtemps pour avoir toujours choisi la morale à la petite école et avoir dit non aux sacrements.
Il y a cette petite phrase, par exemple, d’Alexandre Taillefer, dans sa chronique de mars dans le VOIR: «Je me suis longtemps décrit comme un athée, quelqu’un qui ne croyait pas en Dieu ni en l’Église. Mais j’ai depuis révisé ma position. L’athéisme me semble tout aussi dogmatique que bien des religions.»
Puis cette chronique de Joseph Elfassi publiée hier dans Ricochet. Il dit: «Me voyant y aller avec un peu trop de verve, je relativise mon point de vue : après quelques mois à me proclamer athée, je finis par me considérer agnostique. Ce que je ne peux pas prouver, je n’avancerai pas avec la même certitude que ceux que je dénonce.»
Puis, cette conversation entendue la semaine passée alors que je me commandais un Shish kebab: «Je me dis maintenant agnostique, je ne suis pas contre les religions, alors je ne suis plus athée, tu comprends?» Ou quelque chose du genre.
Je cherche autour de moi, je ne trouve pas le mémo me prévenant que, en tant qu’athée, j’étais devenu un radical anti-religion. J’ai été lire quelque définitions, des fois qu’il y aurait eu une mise à jour, mais non, ça demeure tout simplement de ne pas croire en un ou plusieurs dieux, ou de croire qu’il n’existe pas de dieux.
Une partie de la réponse se trouve peut-être dans la citation de Joseph Elfassi, disant qu’il a peut-être mis trop de verve dans son athéisme. Alexandre Taillefer dit aussi un peu la même chose, un peu plus loin: «Il existe des intégristes chez les athées qui veulent convertir les croyants en non-croyants. Ça me semble tout aussi dangereux qu’un imam radical ou un chrétien fondamentaliste viscéralement opposé à l’avortement.»
C’est vrai. Il y a des athées qui me rendent, aussi, vraiment inconfortable. Je me souviens encore avoir dénoncé une campagne que des athées avaient faite au Royaume-Uni et en Espagne. C’était des affiches sur des autobus qui disaient: «There’s probably no God. Now stop worrying and enjoy your life.» C’était franchement déplacé et de mauvais goût. Oui, il y a des athées radicaux. Comme dans tous mouvements.
Sauf que, vraiment, allons-nous rejeter une simple position théologique parce que des gens la déforment de son essence? J’ai l’impression de lire les mêmes arguments que Lise Thériault qui ne se dit pas féministe, mais égalitaire, parce qu’elle ne veut pas s’associer aux féministes «radicales». Ou même d’entendre sensiblement le même discours de ceux qui accusent tout l’islam pour la minorité islamiste.
Je me souviens d’avoir déjà eu une discussion similaire avec une amie qui me suggérait aussi le terme agnostique plutôt qu’athée, parce que je ne prétends pas que ma croyance est supérieure ou plus fondée que celle des théistes.
J’ai pleinement conscience que tout comme les chrétiens, les musulmans ou les juifs je ne peux pas «prouver» que dieu n’existe pas. Et je ne cherche pas à le prouver. Vous remarquerez d’ailleurs que depuis tantôt, je parle de ma croyance, ou de ma non-croyance. Je n’ai jamais prétendu détenir plus la vérité qu’un théiste. Je sais très bien que dans l’absolu, personne ne saura jamais. Mais ce n’est pas parce que je ne peux pas plus le prouver qu’un autre que je doute de ma croyance de l’inexistence d’un dieu.
Ce n’est pas parce que je ne doute pas de ma croyance que je crois détenir la vérité, que je crois avoir raison. Je comprends la logique derrière l’agnosticisme, mais adopter cette position signifierait pour moi douter de ma position, sauf que voilà, absolument rien chez moi n’ouvre la porte à un doute, même si je n’en sais rien. C’est une croyance, elle ne peut pas être logique.
Ce n’est pas différent d’une croyance en un dieu. Demandera-t-on à un imam de se dire agnostique parce qu’il admet qu’il ne peut pas prouver l’existence de Dieu? Le Pape François est-il agnostique parce qu’il reconnait les autres religions?
Je n’ai jamais cherché à convaincre un croyant qu’il avait tort, au contraire. Je ne pense pas qu’il ait tort, de toute façon. Je n’ai jamais considéré que les religions étaient un mal à l’humanité – au contraire, il y a des enseignements philosophiques et morales essentielles dans toutes les religions.
Même que je suis facilement irrité par les gens qui manquent de respect envers les rites religieux. Je déteste quand on bafoue des symboles ou des traditions religieuses. Et je suis irrité par ceux qui cherchent à imposer leur vision à quelqu’un d’autre. Athée ou théiste.
Personnellement, je m’en fiche pas mal que les gens croient ou non. Et en quoi ils croient.
Sauf que depuis quelque temps, j’ai l’impression qu’être athée est synonyme d’un radicalisme que je n’ai jamais eu. Vous n’allez quand même pas faire comme Richard Martineau et me demander de me dissocier et de dénoncer chaque fois qu’un athée dit une connerie?
D’un point de vue de pure logique, le fardeau de la preuve incombe à celui qui affirme l’existence de quelque chose. La non-existence est par définition implicite selon le principe du rasoir d’Occam et également de l’impossibilité d’explorer exhaustivement un monde potentiellement infini.
On peut aussi adopter un point de vue probabiliste ce qui est très fréquent en sciences exactes comme en physique où on affirme l’existence d’une nouvelle particule comme boson de Higgs sur la base de tests statistiques où la valeur-p (en anglais p-value) parfois aussi appelée p-valeur. Pour annoncer un nouveau phénomène, il faut « 5 sigmas » (soit une probabilité de 3×10-7, environ 1 sur 3.5 millions). On parle ici de la probabilité d’obtenir par hasard la valeur observée du test si l’hypothèse nulle était vraie (i.e. absence de particule) ou probabilité d’un faux positif. Bon, je m’aperçois que je manque de temps et d’espace pour donner un cours de statistiques!
Cela dit, je suis présentement au chevet de ma soeur mourante et j’ai beau invoquer Dieu et Diable, il ne se passe rien. Je ne demande pas mieux que de croire… Qu’on me foudroie ou que l’on fasse un miracle pour me prouver que Dieu existe!
Est-ce excessif? Je vous en laisse juger…
Ma soeur est morte paisiblement tôt ce matin. J’étais à son chevet… Quant à moi, pas même une étincelle ne m’a atteint. CQFD
Merci de remettre les pendules à l’heure…
Le jour où un grand naïf inconscient, à moins que ce ne soit plutôt un manipulateur intéressé, a malheureusement ouvert cette boîte de Pandore libérant du coup une quantité incalculable de fléaux dans l’univers, le pas à ne pas faire venait d’être fait.
Et depuis ce jour, tout fut contaminé sans espoir ni remède possible.
Mais tout fléau sérieux, en fléau qui se respecte, ne se présente jamais à la vue sans une indispensable précaution: se revêtir d’une peau de mouton, de sorte que plusieurs ne soupçonneront pas le loup les abordant avec ses manières doucereuses.
Ainsi donc, s’étant extirpées de la boîte, les premières mythologies envahirent rapidement le moindre recoin. Les plus connues sont certes les fabuleuses mythologies gréco-romaine, dans lesquelles une multitude d’immortels dieux et déesses s’affrontent tout en exigeant de leurs mortels fidèles – conscrits malgré eux – soumission, vénération, et des sacrifices insensés à profusion. Les religions étaient nées.
Quelle jolie histoire, n’est-ce pas?
Bon, abordons la suite et les conséquences du rêve cauchemardesque apparut pour contaminer tout ce qui existe ou n’existe pas. Alors, athée ou agnostique, croyant à ceci plutôt qu’à cela, non-croyant ou hérétique, fanatique jusqu’à l’extrémisme ou rigoureusement orthodoxe, eh bien… bof! Nous n’y pouvons absolument rien. Les autres seront toujours ce qu’ils sont, tout comme nous serons nous-mêmes toujours ce que nous sommes. Les dés ont été jetés depuis des temps immémoriaux. Et ce qui doit être sera.
Cogitez tout ça si cela vous intéresse ou vous amuse. Moi, je vous quitte en vous laissant sur une citation de l’auteur français Sainte-Beuve:
« La nature veut qu’on jouisse de la vie le plus possible et qu’on meure sans y penser. Le christianisme a retourné cela. »
( Sainte-Beuve aurait tout autant pu faire mention de n’importe laquelle autre religion, que sa réflexion sarcastique aurait conservé la même pertinence. Mais, à son époque et dans sa contrée, c’était le christianisme qui trônait au top du palmarès…)
La plupart des croyants, athées et agnostiques ne sont pas radicaux. Malheureusement, certains individus plus intransigeants pensent détenir LA vérité et veulent donc l’imposer à d’autres… Et à ce sujet, aucun « groupe » ne peut prétendre détenir un monopole…