2016: un tournant pour le hip-hop québécois
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2016: un tournant pour le hip-hop québécois

Avec les retours en force annoncés de grosses pointures comme Koriass, Dead Obies, Loud Lary Ajust et, sait-on jamais, Kaytranada, en plus de l’éclosion de nouveaux projets prometteurs comme Brown et Rednext Level, le hip-hop québécois est en voie de connaître une année charnière en 2016. Analyse des tenants et aboutissants.

«C’est vraiment une belle cuvée», envoie d’emblée Benoit Beaudry, collaborateur à l’émission hip-hop Ghetto Érudit sur les ondes de CISM 89,3.

Figure de proue du hip-hop québécois, Koriass est également de cet avis. «La scène est vraiment sur une pente montante, autant en matière de qualité des projets que de l’engouement médiatique. Je suis vraiment enthousiaste d’entendre tout ce qui va sortir cette année», indique le rappeur qui a connu un succès quasi viral avec son récent clip Zombies.

Cet engouement partagé pour la scène rap locale n’a toutefois pas toujours été aussi vif. Reporteur hip-hop depuis 2003, Benoit Beaudry se souvient d’une époque où il était «vraiment difficile» pour les rappeurs d’obtenir «une visibilité en dehors des médias hip-hop spécialisés comme HHQC ou Hiphopfranco».

Rappeur au sein du trio père-fils Brown (aux côtés de son frère Snail Kid de Dead Obies), Jam se rappelle également cette période où le hip-hop était, à peu d’exceptions près, ignoré des médias.

«Y avait pas du tout d’exposure, mais on s’en rendait pas vraiment compte», explique le rappeur, qui roule sa bosse depuis plus d’une décennie. «On se contentait de s’impressionner entre nous autres, durant les shows ou les partys. C’est vraiment quand les Word Up! sont arrivés qu’on a commencé à avoir de la visibilité.»

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L’importance des Word Up! et d’Alaclair

Phénomène de battle rap qui connaît un succès d’envergure autant au Québec qu’en France depuis sa création en 2009, les Word Up! Battles ont sans doute contribué à l’essor du hip-hop québécois, grâce à des vidéos visionnées des centaines de milliers de fois sur YouTube.

En plus d’avoir été le lieu où se sont rencontrés plusieurs membres de Dead Obies, les WUB ont permis à plusieurs milliers d’internautes de découvrir des rappeurs québécois talentueux, de Jam à Loud Mouth (Loud Lary Ajust) en passant par Maybe Watson (Alaclair Ensemble, Rednext Level) et Koriass. «Ce qui était particulier avec les WUB, c’est que ça pouvait même intéresser les gens qui n’écoutaient pas de rap à la base», dit Koriass.

À cet effet, le rappeur originaire de Saint-Eustache donne également beaucoup de crédit au groupe Alaclair Ensemble qui, à la sortie de son premier album 4,99 en 2010, a réussi à faire éclater les barrières à la fois stylistiques et médiatiques du hip-hop québécois. «Avant ça, le rap d’ici était relativement stagnant et linéaire, mis à part certains trucs comme Omnikrom. C’est vraiment à partir de 4,99 que les rappeurs d’ici ont eu envie de prendre davantage de risques», indique-t-il. «Personnellement, c’est l’album qui m’a poussé à sortir de mon carcan habituel et à proposer quelque chose de plus l’fun.»

«Y a manifestement un avant et un après-Alaclair Ensemble», croit également Jam. «La façon qu’ils avaient de faire des shows vraiment éclatés et de présenter leurs trucs sur Internet de manière DIY, ça a tout changé.»

L’effervescence du «neo-rap queb»

Depuis, l’engouement autour de ce que plusieurs appellent dorénavant le «neo-rap queb» est grandissant. «Il y a un intérêt qui se fait sentir dans des secteurs où il n’y en avait pas avant», avance Koriass, en référence au passage de plusieurs rappeurs au talk-show Pénelope McQuade cet été. «Je pense que 2016 va encore plus setter le ton par rapport à l’ouverture des médias de masse face au hip-hop d’ici.»

Jam, lui, reste plus réaliste par rapport à cet engouement projeté. «Un rappeur québécois peut espérer une petite visibilité, genre voir sa toune jouer en revenant de la pause à Tout le monde en parle… Il peut mettre son orteil dans le showbiz, mais pas ses deux pieds», image-t-il. «Reste que, pour plusieurs d’entre nous, mettre son orteil là, c’est de plus en plus suffisant pour gagner de l’argent et faire son bout de chemin.»

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Évidemment, cette effervescence alimente un certain esprit de compétition entre les rappeurs, notamment ceux qui s’apprêtent à faire paraître un album en 2016. «Ce n’est plus pareil comme il y a deux ou trois ans. Les gens ont commencé à avoir du succès, et chacun fight pour son shit», observe Jam.

«S’il y a une compétition, je crois qu’elle est saine», nuance pour sa part Koriass. «Elle se déroule sur le plan des galas et des ventes, mais c’est tout. Quand on se croise et on se jase, y a rien de ça qui est palpable.»

SORTIES PRÉVUES 
Brown – Brown / 22 janvier 2016
Koriass – Love Suprême / 5 février 2016
Dead Obies – Gesamtkunstwerk / 4 mars 2016
Rednext Level – Argent Légal / Avril 2016
Loud Lary Ajust – EP au titre indéterminé / 2016
The Posterz – EP au titre indéterminé / 2016