Rap local : Random Recipe, s'ouvrir aux autres
Musique

Rap local : Random Recipe, s’ouvrir aux autres

Chaque semaine, cette chronique met en lumière l’oeuvre des rappeurs et des producteurs québécois les plus intéressants du moment. Au programme : entrevue, revue non-exhaustive des nouveautés de la semaine et aperçu des prochains spectacles à voir.

Entrevue //

Le groupe hip-hop Random Recipe s’allie avec des collaborateurs de renom sur Distractions, un troisième album aux influences tropicales proéminentes.

Le quatuor devenu trio a d’abord dû composer avec le départ de son membre fondateur Vincent Legault, à la fois guitariste et claviériste. «Vincent, c’est pas un gars de tournée, c’est un gars de studio», explique la chanteuse Frannie Holder, qui forme encore et toujours le groupe electro-folk Dear Criminals avec lui. «Et nous, on tourne vraiment beaucoup, alors il savait qu’il allait plus nous nuire qu’autre chose s’il restait.»

Survenu il y a un peu de trois ans, ce départ a provoqué son lot de réflexions. «On s’est demandé comment on allait le remplacer, comment et pourquoi on continuerait», poursuit Holder. «On s’est rendu compte que ce qui allait sauver le groupe, c’était de s’ouvrir aux autres. Ça fait 10 ans qu’on est ensemble, il y a des dynamiques qui se sont installées. C’est cool parce qu’on se connait bien, mais ça gagne aussi à ventiler. La première personne qu’on a approchée, c’est Foxtrott, car c’est une bonne amie à nous. Elle a écouté nos maquettes et a constaté les forces que chacun de nous avait. Après ça, y’a eu Marie-Pierre Arthur. Pendant des années, on s’est croisées dans des évènements, mais on se connaissait pas beaucoup. Un jour, je l’ai entendue jouer une ligne de basse funky et j’ai été impressionnée. Sa présence a tout changé sur cet album. Ça m’a émue qu’elle accepte de collaborer.»

D’autres musiciennes renommées ont ensuite été approchées, notamment la rappeuse Ladybug Mecca (de Digable Planets), la chanteuse virginienne Sunny Moonshine et la bassiste Ronda Smith, qui a déjà accompagné Prince. «Y’a aussi Catherine Ringer qui nous a jamais répondu… et Sia!» révèle Holder.

Mais le processus pour en arriver à cette suite de rencontres musicales vivifiantes a été plutôt ardu. De là le nom de l’opus. «Distractions, ça vient d’un gros processus créatif entre nous trois, de savoir où mettre ses priorités, comment gérer un calendrier», explique la rappeuse Fabrizia Difruscia, qui complète le trio avec le percussionniste Liu-Kong Ha. «Y’a Frannie qui avait son side-project de Dear Criminals, Lui-Kong qui était occupé avec ses nombreuses gigs et, moi, qui a été très malade en 2016. J’ai  dû prendre une année sabbatique, car j’avais le cancer de la glande thyroïde. Durant mes mois de rémission, je pensais à notre futur, mais j’étais à peine capable de parler. Quand je suis sortie de l’hôpital, j’ai retrouvé ma voix. On est allés tester des tounes en Amérique latine et je me suis dit : ‘’I don’t want to give up now… J’ai trop de choses à dire!’’»

Durant son combat avec la maladie, la Montréalaise s’est familiarisée avec le logiciel de création musicale FL Studio. «Ça m’a tellement ouvert une nouvelle fenêtre! Au même moment, Frannie apprenait à connaitre Pro Tools, donc on s’envoyait des idées. Ensuite, avec deux grandes ailes fortes comme Foxtrott et Philippe Brault (NDLR : les deux producteurs crédités de l’album), ça nous a juste mis dans une bonne vibe. C’est de loin notre album le plus représentatif de ce qu’on écoute et d’où on est rendus.»

Les influences tropicales sont évidentes sur une bonne partie des huit chansons. À cet effet, la tournée du groupe dans le sud du continent américain a eu de bonnes répercussions. «Je crois que ça nous a influencés sans qu’on s’en rende compte», observe Frannie Holder. «On reste un band de live, de tournée, alors c’est sûr que nos expériences en show influencent ce qu’on a  envie d’écrire. Et comme l’un des publics les plus intéressants qu’on a connus était celui de l’Amérique latine, on a eu envie d’aller vers ça. On voulait quelque chose de léger, qui respire et qui bounce, qui donne envie de sourire, même quand les propos sont plus dark comme sur Hey Boy

«Frannie a insisté pour qu’on retravaille les textes», poursuit sa collègue. «C’est un peu jouer dans le jardin de l’autre de dire son point de vue sur ses textes, mais des fois, c’est bénéfique de trouver le bon mot, la bonne tournure de phrase. C’est encore plus vrai dans le rap, car c’est trèès rythmique. Tu dois pouvoir mettre ton ego de côté deux secondes.»

Si la maladie n’a pas eu d’impact direct sur le contenu de ses écrits, Fabrizia Difruscia constate que celle-ci a eu un effet sur son approche poétique. «Avant, j’écrivais toujours à la 3e personne quand Frannie choisissait un thème. J’avais de la misère à rentrer dans la mélancolie, j’avais peur de mes émotions. Maintenant, à 31 ans, je suis consciente qu’anything could happen. Je parle pas directement de mon cancer, mais je rentre plus dans l’émotion, dans la tristesse et la souffrance, comme sur Hey Boy ou Hearts in Pain. Même chose sur Out of the Sky, une chanson qui parle de notre fierté de ne pas fitter dans une boite», dit la rappeuse, à propos de cette pièce qui évoque par la bande la rupture du groupe avec Bonsound,  étiquette sous laquelle sont parus ses deux premiers albums.

Autoproduit et sociofinancé, Distractions s’avère donc plus profond que ne le laisse présager son habillage festif. Sur MMXVIII, par exemple, le trio raconte son histoire avec sincérité, tout en laissant une place aux rappeuses montréalaises qui ont marqué leur route. «Au début, y’a Giselle Numba One, c’est vraiment elle qui nous a mises sur la mappe en nous invitant à un spectacle après nous avoir vu rapper sur le trottoir. Ensuite, y’a Heartstreets, un groupe qu’on adore et qu’on a accompagné à  ses débuts. Enfin, y’a Tali Taliwah (de Nomadic Massive), une femme que j’admire, un exemple pour moi», énumère Frannie Holder, plus qu’enthousiaste.

À elle seule, cette chanson cristallise l’esprit de solidarité qui règne entre les rappeuses d’ici, encore trop peu nombreuses sous les feux de la rampe. «Dans la dernière année, j’me suis vraiment intéressée à consolider cette scène rap de filles, de J.Kyll à Sarahmée en passant par Donzelle et Bad Nylon. Je voulais enlever l’idée qu’il y a de la rivalité d’un projet à l’autre. On est tellement pas nombreuses, alors si on se met à parler les unes contre les autres, ça donnera rien. Y’a de la place pour tout le monde.»

Distractions – disponible le 2 mars

Spectacle de lancement – Club Soda (Montréal), 1er mars (20h)

Nouveautés d’envergure //

Lary Kidd alterne entre son flow cinglant habituel et sa voix plus mélodieuse sur Petit Jésus, nouvelle chanson produite par Ruffsound qui annonce la sortie du EP Contrôle V2.

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Enima se tire d’affaire sur cette collaboration internationale de calibre à laquelle participent Offset et Quavo (de Migos) ainsi que Hoodrich Pablo Juan.

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Grosse semaine pour Enima, qui pose aussi ici avec Ness et V12.

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T.K y va d’un freestyle bien mené.

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Révélé aux côtés de Rwo il y a quatre ans, Tizzo se livre avec honnêteté sur cette nouvelle mixtape solo.

Hardbody Jones, l’un de nos rappeurs les plus intéressants du moment, y va d’un premier clip en presque un an.

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Le Trifluvien d’origine Slumgod propose un remix jazzé d’une chanson de G-Eazy, A$AP Rocky et Cardi B.

Yerly livre l’une de ses meilleures productions en carrière, What Are These Stones.

Le rappeur Nayka s’impose parmi la relève rap de Québec avec ce premier mini-album prometteur.

Le Montréalais Dunnï profite d’une production réglée au quart de tour qu’il cosigne avec Drama.

Le groupe de Québec Maestronautes présente un premier extrait résolument old school en vue de son projet Mode Avion, prévu pour le 1er mars.

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Le talentueux Franky Fade précise sa direction musicale avec Blessed, pièce aux influences jazzy produite par son alter-ego François Fondu.

Vendou publie un deuxième extrait de son Ep #DouxOrDie prévu pour le 25 février prochain.

Le Gatinois maxime111 s’en remet au boom bap sur Vantos, premier EP qui comporte plusieurs bonnes chansons.

Après un spécial weed et gaming, le collectif de beatmakers Tour de Manège se fait plaisir avec Special Love, ramassis de productions orchestrées par Ours Samplus, Yerly, Téhu et bien d’autres.

Baggies poursuit sa formule de chanson mensuelle avec Panama.

Quatre ans après sa parution initiale, le vidéoclip Mémétique d’Osti One, PDox et FiligraNn bénéficie d’un remix par Artmakerslab.

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Le duo Dopamine donne une deuxième vie à son album sous-estimé dark days, initialement paru l’été dernier.

Le Montréalais d’origine vancouvéroise Panther Matumona lance un clip afin de souligner le mois de l’histoire des Noirs.

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Dévoilée en primeur sur notre site, cette nouvelle chanson de GrandBuda est menée par une ligne de basse mordante et le flow intraitable du rappeur, qui critique avec une certaine intensité le profilage racial.

Le rappeur Busy Nasa donne deux aperçus dignes de mention de son projet à venir Ten Thousand Trees.

Le Lavallois DMAZ s’introduit brillamment avec l’inventif Shackle to Your Happpiness.

Mike Gauge s’allie avec Kovu The Leo sur la planante Energy.

Young Mic navigue aisément entre trap et PBR&B sur When We.

Le trio rap/soul/R&B adhoc montre l’étendue de son groove sur the heat, en collaboration avec claire ridgely.

Lou Piensa (de Nomadic Massive) se joint au rappeur et producteur brésilien Mental Abstrato sur la chaleureuse Head Lost, enregistrée à Sao Paulo.

En vedette dans cette même chronique la semaine dernière, le duo Seba et Horg dévoile le résultat de leur collaboration sur Grosso-Modo, album aux nombreuses références populaires et aux beats d’inspiration soul, jazz, funk et folk.

Un an après la sortie de son captivant album Chasser ses démons, La Carabine y va d’un clip original pour Love & Hate.

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3 shows à voir //

Grand Analog, Strange Froots, Kilojules

Le groupe hip-hop torontois Grand Analog pourra compter sur la présence énergique du trio rap féminin montréalais Strange Froots ce samedi.

Divan Orange (Montréal), 24 février (21h)

CRi (DJset)

Le producteur hip-hop Tommy Kruise accompagnera les artistes électro Ouri et CRi ce samedi à la Société des arts technologiques.

SAT (Montréal), 24 février (22h)

 

VNCE & Friends II

Le producteur de Dead Obies et directeur artistique de Make It Rain, VNCE Carter, rassemble ses amis Joe Rocca, Rowjay, Mike Shabb, Zach Zoya, Cape Tula, Maky Lavender et bien d’autres au Artgang Plaza.

Artgang Plaza (Montréal), 24 février (22h)

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