Rap local : Lost, briser la porte
Chaque semaine, cette chronique met en lumière l’oeuvre des rappeurs et des producteurs québécois les plus intéressants du moment. Au programme : entrevue, revue non-exhaustive des nouveautés de la semaine et aperçu des prochains spectacles à voir.
Entrevue //
Libéré de prison depuis quelques mois, le rappeur Lost voit grand et se prépare à fouler les planches du National, un mois à peine après avoir offert un spectacle à guichets fermés au Club Soda avec son collectif 5sang14.
«Ça a toujours été ça, notre objectif : remplir les salles dont on rêve depuis longtemps. On a fait des petits spectacles dans des bars, après on a fait des clubs et des réceptions. Et là, on remplit des Club Soda, des National, des Olympia… On a presque tout fait sauf le Centre Bell», relate le rappeur. «Je pense que c’est le résultat d’un travail de terrain qui a commencé bien avant nous. À force de frapper dans la porte, elle a fini par briser. Nous, on est juste arrivés au bon moment. On a bien fait les choses et, en quelque sorte, on a amené au rap d’ici quelque chose qui manquait.»
Avec son collectif 5sang14, qui fait du bruit depuis un peu plus de trois ans sur la scène rap montréalaise, Lost a réactualisé le street rap de la métropole, en lui amenant une couche supplémentaire de réalisme. Créé en collaboration avec son allié White-B, l’EP En noir et blanc a causé une onde de choc à sa sortie en 2016 en raison de ses textes crus et avisés. Divisée en deux chapitres, parus en 2015 et 2016, la mixtape Bonhomme pendu a également permis à Lost de se présenter comme l’un des espoirs les plus notables de la relève hip-hop québécoise.
Depuis, le rappeur de 25 ans collabore avec différents rappeurs et ne se gêne plus pour essayer de nouvelles avenues, qu’elles soient pop, afrotrap ou dancehall. «À la base, on est arrivés avec une nouvelle saveur, en phase avec ce qui se passait vraiment dans nos vies. Ensuite, on a réussi à l’amener sous plusieurs formes, en se promenant sur différents terrains. Maintenant, on peut attraper un certain public avec quelque chose de plus pop et l’amener ensuite à découvrir le reste de notre répertoire, souvent plus sombre. Chaque beat est une carte de visite. Et on croit fermement à cette idée que, quand tu accroches sur la musique d’un artiste en particulier, tu vas finir par avoir la curiosité de fouiller un peu son univers.»
Reconnu pour ses textes aussi tranchants que nuancés, le Camerounais d’origine se démarque de ses compères par sa forte capacité d’analyse et d’introspection. «Je suis l’exemple à comprendre et non celui à suivre», rappe-t-il avec lucidité sur la puissante introduction de Bonhomme pendu (chapitre 2). Malgré la puissance de sa poésie, le rappeur veut éviter d’être associé à une quelconque catégorie comme celle qu’on associe à ce genre galvaudé qu’est le rap conscient. «Les gens essaient de me faire entrer dans une case de lyriciste. J’apprécie qu’on me fasse ce compliment, mais je ne veux pas qu’on me place là, car je ne crois pas que ça me définit. Je ne fais que parler de sujets que je maîtrise et je pense que chaque personne qui rappe devait avoir cette logique et cette cohérence. Je ne crois pas qu’on doive avoir un message dans chaque chanson, mais il faut que ça ait du sens. Il faut parler de ce qu’on connait.»
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Forcément, les prochaines chansons du rappeur seront teintées par son récent passage en prison, survenu pour des raisons qu’il désire encore à ce jour garder confidentielles. Interviewé dans cette même chronique durant son incarcération en juillet 2017, Lost se disait confiant que l’inspiration viendrait même si, à ce moment, il se disait davantage concentrer à forger son mental qu’à écrire. Un an plus tard, cette longue réflexion obligatoire a porté fruit. «En prison, j’avais beaucoup de temps pour réfléchir à n’importe quoi, et c’est certain que ça m’aidé dans mon écriture maintenant. J’ai vécu quelque chose de fort et, même si je n’ai pas tiré de leçons précises, j’ai pris du recul et je suis capable de mieux analyser les situations qui m’arrivent. C’est difficile pour moi d’expliquer tout ça, car il faut vraiment que tu aies vécu une situation similaire pour la comprendre. Évidemment, je n’encourage personne à vivre ça, mais j’essaie de voir le côté positif.»
Discret sur le contenu et la date de sortie de son prochain projet, qui pourrait toutefois être son premier album solo officiel, Lost traverse une période créative pour le moins foisonnante. Appuyé par de jeunes producteurs de la métropole tels que DeuceBeatz, Ice Cream et Milly, le rappeur parlera de ses sujets de prédilection que sont «la vie, la mort et l’amour» avec un point de vue un peu plus lumineux.
«Avant, je vivais beaucoup de choses intenses, donc ma musique reflétait ça. Maintenant, la vie est plus cool, donc c’est sûr que ça va être plus cool. Je vais parler de l’importance d’ouvrir son esprit aux autres, tout en s’assurant de rester prudent et de ne pas suivre n’importe qui aveuglément. Contrairement à ce que certains pensent, je n’ai jamais voulu faire passer de message négatif à travers ma musique. Je n’ai jamais dit : ‘’allez vendre de la drogue ou allez tuer votre prochain.’’ Au contraire, j’ai fait des rapports et des constats, en expliquant aux gens ce qui m’est arrivé. Ensuite, c’est à ces gens-là de voir où ils veulent aller, de comprendre qu’ils sont peut-être en train de marcher dans la mauvaise voie. Souvent c’est en leur parlant comme ça qu’ils se remettent en question.»
LOST et invités surprises – Le National (Montréal), 20 juillet (20h)
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Nouveautés d’envergure //
FouKi se met en mode estival avec un EP léger et on ne peut plus ensoleillé. Le clip Kankan donne le ton.
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Les Anticipateurs voguent eux aussi sur des sonorités tropicales et dancehall avec Bin SmoooV.
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Le couple KenLo Craqnuques (alias KNLO) et Caro Dupont transpose son amour et sa chaleur sur une beat tape au soul et au funk proéminent, MULTIFRUITS.
Le rappeur et producteur Jay Scøtt se livre avec honnêteté sur la très accrocheuse Mourir, extrait d’un projet solo à venir sous peu.
Le Montréalais Busy Nasa présent un premier projet, qui contient de très bonnes collaborations avec FouKi, Mike Shabb, Mori$$ Regal et Kevin Na$h.
Le polyvalent et charismatique Maky Lavender flirte avec le R&B et l’électro-pop sur Keep Up.
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Quelques semaines après avoir marqué son grand retour avec un premier album en neuf ans, la rappeuse Donzelle propose un clip pour Festival.
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Épaulé par Jei Bandit à la production, JT Soul continue ses explorations trap chantonnées avec panache sur Ceilings.
Le rappeur et chanteur David Campana se joint au talentueux producteur Major sur VYB, chanson sur laquelle il questionne le paradoxe de la célébrité qu’il convoite.
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Colo se présente comme un «bad ass» de premier plan dans ce clip signé nuagefilms.
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Le jeune Montréalais Hi Money évoque ses ambitions de «hustler» dans ce clip réalisé par le toujours aussi prolifique Kevin Shayne.
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TGERambo témoigne d’une évolution certaine avec ce deuxième single/clip.
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Basses saturées et textures sinistres sont au cœur de cette nouvelle pièce de J Leaf, rappeur natif de Sainte-Thérèse.
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JFRXSHH y va d’un deuxième projet en carrière, Can’t Stop Won’t Stop.
Les 13 Salopards marquent leur retour avec RDV, un clip dans le même esprit que celui de leur pièce maîtresse Le fond du baril paru il y a quatre ans.
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Basée à Calgary, l’étiquette Inner Ocean Records fait briller plusieurs producteurs hip-hop lo-fi internationaux sur BLESS vol. 2, une deuxième compilation qui a comme but de récolter des fonds pour plusieurs programmes sociaux. Des beatmakers d’une vingtaine de pays sont ici en vedette, parmi lesquels on retrouve les Québécois Kawfee, Slumgod et Blankanvas.
Le rappeur expérimental DO, The Outcast renoue avec son flow désinvolte sur ce premier extrait d’un projet à venir.
Quatre ans après Lustre, le producteur Gloze est de retour avec Phthalo, un deuxième projet instrumental minimaliste très bien arrangé.
Le productif Bloom (figure centrale du collectif XXI) y va d’une deuxième beat tape solo en quelques mois.
3 shows à voir //
Plusieurs rappeurs québécois bien en vue seront de passage à la 9e édition du Festif! de Baie-Saint-Paul, notamment Loud, Eman X Vlooper, Rymz et Lary Kidd.
Plusieurs endroits à Baie-Saint-Paul, du 19 au 22 juillet
Après deux éditions à Montréal et Toronto, Osheaga tient son troisième Block Party estival à Gatineau avec Loud, FouKi, Shash’U, Poirier et Marie-Gold.
Place de la Cité (Gatineau), 21 juillet (15h30)
Espace de rencontre qui abrite le site du campus MIL de l’Université de Montréal, Virage campus accueillera la rappeuse et productrice montréalaise Marie-Gold le temps d’une prestation à la suite de l’émission Cabaret urbain, diffusée à CISM.
6700 avenue Durocher (Montréal), 19 juillet (20h30)
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