Mommy, de Xavier Dolan, est le grand gagnant des Jutra avec 10 trophées
Personne n’aura été surpris: c’est Mommy, le puissant film de Xavier Dolan, qui a triomphé à la Cérémonie des Jutra, remportant 10 prix (incluant le Billet d’or pour le plus grand nombre d’entrées en salles) et raflant la mise dans toutes les catégories prestigieuses: meilleur film, meilleure réalisation, meilleur scénario, meilleure actrice et meilleur acteur.
«Je voudrais dire un mot sur la richesse et la diversité du cinéma québécois qui est salué à l’international mais qui est boudé chez nous», a dit Xavier Dolan en récoltant son prix du Meilleur film. «Les réalisateurs offrent un portrait parfois sombre de notre société. Mais je ne pense pas qu’on puisse dire aux artistes quoi écrire et quoi tourner pour plaire.» Citant Dumbledore, il a ajouté: «Même dans les moments les plus sombres, il suffit d’allumer la lumière.»
Le triomphe aura été total. En plus du Jutra du meilleur film, Dolan reçoit les honneurs pour son scénario, sa réalisation et son montage, alors qu’André Turpin était récompensé pour la direction photo du film et que les acteurs Antoine Olivier Pilon (meilleur acteur), Anne Dorval (meilleure actrice), Suzanne Clément (meilleure actrice de soutien) raflaient la plupart des prix d’interprétation. Le prix du Meilleur acteur de soutien est aussi atterri dans les mains d’un comédien dirigé par Xavier Dolan: Pierre-Yves Cardinal a ainsi été honoré pour son rôle dans Tom à la ferme.
La concurrence était pourtant forte dans la catégorie Meilleure actrice de soutien, en la personne de Sandrine Bisson, brillante dans 1987 (de Ricardo Trogi, qui repart avec les prix des meilleurs costumes et meilleures coiffures ainsi que le prix de la direction artistique). Suzanne Clément a convaincu le jury avec son rôle marquant dans Mommy – un rôle plus effacé que la plupart des personnages flamboyants à laquelle l’actrice est habituée.
«Tu m’as amenée vers les étoiles» a lancé une Anne Dorval très émue à Xavier Dolan, en recevant son Jutra de meilleure actrice. La distinction est amplement méritée, tel que nous l’écrivions au moment de la sortie du film: «Dans le rôle de Diane, Anne Dorval offre une composition puissante, inventant pour son personnage de mère opiniâtre mais excentrique une diction unique et une personnalité exacerbée qui, pourtant, paraît toujours hautement naturaliste. Elle est pourtant un personnage tragique par excellence, dont la détermination ne connaît pas d’assagissement.»
Néanmoins, rappelons que la compétition était féroce: Laurence Leboeuf, notamment, aurait pu se mériter ce prix pour son incarnation très convaincante de la cycliste Geneviève Jeanson dans le film La petite reine, d’Alexis Durand-Brault.
Mommy est aussi reparti avec le prix du film s’étant le plus illustré à l’étranger et avec le Billet d’Or récompensant le film ayant fait les plus hautes recettes dans les salles québécoises. Rappelons, d’ailleurs, que Mommy a été projeté dans un très grand nombre de salles mais qu’il a été l’objet de querelles en septembre entre le distributeur et quelques propriétaires de cinéma en région qui réclamaient leur copie.
Une telle main mise de Xavier Dolan sur la plupart des prix importants n’a pas laissé beaucoup de place à ses concurrents, tels que Tu dors Nicole, de Stéphane Lafleur, qui a uniquement obtenu les prix du Meilleur son et de la Meilleure musique originale (sur 9 nominations). Scénario similaire pour 3 histoires d’Indiens, de Robert Morin, et La petite reine, d’Alexis Durand-Brault, ou encore Enemy, de Denis Villeneuve, qui sont repartis bredouille malgré leurs quelques nominations dans différentes catégories.
Le prix du meilleur documentaire échoit à Serge Giguère pour Le mystère MacPherson, un film explorant le travail de la cinéaste Martine Chartrand. Notre collaborateur Jean-Baptiste Hervé écrivait en septembre dernier que «dans une habile mise en abyme, Giguère raconte non seulement la démarche historique de Chartrand qui travaille sur l’histoire peu racontée des Noirs au Québec, mais exécute également le portrait d’une femme à la recherche du sens de sa création.» Un prix bien mérité pour Giguère, qui a semblé surpris. Il y avait également une compétition de haut niveau dans cette catégorie où figuraient également les marquants films De prison en prison, de Steve Patry, et La marche à suivre, de Jean-François Caissy.
Il y eut aussi un hommage rendu à l’aguerri André Melançon, composé de témoignages de ses collaborateurs passés et présents. Dommage qu’on n’en ait pas profité pour parler un peu de son oeuvre, dans une forme ou une autre de rétrospective. L’homme de cinéma et de théâtre a pris la parole et rappelé les jalons historiques du cinéma québécois, soulignant aussi l’importance de l’ONF dans le paysage cinématographique. «Longue vie à la Cinémathèque», a-t-il ajouté, faisant indirectement référence à l’avenir incertain de l’organisme, qui réfléchit en ce moment à un arrimage avec la Grande bibliothèque. L’hommage s’est achevé dans une bagarre de boules de neige avec le public: un rappel du film culte La guerre des tuques. Très charmante idée.
Animé par Pénélope McQuade et Stéphane Bellavance, le gala a profité d’une mise en scène soignée et de numéros très écrits et plutôt ludiques, s’écartant de la formule monologuée pour oser des mises en situation, avec abondances de références aux films de l’année 2014. Tout cela était très bon enfant et le gala n’aurait pas souffert de quelques pointes supplémentaires d’insolence ou de répartie incisive, mais l’ensemble était rythmé et généralement efficace.
Le numéro où le duo d’animateurs dialogue en empruntant des répliques cinglantes aux personnages vus dans les films en nomination, était plutôt bien tourné, drôle, et résultant visiblement d’un solide travail de recherche. À vrai dire, il aurait fait bonne figure comme numéro d’ouverture, au lieu de la série de monologues complaisants et compassionnels qui furent servis en entrée de jeu.
Je partage entièrement les propos de Xavier Dolan concernant les Québécois qui boudent le cinéma québécois car c’est ainsi que se perdra notre culture, notre identité, notre mémoire….donc, la nôtre et la vôtre. Dommage qu’on ait pas l’intégrité du texte.
Quand serons-nous vraiment fiers d’être Québécois?
Même à 85 ans, j’ai regardé jusqu’à la fin. J’ai reconnu ans l’assistance plusieurs comédiens que nous voyons tous les jours à la Télé. Plus facile d’accès que le cinéma à mesure que je «rajeunis»!!!
Un désir: combien j’aimerais recevoir – et pouvoir le lire aux mamans que je connais – le sublime et tellement émouvant texte de l’incomparable artiste Anne Dorval. J’ai pleuré avec elle. Et, si elle me le permets, j’en ferai un hommage à toutes les mamans de mes réseaux pour la prochaine Fêtes des mères. J’irai même le déposer sur la pierre tombale familiale en hommage à ma mère, décédée en 1968, mère de 12 enfants en 16 ans.
Merci avec bisous et câlins!
Que dire sauf… C’est dans des moments comme ceux-ci que je suis fier d’être québécois. BRAVO À TOUS!