Rap local : Jei Bandit, vaincre ses démons
Chaque semaine, cette chronique met en lumière l’oeuvre des rappeurs et des producteurs québécois les plus intéressants du moment. Au programme : entrevue, bons coups de la semaine et aperçu des prochains spectacles à voir.
Olivier Boisvert-Magnen
Photo : Jei Bandit (Crédit : Didié)
Entrevue //
Toujours aussi inspiré, le rappeur et producteur lavallois Jei Bandit propose Sunchild, un sixième EP solo dans lequel il se confie sur ses tourments et ses peurs, mais aussi sur ses désirs et ses espoirs.
Malgré ses thèmes relativement sombres, Sunchild semble plus lumineux que son prédécesseur Badmind, paru en novembre dernier. As-tu conçu ce mini-album en réaction à l’autre?
Je voulais ensoleiller les choses. Dans Badmind, je me demandais constamment où était ma place dans ce monde, tandis que là, c’est un peu plus accessible, ça bouge plus. L’inspiration pour cet EP remonte à 2014, à l’époque où tout le monde m’appelait «sunchild», l’enfant-soleil. J’avais toujours une énergie très positive, et les gens aimaient beaucoup mon vibe. Ensuite, je suis tombé dans une période plus sombre, mais là, je voulais retourner à mon énergie d’avant.
On retrouve toutefois des chansons comme Demons et Hurt, qui rappellent ta «période plus sombre»…
Yeah, j’avoue que les paroles, they can be really dark sometimes. En fait, je ne vais pas mentir : je ne suis pas 100% positif dans la vie. Je crois que la vie est une balance entre le négatif et le positif. Il y a donc un processus dans l’album. Au début, sur Eye Shift, je deviens conscient que j’ai des choses à régler. Ensuite, c’est la première étape avec Help, car j’admets que j’ai besoin d’aide. Plus loin, sur Demons, je parle d’à quel point la phobie des aliens que j’avais quand j’étais petit s’est transformée au fil des années. Mes démons ont changé, mais ils reviennent encore me hanter dans mes rêves. Comme avec les aliens, j’ai peur qu’ils viennent me kidnapper un soir et qu’ils m’emportent à tout jamais. Sur Hurt, je parle de mes problèmes directement. Je les pointe pour mieux m’en débarrasser. Enfin, sur Core, je suis conscient que je dois me ressaisir, que je dois me recentrer. C’est une chanson puissante, une vague d’espoir.
[youtube]ar_4bdgOcXw[/youtube]
Musicalement, comment vois-tu ton évolution depuis tes débuts, il y a cinq ans?
J’ai trouvé ce que j’aime faire, et Badmind et Sunchild symbolisent très bien cette évolution. J’expérimente un peu plus qu’avant, mais je sais davantage comment packager mes trucs. Un bon exemple, c’est le rythme house de Demons. Je n’aurais jamais osé faire ça avant, mais je trouve que ça fittait bien dans Sunchild, car ça accompagne bien un soleil qui se couche.
Tu prépares quoi prochainement?
Je travaille sur un EP avec jamvvis, octn et le producteur suédois oscr, qui paraîtra bientôt sous Gold Prospector, un label de Montpellier. Sinon, mon prochain projet solo sortira dans un bout. Il va combiner tous les éléments que j’ai aimés de mes six EPs. Le défi sera de trouver un son unique, comme un blueprint de qui est Jei Bandit. À long terme, je veux aussi me lancer dans d’autres mediums artistiques, comme la BD et l’animation. Ce sera probablement la fin du «Jei Bandit era». Je ne veux pas abandonner la musique, mais je veux évoluer. Basically, je veux faire un shit à la Gorillaz, qui réunirait toutes mes passions.
En spectacle dans le cadre des Résidences 4436 – Quai des brumes (Montréal), 16 mai (21h30)
La nouvelle de la semaine //
Les fans attendaient cette nouvelle depuis des années : l’inauguration d’une chaîne de radio entièrement consacrée au rap québécois. Si certains osaient rêver d’une chaîne diffusée sur les précieuses ondes hertziennes, c’est finalement sur le web que leur rêve devient réalité. Lancée ce lundi par iHeart Radio, Rap Keb propose une playlist d’environ 600 chansons pigées ici et là dans les deux dernières décennies de notre vaste répertoire hip-hop local (et en partie érigée par votre humble serviteur). Un spectacle de lancement officiel aura lieu cet été.
Le projet de la semaine //
La palme hebdomadaire va au deuxième album solo de FouKi. Une fois de plus produit par QuietMike, qui livre quelques-unes de ses meilleures compositions, ZayZay sera sans aucun doute l’une des trames sonores de l’été au Québec. Ponctué de plusieurs hits assurés (Néfertiti, S.P.A.L.A.), l’opus de 18 chansons aurait toutefois gagné à être un peu plus concis. Signant ici son septième projet en moins de trois ans, le rappeur de 22 ans a de la difficulté à renouveler ses thématiques et, donc, à donner une nouvel élan créatif à son approche. Parions toutefois que sa vivacité et sa grande curiosité l’amèneront à évoluer de façon plus marquée lors des prochaines parutions.
Au passage, mentions honorables au frappant 5/5 de 5sang14, à l’incisif The Treachery of Images de GrandBuda et à ce très intrigant deuxième EP du Montréalais smiling boy, sur lequel il s’approprie avec originalité les codes du emo rap.
La chanson de la semaine //
Connu grâce aux carrières solos de ses cinq membres, le collectif 5sang14 vise dans le mille avec PLG, chanson d’ouverture de son premier EP 5/5. Menée par le tandem MB et White-B, qui se renvoient la balle avec précision et efficacité dans le refrain, la pièce compte aussi sur un habile couplet de Lost.
[youtube]b6_ZgQBXSc0[/youtube]
L’instru de la semaine //
Sur son nouvel album instrumental genseq, le Montréalais radj renoue avec sa signature organique au croisement du hip-hop lo-fi, du downtempo et du trip-hop. Obraz est un bon exemple de l’ingéniosité de ce beatmaker, actif depuis 2012.
Le maître du sample-based beat québécois Nicholas Craven rapplique avec Artisanal Hip-Hop, beat tape soul rap notamment marquée par l’excellente Splinters.
Le clip de la semaine //
Réalisé par Will Fradette, le plus récent clip de Loud compense son manque d’originalité par son montage fougueux et sa réalisation très efficace.
[youtube]Oaz4-YLLaoE[/youtube]
Les spectacles à voir //
Le maître du rap belge Damso s’amène au Québec, et c’est le rappeur montréalais Lost qui assurera sa première partie à Laval.
Le 10 mai à 20h
Place Bell (Laval)
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Le 11 mai
Dagobert Nightclub (Québec)
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FouKi présente les pièces de son deuxième album ZayZay. Kirouac & Kodakludo ainsi que Jay Scøtt ouvriront la soirée.
Le 11 mai à 20h
Club Soda (Montréal)
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Présenté dans le cadre du festival Vue sur la relève, ce spectacle mettra de l’avant Vendou (de L’Amalgame) avec, à ses côtés, Bkay (de LaF).
Le 9 mai à 20h
Le Ministère (Montréal)
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