Loud : tout ça pour lui
À quelques jours de marquer l’histoire en tant que premier rappeur québécois à remplir le Centre Bell, Loud fait le point sur Tout ça pour ça, un deuxième album solo où il réfléchit à ce qu’il a accompli dans les deux dernières années.
«J’n’ai plus de haine pour mes ennemis / J’suis plus le même depuis que j’aime la vie», lance le rappeur montréalais sur Sans faire d’histoire, pièce qui ouvre ce nouvel opus à paraître la semaine prochaine sous Joy Ride Records.
S’il nous a habitués à des récits en demi-teinte sur New Phone et Une année record, son premier EP et son premier album parus à six mois d’intervalle en 2017, Loud se fait particulièrement enthousiaste et hédoniste cette fois. Celui qui clame avoir «passé [sa] vie à pas vouloir avoir la vie de [son] père» (sur Jamais de la vie) est plus que jamais conscient des étapes qu’il a franchies dernièrement. De Tout le monde en parle à La Voix, de CISM à Rouge, de l’ADISQ aux Junos, le jeune trentenaire a su rejoindre un large public, sans se faire complètement bouder par ses fans de la première heure. Constamment en croissance, son public s’étend maintenant jusqu’en France et en Belgique, là où il a fait plus de 50 spectacles en quelques mois pour un total de 10 000 billets vendus.
Du jamais vu sur la scène rap d’ici. Et son Félix de l’artiste québécois s’étant le plus illustré hors Québec est là pour lui rappeler son exploit.
Mais, malgré tout, Loud n’est pas dupe. Heureux et fier, mais pas dupe. Aussi convoité soit-il, le succès vient avec son lot de contrecoups. «Quinze ans plus tard, I made it / But success is overrated, ain’t it? / Yes, ça marche en principe, mais j’dois marcher sur mes principes», déballe-t-il sur Off The Grid, mémorable duo avec son complice de toujours Lary Kidd.
De là, probablement, le titre Tout ça pour ça – à prendre de façon textuelle, sans point d’interrogation, d’exclamation ou de suspension, comme il le souligne. «C’est pas parce que mes choses fonctionnent bien que je dois faire un album qui parle juste de célébration, explique-t-il. La fête, elle est venue tout de suite après le succès qu’on a eu l’an dernier, juste après Tout le monde en parle et la percée radio. Après ça, je suis retombé sur terre. Je me suis rendu compte que j’avais jamais assez de temps pour moi. C’est le fun de ne pas avoir de boss, mais ça épuise aussi. Malgré tout, ça serait ridicule que je me victimise là-dedans. Je vis quelque chose de très nice, j’ai la meilleure job au monde…. Mais y’a des moments où c’est plus lourd. Et j’avais envie d’en parler.»
Le succès ne semble pas avoir changé Loud. À la fois ambitieux et terre-à-terre, il a su sortir de sa carapace au bon moment et profiter des nombreuses opportunités qui se sont présentées à lui. En entrevue comme sur les réseaux sociaux, il est resté réservé, sobre et, la plupart du temps, modeste. «Si t’es flashy dans ta personnalité, tu peux te permettre de jouer une game en public, de dévoiler plein de trucs sur toi, mais si au contraire, t’es pas comme ça, ça sert à rien d’essayer. Tu vas t’épuiser à force de trop vouloir en faire, et ça aura pas l’air naturel. Personnellement, j’aime beaucoup les artistes mystérieux qui en disent pas trop sur eux, comme PNL ou The Weeknd.»
Fidèle en amitié et en affaires, l’artiste s’est entouré de son équipe habituelle : les producteurs, compositeurs et arrangeurs Ruffsound et Ajust ainsi que le réalisateur et photographe William Fradette. Solitaire, il a toutefois choisi de s’isoler en studio pour l’écriture et l’enregistrement des chansons, comme il l’avait fait pour Une année record.
«Rien n’a changé là-dessus, j’ai besoin d’être seul pour enregistrer. Mais je suis un peu plus tight avec Ruffsound et Ajust. Avant, ils prenaient pas mal ce que je leur envoyais et ils acceptaient ça, mais maintenant, ils sont plus impliqués. On prend plus le temps de gosser s’il y’a quelque chose qui fonctionne pas. On a remarqué des imperfections sur nos premiers projets. Pas des trucs que l’auditeur remarque, mais des trucs que nous, on entend et qu’on ne veut plus laisser passer.»
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Bref, la machine est bien huilée, et les gars savent davantage ce qu’ils veulent. L’énorme succès de Toutes les femmes savent danser, première chanson rap québécoise à atteindre le sommet du palmarès BDS (une compilation des titres les plus populaires en radio, recensée par l’ADISQ), a en partie teinté la création de ce deuxième album, qui contient son lot de hits radio potentiels. «Ça aurait été vraiment nul de se dire : ‘’Bon maintenant qu’on a réussi ça, on retourne jouer aux Katacombes!’’», ironise-t-il. «Mais, avec le recul, je crois pas que cet album-là soit plus pop que l’autre. Y’a une toune qui l’est assurément, Jamais de la vie, mais sinon, même Fallait y aller qu’on vient de soumettre à la radio contient quand même deux gros verses de rap. L’esprit général est plus rap aussi… Je parle quand même de Roc-A-Fella et de Murder Inc. dans le texte.»
Et jusqu’à maintenant, la technique semble fonctionner. Après avoir amadoué les directeurs musicaux avec une bombe hip-hop suivant la tendance dancehall des deux dernières années, le rappeur se dévoile sur les ondes commerciales avec une chanson plus rappée que chantée. Entre les deux, Koriass a aussi donné un bon coup de pied dans la porte avec Cinq à sept.
Mais la stratégie s’arrête là pour Loud. Loin d’avoir «marché sur ses principes» pour jouer à CKOI, il se considère lui-même comme un adepte de pop urbaine. Dernièrement, Khalid et Zayn Malik ont fait partie de ces coups de cœur, à l’instar de The Weeknd et Drake quelques années auparavant. «J’aime ce qui est pop et catchy, mais pas cheap. Personnellement, je trouve ça parfois difficile d’écouter la radio, car c’est insoutenable. Mais, à quelques occasions, j’entends un jam qui est le parfait blend pour moi.»
Marchant main dans la main depuis le début de la décennie, la pop et le rap chevauchent bien souvent les mêmes codes, les mêmes sonorités, la même esthétique. Musique la plus consommée aux États-Unis (selon le rapport de fin d’année 2017 de Nielsen Music), le rap prend maintenant la place qui lui revient chez nous. Dans toute cette histoire, Loud arrive à point nommé avec un son accessible et une attitude sympathique, qui fait consensus. Même s’il ne cherche pas la célébrité à proprement dit, le rappeur profite avec joie de la popularité qu’il a si longtemps souhaitée à travers ses textes. «On s’entend que le but là-dedans, c’est de pouvoir prendre sa retraite à 40 ans», dit-il sérieusement, mais avec un sourire en coin. «En quelque sorte, le fait que mes choses fonctionnent, ça peut être un gage de crédibilité et de qualité pour plusieurs. Et plus tes affaires marchent, plus t’as de liberté à tous les niveaux.»
C’est cette liberté dûment acquise qui lui permet maintenant de réaliser cet exploit peu banal de fouler les planches du Centre Bell. Plus fébrile que stressé à l’aube de ses deux plus importants spectacles à vie, Loud regarde déjà vers l’avant, tout particulièrement vers le marché français, qu’il compte développer davantage dans la prochaine année. «C’est plutôt bien parti là-bas, mais le plafond est super haut et difficile à atteindre, donc on a encore beaucoup de travail à faire. Ici, c’est différent. On a parfois l’impression de pousser le plafond et de le replacer chaque fois», image-t-il. «Après le Centre Bell, il va pas mal juste nous rester la scène U2 360° à l’Hippodrome.»
Tout ça pour ça
disponible le 24 mai
En spectacle
les 31 mai (COMPLET) et 1er juin
au Centre Bell (Montréal)
Consultez cet événement dans notre calendrier
le 25 mai
au Cabaret des amants (Saint-Georges)
le 1er juillet
au Festivoix (Trois-Rivières)
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