Rap local : Backxwash, la colère comme thérapie
Musique

Rap local : Backxwash, la colère comme thérapie

Chaque semaine, cette chronique met en lumière l’oeuvre des rappeurs et des producteurs québécois les plus intéressants du moment. Au programme : entrevue, bons coups de la semaine et aperçu des prochains spectacles à voir.

Entrevue //

Huit mois après Black Sailor Moon, une prometteuse entrée en matière, la rappeuse et productrice montréalaise Backxwash lève le voile sur Deviancy, un deuxième projet à l’esthétique encore plus virulente.

Tu es native du Zambie et tu es l’une des rares rappeuses queer à évoluer au Québec. Qu’est-ce qui t’a éveillée au rap à la base?

Lorsque j’étais au Zambie, ma sœur m’a fait découvrir la chanson Mo Money Mo Problems, et j’ai été époustouflée par ce que j’ai entendu, principalement le couplet de Mase. Ils avaient l’air si cool dans le clip, et je me demandais ardemment ce qu’ils faisaient. J’avais l’impression qu’ils parlaient plus qu’ils ne chantaient. C’est là qu’on m’a dit que ce que j’écoutais était du hip-hop… Et je suis tombée en amour depuis. Étant plutôt malheureuse quand j’étais petite, le hip-hop était le medium idéal pour canaliser mes émotions. Je n’avais ni producteur ni argent pour acheter des beats, donc j’ai tout appris moi-même avec FL Studio 3. J’ai pris ça beaucoup plus au sérieux lorsque je suis arrivée à Montréal, car au même moment, je découvrais des choses sur moi-même. Des choses qui avaient une résonance avec la musique et qui m’ont ouvert les yeux sur la politique.

Ton deuxième projet Deviancy arrive aujourd’hui. Comment le décrirais-tu?

Deviancy englobe essentiellement tout ce qui est important pour moi : la sorcellerie, l’identité de genre, le fait de lutter contre les oppresseurs et de ne jamais s’en excuser… C’est abrasif et parfois vulnérable, mais toujours honnête.

Les deux premiers extraits de l’album, Don’t Come to the Woods et Devil in a Moshpit, ont une signature caustique assez prononcée, notamment grâce à leurs influences rock. Es-tu une fan de nu-metal? Sinon, quelles sont tes influences?

J’adorais le nu-metal plus jeune! C’était l’un de mes genres préférés! Autrement, dans mes influences il y a aussi Quay Dash, Missy Elliot, Redman et Zack de la Rocha. The Lady of Rage est également une inspiration majeure pour moi, tout comme plusieurs groupes du mouvement riot grrl. Jpegmafia et Death Grips entrent également dans ce ramassis d’influences.

Tu te qualifies souvent de rappeuse fâchée. Qu’est-ce qui anime cette colère?

Quand j’écris des chansons, je remarque moi aussi que beaucoup de mes paroles sont teintées d’une certaine agressivité. En fait, je pense que la musique me permet de canaliser des sentiments et des émotions. Oui, je pourrais être triste à propos de tout ce qui m’est arrivé, mais je préfère la colère. C’est vraiment une approche thérapeutique.

Tu donneras plusieurs spectacles dans les prochaines semaines. À quoi ressemble ta proposition live?

C’est un mélange de trois choses : de l’énergie, des projections visuelles et moi qui essaie de ne pas être trop nerveuse sur scène. C’est un beau désastre!

A Very Deviant Pride: Backxwash · Chârogne · La Fièvre et plus! – La Sotterenea (Montréal), 12 juillet (21h)

Tommy Wright III · Faze · Backxwash · DJ Dilbert – La Sala Rossa (Montréal), 18 juillet (21h)

⏅ SB The Moor ⏅ Backxwash ⏅ Tshizimba ⏅ HODA – La Sala Rossa (Montréal), 27 juillet (21h)

Hot Tramp Fest:Backxwash /Maryze /Shades Lawrence /L.A.Foster – Club social Le Scaphandre (Montréal), 30 août (19h)


La nouvelle de la semaine //

C’est une histoire assez désolante qui a fait jaser la scène rap québécoise cette semaine. Tête d’affiche d’un spectacle à Val-d’Or visant à recueillir des fonds pour un jeune garçon atteint de leucémie, Souldia a dû annuler sa présence en raison des importants conflits qui minaient l’organisation du concert. Dans un reportage publié par TVA Abitibi, on apprend que la boutique Goldrush (qui co-organisait le spectacle) aurait changé son fusil d’épaule en cours de route, en manifestant son intention de remettre les profits du concert à l’organisme Leucan plutôt que directement à la famille du bambin, comme le contrat initial le présupposait. Devant un tel tollé, les organisateurs ont choisi d’annuler le concert, initialement prévu le 20 juillet au Club des aînés de la Vallée de l’or. Bref, tout un désastre.


Le projet de la semaine //

Sans surprise, c’est le deuxième projet de Backxwash qui retient notre attention. Totalement en contrôle de sa proposition rap acrimonieuse, qui n’est pas sans rappeler certains des meilleurs moments de Death Grips, la rappeuse et productrice montréalaise d’origine zambienne brasse la cabane du hip-hop québécois avec sa verve redoutable, souvent agressive, et ses thématiques sociales actuelles, qui amènent un vent de fraîcheur à notre scène musicale.

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Dans un style fort différent, on doit souligner l’énorme travail derrière le premier album complet du producteur J.u.D., qui lie trap, dream pop, électro et R&B avec fluidité et sensibilité. Si certaines des collaborations manquent vraisemblablement de chimie et de force mélodique, le résultat général, lui, demeure singulier. Aucun artiste ne joue dans les mêmes plates-bandes que J.u.D. à Montréal, et c’est tout à son honneur.

Mention aussi au deuxième projet de Jessy Benjamin alias Seinssucrer. Avec ORLANDOBROWNPT.2, le rappeur et producteur montréalais (dont la voix rappelle parfois celle de Joe Rocca) s’aligne avec les codes du Soundcloud rap américain, tout en faisant preuve d’une créativité assez impressionnante par moments. À surveiller.


La chanson de la semaine //

Encore une fois, c’est Backxwash qui se démarque – cette fois avec l’impitoyable Devil in a Moshpit. S’inspirant du courant nu-metal, la rappeuse trans y dévoile une signature fort originale, qu’avait défrichée en partie Nate Husser sur Geto Rock for the Youth à la fin 2017.

Trois chansons sont également dignes de mention : l’accrocheuse Pretty Necklace de la chanteuse et rappeuse Laraw, l’aérienne Billy Ocean du quatuor Ragers et la vaporeuse Peter Molyneux de Jules G., qui marque son retour au micro après plus de sept ans d’absence.

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L’instru de la semaine //

Formé de Thomas B. Martin et Antoine Bordeleau (notre collègue au VOIR), le duo Boskorgï met la table pour son premier album Jazz Pranksters avec Arcturus, l’un des deux premiers extraits lancés il y a une semaine. Dans un style lo-fi rondement peaufiné, les deux multi-instrumentistes témoignent ici de leur bagage musical, où se croisent soul, jazz et hip-hop expérimental.


Le clip de la semaine //

Le duo Agua Negra donne un deuxième aperçu de son prochain album Aguacero, prévu pour cet automne. Réalisé par Cotola, l’un des deux membres de la formation, Sin Mirar Atras est une incursion vive et colorée dans la ville de Monterrey au Mexique.

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Les spectacles à voir //


Tommy Kruise

Le producteur Tommy Kruise sera accompagné de GrandBuda et de Nimbus2k lors de cette soirée.

Le 13 juillet à 22h
Madame Lee (Montréal)


White-B showcase

La sensation White-B (du collectif 5sang14) sera sur la Rive-Nord.

Le 13 juillet (22h)
La P’tite Grenouille (Saint-Jérôme)


Festival d’été de Québec

Grosse soirée à prévoir ce samedi au FEQ avec plusieurs des artistes les plus en vue du hip-hop québécois, qui se succéderont à la Place George-V. On pourra y voir Vincent Biliwald, D-Track, Robert Nelson, Sans Pression, Naya Ali, Koriass et Loud.

Le 13 juillet (dès 15h)
Scène Loto-Québec de la Place George-V (Québec)

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