Rap local : THe LYONZ, les nouveaux protégés de K.Maro
Formé du producteur Salvo et du rappeur Norrin, le duo montréalais THe LYONZ réédite son impressionnant deuxième album 2nd U (Part 1) sous E47 Records, étiquette parisienne fondée et dirigée par Cyril Kamar (alias K.Maro).
Chaque semaine, cette chronique met en lumière l’oeuvre des rappeurs et des producteurs québécois les plus intéressants du moment. Au programme : entrevue, bons coups de la semaine et aperçu des prochains spectacles à voir.
Entrevue //
VOIR : 2nd U (Part 1) est d’abord paru à l’automne 2018. À l’époque, on l’avait d’ailleurs inclus dans notre top 50 des meilleurs projets de l’année. Pourquoi avoir choisi de l’enlever de la toile et de le publier à nouveau?
Norrin : C’est E47 qui désirait qu’on ressorte l’album en bonne et due forme afin de le pousser vers un plus large public. C’est exactement le même album, mais avec une équipe professionnelle derrière nous pour le lancer.
Comment cette curieuse alliance avec K.Maro a-t-elle pris forme?
Norrin : Je crois que tout ça s’est amorcé en 2017. Je travaillais au Joe Beef, et il y a un A&R de E47, Nacim Z., qui est venu manger au resto. À la fin de son repas, on s’est mis à parler, et je lui ai dit que je faisais de la musique. Il m’a demandé de mettre des chansons dans le restaurant et il a vraiment aimé mon vibe. Environ deux ans plus tard, il m’a retrouvé sur internet et m’a demandé de venir en studio à Paris pour une semaine. C’est là que je lui ai parlé davantage de mon projet THe LYONZ. Il nous a fait une offre assez rapidement.
C’est un peu surprenant, non? Votre style de rap est assez expérimental, tandis que les projets de l’étiquette de K.Maro sont généralement réputés pour leur saveur pop ou R&B…
Norrin : Oui et c’est exactement ce paradoxe qu’on aime. Cyril nous donne vraiment carte blanche pour la créativité. Il ne nous dit jamais quoi faire. On peut se permettre d’aller dans les zones les plus bizarres… Même qu’il adore les trucs weird!
Au-delà de cette rencontre pour le moins inusitée, parlez-moi un peu de vous. Votre premier album, Peace Beyond the Pines, date de 2015, mais sinon, on a peu d’infos sur votre parcours. Comment l’aventure THe LYONZ a-t-elle commencé?
Norrin : On a commencé dans un groupe qui s’appelait Big Dreams en 2010, quand on était encore au secondaire. C’était vraiment plus pop que ce qu’on fait maintenant. Salvo était notre DJ et, après quelque temps, on a commencé à développer une chimie tous les deux, car on s’intéressait aux mêmes sons. THe LYONZ a été créé comme ça, en 2013.
Salvo : Les deux, on aimait beaucoup le hip-hop, mais aussi le house, le reggae et le jazz. On passait autant des soirées dans des club à danser que d’autres soirées à regarder des shows indie dans des bars. On a un goût similaire pour tout ce qui est original.
Norrin : On aime aussi beaucoup les trucs old school, les rappeurs avec des paroles vraiment intéressantes comme Slum Village, Pharcyde ou OutKast.
D’ailleurs, tes paroles, Norrin, sont assez poussées. Ta poésie est généralement abstraite et tes thématiques, assez sombres. Tu y parles notamment de solitude et de relations problématiques. Qu’est-ce qui t’inspire dans ton écriture?
Norrin : Les bons films. Ceux qui me font réfléchir très longtemps, notamment The Shining. Après avoir vu ça, je me sentais plus bizarre que jamais, et ça m’a ouvert l’esprit. C’est comme si, d’un seul coup, je pouvais écrire à propos de n’importe quoi, autant des trucs près de moi que des trucs complètement fucked up. J’aime cette idée d’écrire des textes simples avec des courbes étranges dedans. Et ce n’est qu’un début. Hier, j’ai vu The Lighthouse et j’ai tout de suite su que j’allais approcher mes textes de manière encore plus folle. Je veux pousser mes réflexions dans des zones très étranges.
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Tes compositions, Salvo, appuient plutôt bien l’ambiance étrange des paroles de Norrin. On sent que vous avez voulu déstabiliser l’auditeur en explorant beaucoup de zones différentes. Y’avait-il un mot d’ordre pour la direction musicale?
Salvo : On voulait vraiment se permettre n’importe quoi, sans se restreindre à des sons en particulier. C’est pour ça qu’on retrouve autant des beats downtempo comme Jump to Jupiter que des trucs up-beat avec une instrumentation live comme sur What I Once Knew, I Know Now. On voulait tout essayer.
À défaut d’avoir un son précis, on sait toutefois que vous n’avez pas une attirance particulière pour le trap, genre encore très à la mode sur la scène rap montréalaise. Vous sentez-vous parfois à part de ce qui se fait ici?
Norrin : Je pense qu’on est inclus dans la scène, mais qu’on est vu comme une entité différente, qui fait ses trucs dans son coin. On a des amis dans les scènes rap, rock, reggae, house. On aime chiller avec tout le monde. C’est vraiment ça, notre vibe. Et c’est ce qui nous permet d’explorer autant dans notre musique, je crois.
À quoi peut-on s’attendre pour la suite des choses? Est-ce qu’on va encore attendre cinq ans avant le prochain projet?
Salvo : Non, ça ne prendra pas autant de temps! On a déjà commencé à enregistrer le troisième album dans le studio de K.Maro à Paris. On a été s’installer là-bas trois mois à l’automne dernier. On prévoit le sortir cette année.
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La nouvelle de la semaine //
Une belle vitrine s’ajoute pour les rappeurs d’ici. Soulignant chaque année le travail d’un artiste de la relève dans quatre genres bien distincts (jazz, classique, musique du monde et chanson), le programme des Révélations Radio-Canada sera doté d’un volet rap pour sa cuvée 2020-2021. À l’image des quatre autres, ce cinquième pan du programme radio-canadien donnera à un artiste «au potentiel musical extrêmement prometteur» une vitrine de rayonnement importante sur ses ondes. L’appel des candidatures auprès de professionnels de l’industrie s’est amorcé le 16 janvier à travers le pays, et ce sera à Radio-Canada ainsi qu’un jury d’experts dans chacune des catégories que reviendra la tâche de procéder au choix final des Révélations 2020-2021, qui seront dévoilées le 13 mai. L’an dernier, c’est Vincent Roberge alias Les Louanges qui a été choisi comme Révélation dans la catégorie «chanson». Gageons que son mélange de soul, de jazz et de hip-hop a probablement contribué à l’implantation d’une nouvelle catégorie rap.
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Le projet de la semaine //
Petite Papa amorce 2020 en grand avec Fraîche Heure. Formé du beatmaker Kèthe Magané, de la jeune rappeuse Calamine et du jeune vétéran Sam Faye, le tout nouveau trio y présente cinq pièces au groove prenant et aux rimes efficaces, le tout dans une ambiance joviale à la bonne humeur contagieuse. Encore embryonnaire, la complicité entre Faye et Calamine s’annonce plus que prometteuse. Lancement jeudi prochain au Quai des brumes.
Mentions à deux autres projets honorables : l’EP trap soul Redbird du rappeur Kone et du producteur Beau Geste ainsi que la 98 TAPE du Montréalais ELMNT, une habile incursion sur la côte Est américaine des 90s.
La chanson de la semaine //
Après avoir librement exploré les possibilités de l’Auto-Tune et les codes du trap sur ses deux EPs god et EM0G0D, respectivement parus en 2017 et 2018, le rappeur, chanteur, producteur et multi-instrumentiste Jay Scøtt revient à l’essentiel avec Copilote, une chanson folk rap qui donne le ton à une série de pièces acoustiques qui se poursuivra tout au long de l’année. Doté d’un flow souple, voire élastique, l’artiste originaire de Mascouche s’amuse à sa guise avec les mots et livre un texte très intime à propos d’une ancienne relation amoureuse.
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Deux autres pièces méritent une mention : la soul lo-fi Easy Food du rappeur Doctor J avec le producteur Nicholas Craven, premier extrait de l’album Gourmet Raps, et la bombe trap Pause de VT, qui signe ici un fracassant retour sur la scène rap après une incarcération de quelques mois.
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L’instru de la semaine //
Sur Flaunt, le producteur blainvillois Da-P offre une composition trap indolente aux lueurs jazzy à Mick Jenkins, rappeur de Chicago qui impressionne une fois de plus avec son flow modulable.
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Le clip de la semaine //
Dezzedin signe un clip quelque peu statique, mais esthétiquement irréprochable pour Eyes On Me, nouvelle pièce audacieuse de la rappeuse et chanteuse Meryem Saci mélangeant R&B, trap et sonorités arabes.
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LES SPECTACLES À VOIR //
☼ Sydanie • Mini Massive (Nomadic Massive) • Sarahmée ☼
La Torontoise Sydanie sera de passage au festival Lux Magna dans le cadre d’un spectacle mettant aussi en vedette Mini Massive (une formule trio du supergroupe Nomadic Massive) et Sarahmée.
La Sala Rossa (Montréal), 22 janvier (20h)
L’infatigable Souldia repart 2020 en lion avec un spectacle à Gatineau aux côtés de sa nouvelle alliée inséparable Naya Ali et du rappeur gatinois Frank Bozko.
Le Minotaure (Gatineau), 18 janvier (20h)
La Brown Family et Eman (deux artistes qui ont réussi à se tailler une place enviable dans notre top 50 des projets hip-hop de 2019) seront de passage à Gatineau pour le spectacle de la rentrée de l’association étudiante de l’Université du Québec en Outaouais.
Le Tonik (Gatineau), 17 janvier (20h)
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