Le Québec à Mons: des pays si loin et si proches
Scène

Le Québec à Mons: des pays si loin et si proches

C’est parti: la Maison Folie accueille à Mons 80 artistes québécois ces jours-ci dans le cadre de Mons capitale culturelle européenne 2015. Une célébration du talent québécois pour un public wallon mais aussi une occasion d’échanges entre deux peuples qui se ressemblent. VOIR est sur place pour tâter le pouls.

Sur la scène théâtrale, l’automne 2015 aura été fertile en croisements entre le Québec et la Belgique, territoires à la fois si loin et si proches. Après que Montréal ait accueilli de nombreux Wallons lors l’événement Dramaturgies en dialogue et dans le spectacle d’ouverture du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui (Après la peur), au tour de la Belgique de jouer à la bonne hôtesse avec ses cousins québécois.

Il y eut préliminaires au Rideau de Bruxelles la semaine dernière sous la forme de mises en lecture de textes d’Annick Lefebvre (J’accuse), de Guillaume Corbeil (Cinq visages pour Camille Brunelle) et d’Olivier Sylvestre (La disparition de l’homme). Mais c’est à Mons, capitale culturelle européenne 2015, que se joue l’acte principal. Dans cette charmante petite ville située à 60 kilomètres de Bruxelles sont présentés gratuitement des spectacles d’Etienne Lepage et Frédérick Gravel (Ainsi parlait), de la compagnie L’eau du bain (Impatience), ou de la nouvelle coqueluche Félix-Antoine Boutin (Orphée

Jasmine Catudal
Jasmine Catudal

 Karaoké), et des iconoclastes artistes du Bureau de l’APA (La jeune fille et la mort). C’est Jasmine Catudal, grande orchestratrice du OFFTA, qui a été chargée du programme et qui accompagne les troupes avec son fidèle bras-droit Vincent de Repentigny. On a croisé ces deux-là, bière à la main, pas loin d’une installation de Max-Otto Fauteux qui transforme le parterre de la Maison Folie en forêt enneigée. Fatigués mais heureux, ils tiendront le fort jusqu’au 27 septembre.

Leur première bonne idée? Demander à Olivier Choinière de redéployer son Abécédaire des mots en perte de sens dans une version québéco-wallonne, distribuant 26 mots à une toute nouvelle brochette d’auteurs: des Québécois et des Belges croisant le fer dans un spectacle épistolaire tour à tour touchant et indigné. Dans ce spectacle-concept, chacun lit sa lettre à une personnalité publique au sujet d’un mot édulcoré par l’usage ou par le jeu politique actuel. On a raté la représentation pour différentes raisons mais avons plongé dans les textes: «Migrant», «Frontière», «Intelligence» et «Sauvage» sont quelques-uns des mots décortiqués dans cette édition naviguant d’un continent à l’autre, soulevant bien souvent des enjeux communs au Québec et à l’Europe. Le concept est fertile: on se dit que plus rien n’empêche Choinière d’en orchestrer une version parisienne, genevoise ou congolaise. Il a créé un fort beau monstre.

Thierry Janssen
Thierry Janssen

Parmi les plumes wallonnes découvertes dans cet Abécédaire se démarquent celles de Thierry Janssen et Stanislas Cotton. Le premier écrit au petit Aylan, se désolant de la manière cavalière avec laquelle le mot «migrant» nous permet de nous désolidariser du sort de ceux qu’il voudrait plutôt appeler des réfugiés. «Un migrant erre sans origine et sans destination, écrit-il. Il vient de nulle part et ne va nulle part. C’est un nomade condamné à errer éternellement. Il n’a ni de place ici, ni ailleurs.» Le deuxième, héritant du mot zone, a adressé son épître à une jeunesse dépitée par une «eurozone» qui n’a pas rempli ses promesses et qui enrichit les banques au détriment des peuples.

Véronique Côté / Crédit: Maude Chauvin
Véronique Côté / Crédit: Maude Chauvin

Autrement, Olivier Choinière a demandé à Stromae de composer un hit planétaire sur «toutes les choses inacceptables que nous avons fini par accepter au nom de l’acceptabilité sociale» et Véronique Côté s’est indignée d’un NOUS qui désigne le 1% plutôt que le 99%, adressant sa touchante lettre au courageux premier ministre grec Aléxis Tsípras. «Le référendum par lequel tu as soumis au peuple de ton pays les mesures que les créanciers voulaient vous faire avaler est le geste politique le plus réjouissant, le plus brave, le plus astucieux qu’il m’ait été donné de voir. C’était un acte de désobéissance pure. J’ai jubilé lorsque j’ai compris ce que tu fabriquais : redonner le pouvoir à ton peuple, et, par le fait même, le soustraire à tes interlocuteurs.»

Justin Laramée, Rebecca Déraspe et Fanny Britt, notamment, participaient à ce brassage d’idées sous le ciel de Mons. Un joli coup d’envoi, de l’avis général.

À quelques kilomètres de là, à Namur, le Québec est également célébré dans le cadre des fêtes de la Wallonie, où était inaugurée hier une fresque de l’artiste québécois Dan Brault.

Et à Mons, ça continue: on vous reparle sous peu des spectacles d’Etienne Lepage et Frédérick Gravel ainsi que de l’expérience de la compagnie L’Eau du Bain avec des adolescents wallons.

Notre journaliste est à Mons avec le soutien des Offices jeunesse internationaux du Québec (LOJIQ) et de Wallonie-Bruxelles Tourisme.