Sur scène cet hiver : Les choix de la rédac à Montréal et Québec
Scène

Sur scène cet hiver : Les choix de la rédac à Montréal et Québec

Une pièce? Voilà un prétexte de choix pour s’offrir une escapade de l’autre bord de la 20 – ou de la 40, c’est au choix. Cet hiver, nos deux bureaux font front commun pour un survol des spectacles de théâtre et de danse à voir absolument à Montréal et Québec.

Notez que sont exclus de cette liste les spectacles ayant pris l’affiche cette semaine à Montréal mais que nous voulons tout de même attirer l’attention sur un début de saison hivernale d’une rare qualité dans la métropole: surveillez nos articles déjà publiés et à venir sur les spectacles La très excellente et lamentable tragédie de Roméo et Juliette, La vague parfaite, Un tramway nommé désir et Pelleas et Mélisande.

 

La Divine Illusion

Y’a-t-il encore, sur cette Terre, des aficionados du théâtre qui se souviennent d’avoir vu Sarah Bernhardt sur scène? Fort est à parier que le cœur de tous ces gens, incommensurablement chanceux il va sans dire, a cessé de battre depuis belle lurette. Décédée il y a presque 100 ans, la toujours fascinante et surtout mythique comédienne française inspire en partie une pièce à Michel Marc Bouchard (Tom à la ferme) qui sera enfin présentée à Québec. On avait hâte depuis notre entrevue avec l’auteur en octobre dernier, à la veille des premières représentations montréalaises.

C’est la sublime Anne-Marie Cadieux qui incarne la diva dans cette « faction » qui prend place au Capitole d’alors, lieu connu en 1905 sous le nom du Théâtre de l’Auditorium. Un spectacle sur l’art, oui, mais surtout sur l’obscurantisme religieux au début du XXe siècle dans la Belle Province.

Lundi 18 janvier à la Salle Albert-Rousseau (Québec)

Vendredi 5 février à la Salle André-Mathieu (Laval)

En tournée ailleurs au Québec : http://www.tnm.qc.ca/les-tournees-du-tnm/

 

Quills

Après l’inoubliable tour de force techno des Aiguilles et l’opium à l’automne 2013 et dans cette même salle, Ex Machina revient à la charge avec l’adaptation scénique d’un texte contemporain de Doug Wright. Plutôt que de confier le rôle à Marc Labrèche, ou à je ne sais quel autre comédien connu, Robert Lepage campe lui-même le rôle principal, celui du libidineux marquis de Sade.

C’est Jean-Pierre Cloutier, acteur révélé à son plein potentiel avec Trainspotting à Premier Acte puis à La Bordée, qui lui donne la réplique (en partie) et l’assiste à la mise en scène. Un duo de feu qui s’attaque à un texte controversé sur la censure, la liberté et qui donneront accessoirement une deuxième vie è Quills, la plume et le sang de Philip Kaufman. Un film de 2000 qui mettait en vedette Kate Blanchet, Joaquin Phoenix et Geoffrey Rush.

Du 12 janvier au 6 février au Théâtre du Trident (Québec)

Du 16 au 9 avril à l’Usine C (Montréal)

À surveiller aussi à Montréal : 887, de Robert Lepage, au TNM du 26 avril au 21 mai (après son passage au Centre national des arts d’Ottawa du 12 au 16 avril)

Robert Lepage dans Quills / Crédit: Nicola-Frank Vachon
Robert Lepage dans Quills / Crédit: Nicola-Frank Vachon

 

Matéo et la suite du monde

Jean-François F. Lessard est un ouvreur de portes, un débroussailleur. Directeur artistique d’Entr’actes, il forme et met en lumière les talents des acteurs un peu différents de Québec, des artistes à part entière qui bouillonnent de créativité. Cet hiver, il signe une œuvre sur-mesure pour deux comédiens de sa troupe tout sauf amatrice (Julien Fiset-Fradet et Mathieu Bérubé-Lemay), une pièce qui explore la psyché d’un jeune atteint du si souvent stigmatisé syndrome d’Asperger. « Une version légère de l’autisme. C’est comme de la Budweiser, mais version Bud Light, ça passe mieux », comme le précise l’extrait disponible sur le site de La Bordée.

La distribution se complète par le toujours juste Jack Robitaille, la tordante Frédérique Bradet (muse d’Alexandre Fecteau) et la polyvalente Marie-Hélène Gendreau. Autant parler d’une dream team.

Du 19 janvier au 13 février au Théâtre La Bordée (Québec)

Matéo et la suite du modne / Crédit: Nicola-Frank Vachon
Matéo et la suite du monde / Crédit: Nicola-Frank Vachon

 

Le long voyage de Pierre-Guy B.

Vous l’aviez manqué au Théâtre Périscope l’hiver dernier? Faudrait pas manquer le bateau cette fois-ci.

Le toujours très physique Christian Essiambre donne la réplique à son grand chum Pierre-Guy Blanchard dans cette autofiction collective (genre) de Philippe Soldevila, une suite aux Trois exils de Christian E. qui avait cartonné en 2011. Cette fois, on se penche sur le destin d’un clown triste qui explore le monde avec son sac à dos comme pour engourdir ses démons. Il en résulte des dialogues infiniment crampants, mais nuancés, livrés par deux acteurs issus du monde de l’impro.

Le long voyage de Pierre-Guy B. est une œuvre accessible parce que près du stand-up comique qui charmera même les plus récalcitrants au 6e art.

Du 19 janvier au 6 février au Théâtre d’Aujourd’hui

Jeudi 28 avril à 20h à L’Anglicane (Lévis)

En tournée ailleurs au Québec : http://www.sortiedesecours.org/piece/le-long-voyage-de-pierre-guy-b/

Le long voyage de Pierre-Guy B. / Courtoisie
Le long voyage de Pierre-Guy B. / Courtoisie

 

4:48 Psychose

« À 4h48 / Quand le désespoir fera sa visite / Je me pendrai / Au son du souffle de mon amant ». Sarah Kane est la bombe qui a secoué le théâtre britannique dans les années 90 avec son théâtre cru, violent et fragmentaire : une figure de proue de ce qu’on a appelé le théâtre « in-yer-face », dont l’influence ne faiblit toujours pas sur les scènes contemporaines. 4:48 Psychose est sa pièce-testament, rédigée peu de temps avant son suicide et mettant en scène une femme sans espoir dans une conversation hachurée avec son psychiatre. Mais rien de réaliste dans cette écriture qui aligne conversations à une voix, monologues rythmés, listes répétitives et autres fulgurances. Au sein de la compagnie franco-québécoise Les songes turbulents, sous les bons soins du brillant metteur en scène Florent Siaud, la courageuse Sophie Cadieux se risque à jouer cette oeuvre devenue légende en très peu de temps. Une nouvelle traduction par Guillaume Corbeil, maître des structures vertigineuses, promet de nous faire entendre et voir ce texte selon des angles nouveaux.

Du 27 janvier au 6 février au Théâtre La Chapelle (Montréal)

Sophie Cadieux s'apprête à jouer Sarah Kane / Crédit: David B. Ricard
Sophie Cadieux s’apprête à jouer Sarah Kane / Crédit: David B. Ricard

 

Germinal

Jeunes Français maintenant basés à Bruxelles, Antoine Defoort et Halory Goerger font un théâtre intelligent, décalé et hilarant, reconstruisant le monde avec des moyens low-tech. Ce spectacle brièvement passé sur nos terres lors du FTA et du Carrefour en 2014 est de retour pour 4 petites représentations montréalaises qu’on vous conseille vraiment de ne pas rater.  Utilisant des outils scéniques minimalistes (un micro, une console d’éclairage et un dispositif de surtitrage), ils font la genèse du monde dans un mélange de candeur et de dialectique, tout en dévoilant avec un humour irrésistible les mécanismes du raisonnement humain. Un spectacle générateur d’un haut niveau de joie, d’hilarité et d’esprit.

Du 3 au 6 février à l’Usine C (Montréal)

Germinal / L'Amicale de production
Germinal / L’Amicale de production

 

Cold blood

Ils sont de retour. Michèle Anne de Mey et Jaco Van Dormael ont secoué la planète théâtre ces dernières années avec le succès  Kiss and Cry : un spectacle féérique qui utilise le cinéma en direct pour raconter l’amour, filmant des figurines emportées par le vent et de délicates chorégraphies de doigts. L’Usine C propose cette saison Cold Blood, une nouvelle création de nanodanse de ce duo belge qui mélange danse, cinéma, musique et bricolage. « Sur scène, lit-on dans la documentation fournie par l’Usine C, la caméra révèle des petits mondes cachés, des personnages miniatures chevauchant une tortue géante. Les doigts danseurs traversent avec agilité des mondes ludiques. Chaque univers en contient un autre plus petit. » Des créateurs optimistes, qui croient encore au pouvoir de la tendresse et de la beauté.

Du 18 au 21 février à l’Usine C à Montréal dans le cadre du festival Temps d’images

cold-blood-upated

 

Fredy

Le 9 août 2008, le jeune Fredy Villanueva a été abattu par le policier Jean-Loup Lapointe, dans une intervention banale qui a basculé rapidement dans la violence. Y-a-t-il eu profilage racial, comme le pensent les citoyens en colère de Montréal-Nord qui ont plongé le quartier dans une émeute sans précédent le lendemain des événements? Chef de file du théâtre documentaire à Montréal, Annabel Soutar pose cette question et bien d’autres questions laissées en suspens dans le spectacle Fredy, mis en scène par l’un des plus importants comédiens et metteurs en scène montréalais du moment, Marc Beaupré. Basée sur les transcriptions des audiences de l’enquête du coroner, Fredy donne la parole à tous les intervenants concernés dans une pièce documentaire qui risque de beaucoup faire jaser.

Du 1er au 26 mars à La Licorne, à Montréal.

Marc Beaupré et Annabel Soutar / Crédit: Antoine Bordeleau
Marc Beaupré et Annabel Soutar sur les lieux du drame Vilanueva / Crédit: Antoine Bordeleau

 

L’orangeraie

Duo théâtral nous ayant donné certains des plus beaux moments de théâtre des dernières années, Larry Tremblay et Claude Poissant unissent à nouveau leurs forces autour de ce qui fut d’abord un roman couronné de multiples prix. Les dérangeants et déchirants thèmes de prédilection de Tremblay se prêteront à un théâtre que l’on imagine déjà émotivement très prenant: la guerre qui déchire les familles et déshumanise les hommes, la dualité de toutes choses et l’enfance que ce monde ne sait pas épargner de sa violence. Coproduction entre le Trident et le Théâtre Denise-Pelletier, ce spectacle rassemble une distribution parfaitement équilibrée d’acteurs talentueux de Québec et de Montréal – carrément le meilleur des deux mondes.

Du 23 mars au 16 avril au Théâtre Denise-Pelletier à Montréal.

Du 26 avril au 21 mai au Trident, à Québec.

Les comédiens de l'Orangeraie / Crédit: LM Chabot
Les comédiens de l’Orangeraie / Crédit: LM Chabot

 

Monumental

C’est tout sauf banal : le mystérieux groupe montréalais Godspeed You! Black Emperor (Prix Polaris 2013) est au centre d’une œuvre chorégraphique de la compagnie vancouvéroise The Holy Body Tattoo. Un opéra post-rock mis en mouvements par Dana Gingras et Noam Gagnon agrémenté des projections filmiques de l’artiste visuelle Jenny Holzer.

Les musiciens se produiront sur scène aux côtés des neuf danseurs – dont les interprètes locales Caroline Gravel et Esther Rousseau-Morin – dans cette création d’abord étrennée en 2005, mais aux thèmes toujours brûlants d’actualité : l’anxiété, la compétition, l’ambition et l’aliénation liées au monde du travail. Une réinterprétation, en quelque sorte, de 1984 d’Orwell? Sans doute, d’un certain point de vue.

Les 11 et 12 avril à 20h la Place des Arts

Lundi 15 avril à 20h au Grand Théâtre de Québec

 

Unité modèle

Dernier morceau de la trilogie débutée avec Nous voir nous (Cinq visages pour Camille Brunelle) et Tu iras la chercher, Unité modèle poursuit la féconde réflexion de Guillaume Corbeil sur un monde formaté par l’image et par un conformisme social sans limites. Auteur pointilleux et soucieux de réinventer les formes dialogiques, le créateur attaque ici la culture du condominium et les manifestations urbaines-chic de l’embourgeoisement et du surendenttement. Un vaste programme, dans une pièce que l’on dit conçue par jeux de miroirs et de répétitions. La mise en scène a été confiée à Sylvain Bélanger, connu pour sa capacité à révéler des écritures complexes par un traitement sobre. Anne-Elisabeth Bossé et Patrice Robitaille jouent le couple modèle dans ce spectacle bénéficiant aussi du regard du jeune scénographe-chouchou Max-Otto Fauteux.

Du 12 avril au 7 mai au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui à Montréal

Anne-Elisabeth Bossé et Patrice Robitaille / Crédit: Ulysse Del Drago
Anne-Elisabeth Bossé et Patrice Robitaille / Crédit: Ulysse Del Drago

 

Les lettres d’amour

Dear Criminals a composé la musique de cette pièce coproduite avec la France et mettant en scène la comédienne Béatrice Dalle. Hybride entre le concert et le théâtre, ce spectacle s’appuie sur un texte d’Evelyne de la Chenelière, d’après Ovide, et une mise en scène de David Bobee, maître d’un théâtre puisant autant dans le cirque que dans la vidéo, en plus d’ambiances sonores puissantes. On est convaincus que cette belle équipe franco-québécoise fera un travail stimulant, d’autant que pour raconter l’amour fiévreux, tout ce monde là n’a pas son pareil.

Du 12 avril au 7 mai à l’Espace GO, à Montréal

Béatrice Dalle sur l'affiche des Lettres d'amour
Béatrice Dalle sur l’affiche des Lettres d’amour