Théâtre autochtone: lieu de réconciliation?
Le théâtre montréalais accueille peu à peu des textes et des pièces qui explorent les réalités des Premières Nations et les problématiques entourant les peuples fondateurs. Regard sur cet enjeu, en périphérie de la présentation de la pièce Muliats au Théâtre Denise-Pelletier.
Il faut se parler et se comprendre, semblent vouloir dire de nombreux artistes de théâtre, pour mieux vivre ensemble sur les planches comme au quotidien. Du côté québécois, des auteurs comme Philippe Ducros se penchent sur notre part de responsabilité en tant que collectivité quant au sort passé et présent des Autochtones. Chez les artistes autochtones tels que Natasha Kanapé Fontaine, se manifeste une forte volonté de prise de parole. De leurs œuvres et réflexions émerge un même désir de dialogue.
Jeune artiste innue, Natasha Kanapé Fontaine est de l’aventure de Muliats, la première création d’une toute nouvelle compagnie de théâtre autochtone montréalaise, les Productions Menuentakuan. «Le théâtre, dit-elle, peut incarner cet instrument de réconciliation et de prise de parole. La scène permet de se donner des images, des métaphores pour mieux affronter la réalité ou pour la transcender. Pour moi, le théâtre autochtone contemporain va exactement servir à ça: soulager des fardeaux. On veut transcender les relations entre les Premières Nations et les Québécois et les changer.»
Coécrite par Marco Collin, Charles Bender, Xavier Huard et Christophe Payeur (qui apparaît sur notre photo principale), la pièce raconte l’arrivée de Shaniss, un Innu qui quitte sa réserve pour s’établir à Montréal. Il sera confronté à définir son identité entre sa part innue et sa part québécoise à la suite de sa rencontre avec Christophe, un jeune Montréalais allochtone.
Le désir de voir les peuples autochtones s’émanciper et prendre la parole anime la jeune femme, consciente de la fragilité de la préservation et de la transmission de sa culture. «Je pense que j’ai une espèce d’instinct de survie qui vient du fait qu’il y a quelques années, on a vraiment été sur le bord de perdre la spiritualité et la philosophie traditionnelles, l’essence même d’être autochtone, innu, anishnabé, atikamewk, d’être ce que nous sommes en tant que peuple, sur une terre dont on est natifs. Si on les perd, à quoi ça sert de dire qu’on est autochtones?»
Lors d’un entretien à Voir en avril dernier, peu avant de présenter au Festival du Jamais Lu son texte Réserves / Phase 1: la cartomancie du territoire, Philippe Ducros exprimait la forte envie d’aller à la rencontre de ces peuples. «Il y a un désir de parler d’une blessure, la blessure autochtone, et à travers ça un désir personnel d’introspection pour voir qu’est-ce qui m’appartient dans cette blessure-là en tant que colonisateur et en tant que colonisé.»
Le public montréalais est invité à se définir ou se redéfinir, lui aussi, relativement à de tels enjeux et nouvelles propositions quant à notre avenir commun. Car ces artistes de tous horizons, issus de différentes cultures, lancent un même appel: celui d’aller à la rencontre de l’autre et de combattre ses préjugés grâce à la beauté du théâtre.