Foreman : La poésie des chantiers
Dans son cercle social immédiat, tout le monde le sait : le comédien Charles Fournier a d’abord été « un gars de la construction » avant de faire volte-face et d’entrer au Conservatoire d’art dramatique de Québec. Avec Foreman, il renoue avec cette vie antérieure le temps de quelques semaines de représentations.
Même si son expérience de « jobbeur » de banlieue n’a pas contribué à son émancipation personnelle, il en reste des traces indélébiles dans sa personnalité et sa démarche artistique. Plus que jamais, Charles Fournier a envie de mettre en scène son admiration pour la simplicité. « J’ai envie de parler de ce monde-là; de monsieur-madame-tout-le-monde et de mettre les gens tels qu’ils sont en scène. C’est la réalité la plus intéressante, selon moi », explique-t-il en décrivant l’univers duquel il s’inspire pour construire ses protagonistes.
En effet, nul besoin de chercher très loin pour tomber sur des êtres humains hauts en couleur issus du milieu plutôt rude dont il a jadis fait partie. « C’est incroyable. Y a des vrais personnages dans les chantiers et dans les usines que si je les mettais sur scène, personne me croirait. » Par ailleurs, le comédien et auteur indique que rien n’est complètement inventé dans le récit théâtral présenté sur la scène du Théâtre Périscope. Les histoires qui y sont racontées sont bien souvent arrivées, à un proche ou à lui-même. Une vérité à laquelle Charles tient, jusque dans l’utilisation d’un langage politiquement incorrect, pour représenter ces hommes un peu rustres qui ressemblent à ceux qu’on a vus dans Beef et dans Les murailles cette saison-ci.
Redessiner le modèle
Sur un chantier, le foreman, c’est le contremaître. Le responsable des opérations qui coordonne l’équipe et s’assure du bon rendement des travailleurs. C’est aussi, à plusieurs égards, un exemple pour ses pairs, indique l’ex ouvrier. « Le contremaître, c’est la référence masculine sur laquelle on s’appuie, comme jeune garçon, une genre de figure paternelle. Sur un chantier, le foreman, c’est un modèle à tous les niveaux. » C’est justement le fameux modèle masculin qui est remis en question dans sa pièce, à travers les répliques finement cousues de fer blanc. À l’heure où la masculinité toxique semble être la cible à abattre, Charles désire parler aux hommes d’une autre manière, pour qu’ils puissent se reconnaître et cheminer eux-mêmes, sans qu’on leur dise systématiquement quoi faire. « Je pense qu’il est grand temps qu’on revoie la définition de la masculinité et qu’on se rende compte que les premiers bénéficiaires de ce questionnement et de ces changements potentiels-là, c’est nous. »
Néanmoins, Foreman critique avec beaucoup d’amour ce milieu stéréotypé auquel il tente aussi de rendre hommage. Pour l’auteur, il n’y a ni méchant ni gentil dans l’histoire mise en scène par Olivier Arteau et Marie-Hélène Gendreau, mais plutôt des êtres humains aux prises avec l’image qu’on leur projette et qu’ils doivent à leur tour refléter.
Beaucoup de belles choses se cachent derrière les egos de ces géants. « Les gars les plus tough que j’ai rencontrés, c’est toujours les plus sensibles. » Une contradiction riche pour l’homme de théâtre qui s’attaque aux préjugés pour essayer rebâtir ces modèles virils sur de nouvelles fondations.
Aux représentations de Foreman se juxtapose aussi un projet de médiation culturelle : For men — Pour hommes pour lequel des auteurs dramatiques ont été jumelés à des organismes venant en aide aux hommes en difficulté. Des « auteurs d’un jour » ont donc été invités à écrire un texte original, lequel sera interprété en première partie de la représentation du 26 avril.
Foreman
Du 16 avril au 14 mai
Au Théâtre Périscope
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