Jérôme Ferrer : «Dommage d'avoir un terroir aussi riche et ne pas le protéger…»
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Jérôme Ferrer : «Dommage d’avoir un terroir aussi riche et ne pas le protéger…»

Le chef français à la tête de l’Europea, de Chez Jerry ou encore du Café Birks est un passionné de bons produits et d’aliments locaux. Jérôme Ferrer met un point d’honneur à valoriser le Québec dans sa cuisine, mais il regrette que la législation ne soutienne pas plus les producteurs d’ici. Entretien avec un chef qui n’a pas sa langue dans sa poche.

Peut-on parler de terroir québécois?

Le fait de se poser la question, c’est qu’on en doute, et c’est dommage. C’est quelque chose qui m’agace au Québec, de ne pas s’affirmer plus. On n’a pas à rougir de ses origines. La province a un terroir spécifique lié à son climat et d’une grande beauté. Qui aurait dit il y a quelques années que le Québec mettrait sur la table des produits d’exception comme les vins ou les cidres de glace? Et le consommateur dans tout ça?

Il y a ici une véritable culture culinaire, mais que les gens remettent sur la table plutôt au moment de Noël et des fêtes. Comme si ce terroir était un peu caché… Mais plus que jamais, les gens ont conscience de leur éco-responsabilité en mangeant local – à une condition: avoir le meilleur rapport qualité-prix.

Est-ce qu’on le valorise assez, ce terroir?

Il y a un vrai manque de responsabilité des gouvernements face aux petits producteurs et artisans, qui ne sont ni encadrés ni soutenus. C’est dommage d’avoir un terroir aussi riche et de si belles réalisations locales et de ne pas les protéger. Il n’y a pas d’AOC qui permettrait de protéger certains produits. Aujourd’hui, les cidres de glace sont copiés en Europe de l’Est… La création n’est pas soutenue et beaucoup de producteurs l’ont difficile. Il existe pourtant certaines appellations…

Oui, mais il y en a trop: il en faudrait une qui regroupe tout, une force agricole et gouvernementale qui protège produits et artisans. Par exemple, pourquoi pas une classification pour le sirop d’érable, les cidres ou les produits viticoles? Ici les spiritueux sont difficilement commercialisables à cause du monopole de la SAQ. On étouffe les producteurs… Et on a beaucoup de vieilles réglementations.

Comment vivez-vous la situation en tant que chef?

Si je veux faire une sangria pour un événement, je vais devoir mélanger de la limonade et du vin; je n’aurai pas l’autorisation de laisser macérer mes fruits avec l’alcool pendant une dizaine d’heures… De la même façon, pas possible de faire de la charcuterie comme on en trouve en Europe, car il est interdit de laisser travailler la pourriture noble, jugée insalubre. Tout doit être aseptisé.

Qu’est-ce que vous suggèreriez comme solution?

Il y a beaucoup de choses à changer, de concertations à mettre en place. Par exemple, on pourrait demander l’avis des chefs… Il s’agit de l’agriculture de demain: le gouvernement doit entretenir et soutenir cela.