Pour ceux qui ne seraient pas au courant, le monde de l’astronomie a ressenti un petit frisson d’excitation la semaine dernière.
En effet, au début de la semaine. Une équipe de chercheurs américains utilisant le radiotélescope de Arecibo Puerto Rico a annoncé avait détecté un signal bizarre en provenance de l’étoile Ross 128.
Il s’agit d’une petite étoile rouge découverte par l’astronome et physicien américain Frank Elmore Ross à l’Observatoire Yerkes en raison de son mouvement apparent (mouvement propre) important. Situés à 11 années-lumière, c’est le 11e système stellaire le plus près du Soleil. Pour les amateurs, elle est du type spectral M4V et possède une masse d’environ 15 % de celle du Soleil.
Les naines rouge sont de petites étoiles froides qui pullulent dans notre galaxie. De plus, Ross 128 fait partie du disque épais. C’est-à-dire une qu’elle est apparue un peu après la formation de la Galaxie comme en témoigne la faible concentration de métaux dans son atmosphère et son orbite excentrique. Elle est connue aussi pour être le siège d’éruptions solaires très fortes.
Depuis quelques années, l’étude des naines rouges a connu un regain d’intérêt entre autres pour l’astrobiologie parce que l’on s’est aperçu que leur environnement n’était pas aussi hostile que l’on pensait pour la vie. C’est dans ce contexte qu’elles faisaient l’objet d’un programme de recherche. En effet, on désirait connaître l’environnement de ces étoiles du point de vue des radiations solaires et des champs magnétiques. Il serait même possible de détecter des planètes extrasolaires avec cette méthode.
C’est en examinant les observations qui avaient été prises deux semaines plus tôt (le 12 mai) que l’on a découvert un signal bizarre. Ce signal présent à une fréquence de 4,7 GHz était constitué de pulses quasi périodiques à bande spectrale large (20 Hz) présentant une forte dispersion tout en étant très peu polarisé. De plus, ce signal ne semblait pas provenir de sources locales, car il n’était pas présent chez les autres étoiles observées juste avant ou après et qu’il est resté présent pendant 10 minutes, cela exclut les sources mobiles.
Il devait certainement venir de l’espace. Il restait donc trois possibilités : c’était une éruption stellaire, c’était un autre objet céleste qui émettait ou c’était un satellite à haute altitude.
Aucune de ces explications n’était satisfaisante. L’éruption solaire n’était pas à la bonne fréquence et la dispersion était beaucoup trop forte. Peut-être que le signal venait de l’atmosphère d’une planète. Cependant, on n’avait jamais vu un signal semblable auparavant en provenance d’un objet céleste et cela ne ressemblait pas à une interférence électromagnétique et cela ne ressemblait pas non plus à un signal de communication des satellites.
Toujours est-il que ce signal a suscité suffisamment d’intérêt pour réobserver cette étoile le 16 juillet, en même temps qu’une autre étoile du projet : l’étoile de Barnard. C’est d’ailleurs dans un communiqué de presse du 13 juillet portant sur l’observation de l’étoile de Barnard que l’on a mentionné le fait que Ross 128 serait aussi observé en raison d’un signal radio bizarre. Il n’en a pas fallu plus pour lancer les rumeurs les plus folles sur la toile. Il semble que pas mal de monde ait tiré comme conclusion que bizarre = extraterrestre.
Il est à noter que la communauté du SETI a développé une échelle « d’excitation » pour communiquer avec le public le niveau d’excitation ressenti par une découverte potentielle. Cette échelle dite de Rio permet de discerner, si la découverte est importante ou si c’est un fait divers. Dans le cas présent, l’échelle de Rio donnait une valeur de 2 ou 3, ce qui est faible. Par hasard, la communauté du SETI est justement en train d’être consultée sur une nouvelle échelle de Rio qui est plus fine. La valeur obtenue avec cette nouvelle formule serait de l’ordre de 2×10-7 selon mes estimations. Autrement dit, le signal était peu significatif du point de vue du SETI, ce qui n’empêche pas qu’il puisse être important du point de vue de l’astrophysique.
Étant donné l’intérêt que cela a suscité, le radiotélescope ATA du SETI Institute et le radiotélescope de Greenbank opéré par le projet Breakthrough Listen ont aussi observé cette étoile. De plus, le 17 juillet un appel a été lancé aux astronomes amateurs pour observer l’étoile au cas où des éruptions solaires seraient en cours. De plus, le signal étant très faible et le seul autre instrument capable de le détecter facilement aurait été le radiotélescope chinois FAST, mais il était malheureusement non disponible, car en phase d’étalonnage.
Le 20 juillet Breakthrough Listen a annoncé ses conclusions : aucune détection de signal dans la bande observée par Arecibo dans les observations prises le 16 juillet (3×5 min+ 15 min). Ces observations avaient une sensibilité comparable à celle d’Arecibo. De même les observations d’archive du projet, datant de 16 mai 2017, ne montrèrent pas de signal non plus.
Le lendemain, les résultats du SETI Institute et de l’observatoire d’Arecibo ont été publiés. Dans les deux cas, aucun signal n’a été observé. Par contre, un candidat possible de la source, un signal en provenance d’un satellite en orbite géostationnaire, a été identifié bien que l’on ne comprenne pas comme ce signal aurait pu se produire. Il est possible que des réflexions multiples en soient la cause, mais c’est loin d’être clair.
Bien que la conclusion soit décevante pour les amateurs de science-fiction. Reste que ce fut un bel exercice de science en direct, ce qui n’est pas mal en soi. Évidemment, les mauvaises langues diront que c’est une technique pour attirer l’attention sur ces recherches et amener plus de subventions ou encore que cela fait partie du grand complot pour cacher la Vérité à la population.
Dans la série:
Non, on n’a pas trouvé d’extraterrestres (prise III)
Non, on n’a pas trouvé d’extraterrestres (prise II)
Non, on n’a pas trouvé d’extraterrestres