Apologie de la résistance et de la résilience face au pouvoir en place, Lemonade s’attaque d’abord aux hommes et à leur infidélité, puis progresse naturellement vers une critique sociale plus élargie, qui reprend à bon escient, sans marteler de messages trop convenus, l’essence du mouvement Black Lives Matter. Bref, Beyoncé se politise plus que jamais et rend un hommage bien senti aux femmes noires, qu’elle défend avec rage et conviction. Mais au-delà d’un virage engagé (et quelque peu marketing, on en conviendra) que laissait présager son précédent album homonyme, paru fin 2013, c’est le côté intime de Lemonade qui impressionne. Visiblement ébranlée par ses récents problèmes de couple (et ceux de ses parents, qui ont divorcé il y a quelques années), l’artiste de 34 ans livre un rude plaidoyer contre l’adultère et la malhonnêteté. Interprète d’exception, Beyoncé apparaît également comme une talentueuse auteure et compositrice, évidemment soutenue par une peuplade de producteurs (Diplo, Mike Dean, Just Blaze) et musiciens (Jack White, James Blake) au sommet de leur art. D’apparence bigarrée, voire éparpillée, la direction musicale prend la forme d’un chaos contrôlé rendant hommage avec finesse et aplomb aux musiques noires américaines (autant le blues et la soul que le hip-hop, le R&B et le rock). Hormis une ballade légèrement ennuyeuse (Sandcastles), Lemonade rehausse les standards de la pop américaine du moment, comme l’a fait, dix ans plus tôt, un certain Justin Timberlake avec son deuxième album.
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Beyoncé
Lemonade
Parkwood / Columbia, 2016