Paru exclusivement sur la plateforme de streaming Tidal, qui refuse de transmettre ses données d’écoute à Nielsen et qui, par conséquent, empêche ses parutions d’entrer au Billboard 200, ce septième opus de Kanye West aura sans doute un impact sur l’avenir de l’industrie musicale américaine et, plus précisément, sur la mise en marché des albums. Retouché en temps réel lors de son lancement au Madison Square Garden, TLOP est sujet aux modifications/altérations ultérieures de son créateur, comme en témoigne déjà une nouvelle version de Wolves. Bref, le rappeur de Chicago pousse plus que jamais l’idée de l’œuvre inachevée, à une époque où le remix, la reprise et l’échantillonnage ont déjà, à bien des égards, pris d’assaut l’espace musical international. Pour appuyer une démarche aussi audacieuse, West propose un ensemble de chansons aux structures expérimentales qui s’écartent de la tangente industrielle incisive du précédent Yeezus et épousent, sans ligne directrice précise outre que celle de repousser les barrières du hip-hop, le gospel (Ultralight Beam), le soul (Father Stretch My Hands, Pt. 1, No More Parties in L.A., Highlights) et le trap (Facts). Loin d’être seul dans l’aventure, le rappeur de 38 ans multiplie démesurément les collaborations (Rihanna, Young Thug, Cashmere Cat et Madlib parmi une cinquantaine au total), mais ne laisse pas de côté pour autant les confidences, abordant notamment la mort de sa mère, son rapport ambigu par rapport à la célébrité, ses nombreuses tentations libidinales, son modeste passé dans le monde du hip-hop et, dans un autre d’ordre d’idées, sa relation trouble avec un cousin qui lui aurait soi-disant volé son laptop. Bref, TLOP est aussi dynamique que significatif.
Guide albums
Kanye West
The Life of Pablo
GOOD / Def Jam, 2016