Visite libre

Manif d’art, Mois Multi: Le grand banquet

C’est une première, une fête sans précédent. La triennale s’accorde avec le Mois Multi pour magnifier les parcs, les centres d’artistes, les musées de Québec. 

Aucun, ou enfin presque, quartier ne sera épargné et les banlieues-dortoirs si beiges en temps normal n’y échapperont même pas. L’art prend d’assaut la ville dans ses moindres recoins, des vitrines du magasin Simons dans Lebourgneuf au complexe Méduse à cheval entre la Basse et la Haute. Explosion de couleurs, infusion de beauté! Tout le monde sera contaminé.

Une surprise de taille (littéralement) nous attend au détour de la rue Cartier, coin Grande-Allée, dans le jardin anglais du cottage Henry-Stuart. C’est là, à quelques mètres de l’orgie douteuse d’abat-jours surdimensionnés, que Mathieu Valade a planté le sarcophage de sa licorne plus blanche que neige. Une œuvre réellement contemporaine qui tranche avec les galeries sages du coin, les toiles des émules de Corno et Rothko. Montcalm s’accorde avec l’ici, le maintenant, l’humour et la folie propre à l’art de notre temps.

Mythe et évidence, Mathieu Valade, 2016-2017, Sculpture (Crédit: C. Genest)
Mythe et évidence, Mathieu Valade, 2016-2017, Sculpture (Crédit: Caroline Décoste)

L’art de la joie, c’est le thème que la commissaire Alexia Fabre (du MAC/VAL, quand même) a choisi comme pour justifier sa collection d’installations ludiques et allègrement hétéroclites qui meublent les salles du rez-de-chaussée du Pavillon Pierre Lassonde.  On sourit, on s’émerveille.

C’est du gros calibre, aussi. Carlos Amorales, représentant du Mexique à la prochaine Biennale de Venise, s’est amusé autour du luchador (personnage phare de son œuvre) dans un triptyque de mobiles géants et monochromes. Ça évoque l’enfance, le jeu, la culture latino-américaine sans jamais se prendre au sérieux.

Carlos Amorales, Ghost Crowd, installation (Crédit: C. Genest)
Ghost Crowd, Carlos Amorales installation (Crédit: C. Genest)

Honnêtement : toutes les installations sont fameuses. L’extrait remixé de ce que BGL avait présenté à Venise en 2015, le Joyeux festin lubrique et quasi kitsch de Cynthia Dinan-Mitchell qui fait glousser même les cœurs de pierre, Le Lac caché de Vicky Sabourin (chouchou du moment à la rédac) qui donne l’impression d’entrer sur un plateau de ciné, dans le décor saboté d’un Wes Anderson hypothétique. Les Danses du scalp d’Annette Messager ne déçoivent pas avec les potiches qui virevoltent en l’air, nous arrachent un éclat de rire au passage  et une réflexion sur ce symbole ultime de féminité, de santé, de beauté.

Juste avant, dans la salle voisine, c’est Parade qui laisse pantois. Un projet multifacettes réunissant Jacynthe Carrier et l’Orchestre d’hommes-orchestres, une heureuse mixture de photographie, de vidéo, de musique, d’artéfacts, de saltimbanques seuls au monde.

Parade, Jacynthe Carrier et l'Orchestration d'hommes-orchestre, 2015, installation / vidéo (Crédit: Idra Labrie, MNBAQ)
Parade, Jacynthe Carrier et l’Orchestration d’hommes-orchestre, 2015, installation / vidéo (Crédit: Idra Labrie, MNBAQ)

Bien que techniquement moins complexe et encombrant, le dessin de Coco Guzman (Paradis, voir la photo de couverture) m’a particulièrement fait tripper. C’est coloré, naïf un brin et ça met bien la table pour la forêt de toutous de Pierre&Marie – gros coup de cœur en ce qui me concerne.

Ce circuit dans l’épicentre de la Manif d’art se termine par un instant de pure contemplation avec Animitas de Christian Boltanski, représentation archi zen de l’hiver sur l’Île d’Orléans. On s’arrête, on contemple, on respire.

Alexia Fabre
Alexia Fabre devant Animitas de Christian Boltanski, installation vidéo, 2017 (Crédit: C. Genest)

Dans la côte d’Abraham, Méduse fait office de terrain neutre entre les deux festivals. L’Œil de Poisson, toujours pertinent, prête sa grande galerie aux fripons français de Nøne Futbol Club et son autre espace à Steve Bates qui, lui, présente son « radio art » dans le cadre du Mois Multi. Concertina, c’est le titre de cette œuvre qui lui ouvre ironiquement des portes à l’étranger, s’intéresse à la notion de frontières, aux murs, aux fils barbelés qui s’immiscent entre les peuples.

// À lire aussi : mon entrevue avec Steve Bates

Concertina, Steve Bates, 2011, installation sonore et radiophonique (Crédit C. Genest)
Concertina, Steve Bates, 2011, installation sonore et radiophonique (Crédit C. Genest)

Patrick Tresset, que j’avais rencontré lui aussi au préalable, ne déçoit avec ses Paul, ses cinq automates capables de dessiner les humains. Des portraits robots qui imitent le trait de crayon de l’artiste qui les a programmés.

Patrick Tresset, 5RNP Études humaines #1, installation robotique et théâtrale (Crédit: C. Genest)
5RNP Études humaines #1, Patrick Tresset, installation robotique et théâtrale (Crédit: C. Genest)

Québec virevolte. Ce soir, c’est la Manif d’art qui ouvre le bal avec un premier vernissage truculent qui sera ponctué d’une performance de Vicky Sabourin, accompagnée de la grande Diane Landry, et d’un DJ set de Dragos Chiriac en ouverture. Le genre de 5 à tard qui, espérons-le, saura recréer l’ambiance débridée de l’inauguration mutekienne du même Pavillon Pierre Lassonde en juin dernier. Cette fois encore, toute la ville est invitée.

Méduse s’anime le lendemain pour le vernissage conjoint des installations du Mois Multi et de la Manif d’art. Ouverture des portes vers 20h et concert, Ô joie, des Italiens de Quiet Ensemble vers 22h.