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Arrêter les oléoducs – Éléments d’une campagne de persuasion

Introduction

Afin de contribuer à La réplique qui se prépare autour de L’objectif stratégique le plus urgent de protéger l’eau potable en empêchant les projets d’oléoducs sur le territoire du Québec, je passe en revue les champs d’action possibles. Après avoir énoncé Les actions possibles – La force, La loi et l’argent, et La persuasion, j’ai dressé une Liste des lobbyistes pro-oléoducs inscrits pour influencer les politiciens à soutenir les projets d’oléoducs. Après une analyse des Atouts et faiblesse de l’action citoyenne, et mon plus récent texte où je recommande L’action citoyenne efficace dans la durée pour une campagne tous azimuts de persuasion, je fais maintenant un survol des éléments importants à considérer dans la mise en œuvre de cette campagne de persuasion.

 

Campagne de persuasion

L’analyse de la campagne de guerre psychologique des forces alliées en Europe contre l’Allemagne nazie pendant la 2e Guerre mondiale* (que j’appellerai campagne GP2GM) identifie trois types de campagne de persuasion : les opérations blanches (white ops), les opérations grises (grey ops) et les opérations noires (black ops). Les opérations blanches qui visaient à modeler l’opinion publique allemande afin de faire accepter l’objectif stratégique des Alliés : la reddition de l’Allemagne sans condition. J’appliquerai ici mon analyse à des suggestions d’opérations blanches transparentes dans leurs intentions et qui ciblent les personnes que l’on veut influencer directement ou par rayonnement indirect (média, bouche-à-oreille, etc.)

 

Dire la vérité

On croit parfois à tort que la guerre psychologique, ou campagne de persuasion, est une série de mensonges que l’on fait passer pour la vérité. Pourtant la campagne GP2GM observait dans ses opérations blanches un strict protocole de rigueur journalistique. Les feuillets et journaux disséminés par la voie des airs par les Alliés aux soldats et citoyens allemands véhiculaient des informations exactes et scrupuleusement vérifiées pour s’assurer de ne jamais mentir, allant parfois jusqu’à atténuer un fait s’il risquait de sembler trop beau pour être vrai. L’idée était simple : traiter le soldat ou citoyen comme une personne intelligente qui s’informait ailleurs et qui pouvait ainsi recouper les informations véhiculées par les Alliés. Une campagne publique de mensonges aurait discrédité les Alliés et prolongé la guerre inutilement parce que les Allemands ne leur auraient pas fait confiance et se seraient battus plutôt que de se rendre.

 

Le célèbre essai de marketing et de relations publiques Propaganda, publié en 1928 par Edward Bernays, a inspiré autant Goebbels que les publicitaires du 20e siècle, mais il semble qu’ils ont occulté son message central : dire la vérité.

À la page 16 on lit : « Truth is mighty and must prevail, and if any body of men believe that they have discovered a valuable truth, it is not merely their privilege but their duty to disseminate that truth… Propaganda becomes vicious and reprehensive only when its authors consciously and deliberately disseminate what they know to be lies, or when they aim at effects which they know to be prejudicial to the common good. »

Traduction : La vérité est puissante et doit prédominer, et les gens qui croient avoir découvert une vérité précieuse, ce n’est pas seulement leur privilège, mais leur devoir de diffuser cette vérité… La propagande devient vicieuse et répréhensible lorsque ses auteurs consciemment et délibérément diffusent ce qu’ils savent être des mensonges, ou quand ils visent à obtenir des effets qu’ils savent être préjudiciables au bien commun. (Ma traduction via Google)

 

Les citoyens doivent véhiculer des informations rigoureuses et vérifiées et les opposer aux mensonges et demi-vérités des compagnies d’oléoducs, des lobbyistes et des élus.

 

Placer les intérêts des citoyens en premier 

Le citoyen doit être au coeur des décisions politiques et économiques. Il faut rappeler à tous les interlocuteurs que l’on rencontre que les intérêts des citoyens ont préséance sur tous les autres intérêts politiques et économiques. Si vous discutez avec un candidat à l’élection provinciale ou un actuel député en fonction, il est impératif de lui rappeler que dans le système actuel de représentation démocratique ils et elles sont les porteurs des points de vue des citoyens dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Ils et elles ne sont pas les porte-parole des volontés des partis politiques en mission pour convaincre les citoyens. La sécurité de l’alimentation en eau potable passe avant les profits des compagnies d’oléoducs et l’exportation du pétrole vers les marchés étrangers. Aucun emploi dans l’industrie pétrolière n’est plus important que l’accès à l’eau potable des citoyens.

 

Être le changement que l’on souhaite

Un héritage du mouvement citoyen Occupons Montréal a été la création de la liste des engagements des citoyens initié par Patrick Painchaud et ensuite débattu et rédigé par plusieurs membres du mouvement (voir sur mon blogue http://bit.ly/1kgrltT ). L’esprit de ces engagements est de commencer par se transformer soi-même, ce qui a pour effet d’inspirer les autres autour de nous à changer aussi.

 

Adopter un principe de non-violence

Le mouvement Occupy / Occupons a adopté (parfois laborieusement) un principe de non-violence. Gene Sharp l’auteur de l’essai « De la dictature à la démocratie – Un cadre conceptuel pour la libération » (téléchargeable en PDF) soutient aussi cette approche. Son livre a influencé nombre de libérations citoyennes depuis sa rédaction pour aider la libération de la Birmanie. Ce serait trop long d’entrer ici dans un débat sur la question, il y a plusieurs points de vue politiques qui soutiennent que la violence est nécessaire, mais comme j’ai déjà analysé que l’usage de la force pour arrêter les oléoducs était inefficace, voire même dangereux pour l’objectif stratégique de protéger l’eau potable, je vais simplement faire une recommandation : que chaque petit groupe de citoyens qui se créé adopte explicitement ce principe de non-violence comme élément fondateur. Ceci afin d’éviter l’infiltration par des policiers ou des agents provocateurs qui tenteraient de détourner un groupe pour le discréditer en l’influençant à commettre un crime ou une action violente. L’histoire récente regorge de pareils détournements, j’y reviendrai éventuellement en dehors de la campagne actuelle sur les oléoducs.

 

Identifier sa zone d’influence

Afin d’être efficace et d’éviter le dispersement, il est préférable de choisir une région géographique limitée (quartier, ville) et d’en faire sa zone d’influence, en commençant par là où l’on vit. Ainsi on connait le terrain, les gens et les particularités locales. Ceci favorise le recrutement d’alliés, facilite la collaboration et permet une analyse plus rapide des actions potentielles.

 

S’informer, délibérer et agir sur la bonne plateforme au bon moment

L’Internet, les livres, les conférences, les documentaires et les émissions d’actualité sont d’excellentes sources d’informations. Maîtriser les données fiables d’un enjeu précis développe l’esprit critique et augmente la confiance dans notre capacité d’intervenir socialement et politiquement.

 

Les médias sociaux sont d’excellents véhicules pour disséminer de l’information, annoncer des actions et faire rayonner le progrès et les succès d’une campagne. Il faut en faire un usage avant, pendant et après les actions. Une présence continue aide aussi à maintenir la place de la voix citoyenne dans un débat.

 

Par contre, les médias sociaux (Facebook, Twitter, commentaires de blogue) sont un des pires outils pour débattre et délibérer. Je recommande à tous de ne pas y débattre d’un point de vue, sauf avec des collaborateurs proches dans une enceinte privée (messages, chat), car c’est quasiment impossible d’y entrer en relation de compréhension mutuelle et d’échange afin de progresser ensemble sur un enjeu. De plus, certaines personnes ne contrôlent pas leur émotivité et tombent essentiellement dans un monologue de dictats avec une agressivité croissante. La présence de « trolls » autonomes ou payés par les intérêts privés ou politiques rend aussi le débat stérile parce qu’ils arrivent habituellement à polluer la conversation pour empêcher qu’elle n’ait un quelconque dénouement. Pour ces raisons, et aussi parce que cela améliore le sentiment d’appartenance et la motivation, il est préférable de débattre face à face. À un autre moment, je reviendrai sur cet aspect essentiel pour la progression du pouvoir démocratique des citoyens.

 

En choisissant la bonne plateforme au bon moment, et en préparant soigneusement une action citoyenne qui s’inscrit dans une campagne globale pour atteindre l’objectif stratégique que l’on s’est donné, il est possible d’avoir un impact réel et durable. Les actions improvisées et spontanées peuvent être de grands moments d’exaltation et aider à développer un sentiment d’unité, mais elles ne sont la plupart du temps qu’un coup d’émotion sans lendemain.

Il existe plusieurs pistes d’actions citoyennes :

Je n’ai pas eu le temps de parcourir ces trois documents au complet, je ne cautionne donc pas leurs suggestions aveuglement, mais je vais les analyser dans les prochaines semaines et je rapporterai dans ce blogue les meilleures idées à appliquer dans une campagne de persuasion pour arrêter les oléoducs. Si vous avez des textes et livres à suggérer, je vous invite à le faire dans les commentaires.

 

La suite

Mon prochain texte suggérera des cibles et des stratégies pour passer à l’action citoyenne pendant la campagne électorale provinciale afin d’influencer les candidats. L’objectif stratégique demeure le même : arrêter les projets d’oléoducs au Québec afin de protéger l’eau potable, un bien commun essentiel à la vie.

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