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C’est l’histoire d’un premier ministre et d’une grève…

 

 

Jeudi, je postais ce billet faisant état des «conséquences de plus en plus néfastes pour la société de la surdité chronique du gouvernement sur la hausse des frais de scolarité… entre autres choses…

De jour en jour, la situation ne peut donc que continuer à s’envenimer alors que les étudiants en grève se retrouvent aux prises, de plus en plus, avec les forces policières plutôt qu’avec une ministre de l’Éducation prête à les entendre.

Et pendant ce temps, malgré la stratégie du gouvernement visant ouvertement à diviser les organisations étudiantes entre elles, elles tiennent bon – la FEUQ et la FECQ refusant de rencontrer la ministre sans la CLASSE

En fait, l’État se fait de plus en plus répressif envers les étudiants grévistes avec un usage répété d’escouades anti-émeutes de moins en moins «patientes» avec les étudiants les plus pacifiques. Même des professeurs ont été rudoyés par des policiers casqués. Et plus le conflit perdure, plus des éléments radicaux et violents, qui n’ont rien à voir avec le mouvement étudiant, s’y infiltrent pendant les manifestations.

Et ce vendredi, au salon du Plan Nord qui se tient au Palais des congrès de Montréal, alors que le premier ministre donnait une conférence dans le cadre d’un grand salon sur le Plan Nord, la situation a en effet continué à s‘envenimer.

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Une «blague» qui passera à l’Histoire

 

 

Pendant que l’escouade anti-émeute et la SQ appelée en renfort affrontaient des étudiants de même que des «casseurs», Jean Charest, en plein conflit social majeur, s’est néanmoins permis une «blague». Une blague, qui risque de revenir le hanter longtemps.

Pour voir et entendre l’extrait en question, c’est ici.

Lancée à une salle bondée de gens d’affaires pressés de «profiter» du Plan Nord, cette «blague» trahissait non seulement la grande convivialité des rapports entre le politique et les milieux d’affaires,  mais aussi, la déconnexion croissante entre le premier ministre et une part substantielle de la population.

S’entêtant avec sa stratégie de «wedge politics» – cette politique conservatrice de la division que j’explique ici -, Jean Charest a poussé la note très loin aujourd’hui.

En fait, si la situation est entrée en phase avancée de pourrissement, c’est précisément parce que le gouvernement s’entête dans ce «wedge politics», dont l’objectif est de diviser l’opinion publique sur un sujet polarisant; de diviser ses adversaires politiques et enfin; de diviser les organisations étudiantes entre elles. Le tout dans un contexte très, très préélectoral…

Or, les organisations étudiantes refusant pour le moment de se diviser et l’intransigeance du gouvernement perdurant, Jean Charest, fort involontairement, est plutôt en train de fédérer ses adversaires sur la question de la grève. Autant chez les partis d’opposition que chez les organisations étudiantes.

Pour la chef de l’opposition officielle, Pauline Marois, le premier ministre doit prendre ses responsabilités et mettre fin à ce conflit en ouvrant un vrai dialogue avec les étudiants. Pour le chef caquiste, François Legault, le Québec n’a tout simplement pas eu de premier ministre aujourd’hui…

Bref,  l’entêtement de M. Charest est en voie d’unir ses adversaires contre lui plutôt que de les diviser…

Il faut dire que le «wedge politics» est une stratégie dont un chef de gouvernement use de manière fort risquée lorsqu’il le fait en plein conflit social alors que son véritable objectif devrait être sa résolution…

Et ce n’est certainement pas le communiqué de presse émis plus tard ce vendredi en catastrophe par le bureau du premier ministre qui calmera le jeu. Surtout pas  dans la mesure où M. Charest s’y dit avoir été cité «hors contexte»…

(*) Pour mon analyse complète, vous pouvez l’entendre ici dans le cadre de l’émission Désautels de ce vendredi.

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Vous avez dit «haine et intimidation»?

Aujourd’hui, le premier ministre est encore une fois revenu sur la question de la «violence», dont il a fait toute la semaine – avec succès – une véritable diversion de l’objet principal du conflit, soit la hausse des frais de scolarité.

Et M. Charest de répéter qu’«on ne peut pas vivre dans une société où l’on cherche à faire avancer ses intérêts avec l’intimidation, avec la violence, avec la haine».

Même le ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard, a lancé en réaction à la manifestation un fort senti «c’est dégueulasse!».

Et pourtant, comme j’en faisais état cette semaine sur mon blogue, le même gouvernement – de surcroît, au même ministère des Affaires municipales -, compte parmi ses fonctionnaires gestionnaires un certain M. Bernard Guay.

Pas plus tard que la semaine dernière, M. Guay, directeur général de la fiscalité au ministère, signait et publiait en tant que «politicologue» sur le site internet du quotidien Le Soleil, un texte vitriolique. Il y exhortait les opposants à la grève de s’inspirer des «mouvements fascistes» des années 20 et 30 pour mieux «s’affranchir de la tyrannie des agitateurs de gauche» /sic/.

Ce texte, il va sans dire, fut retiré du site par Le Soleil – ce dernier ayant aussi présenté ses excuses aux lecteurs.

Or, depuis cette révélation – rendue publique en premier lieu au conditionnel par le groupe Québec Facho-Watch, puis vérifiée et analysée sur ce blogue -, la seule réaction du ministère fut d’imposer à M. Guay une ou des «mesures administratives», qu’il refuse par ailleurs de rendre publiques.

Questionné sur la situation, le ministre Lessard a également répondu que ce texte était du domaine privé. Pourtant, le geste même de publier un texte est en soi de nature publique. Considérant aussi que son employeur n’est pas une entreprise «privée», mais bien un ministère public.

Bref, il n’y a eu aucune dénonciation de ce qui constitue pourtant une incitation à «l’intimidation, la violence et la haine» – pour reprendre les termes du premier ministre. Comment lire et comprendre autrement cette référence ouverte et explicite aux «mouvements fascistes» des années 1920 et 30?

Comment se fait-il que le gouvernement puisse tolérer que de tels propos soient publiés par un gestionnaire de l’État et donc, rémunéré à même les fonds publics? Que ce texte n’ait pas été «signé» en tant que fonctionnaire ne change rien au geste qu’il a posé volontairement de publier de tels propos.

Signer un éloge du fascisme, ce n’est pas un geste anodin pour un gestionnaire d’un État démocratique. Et ne devrait pas l’être, non plus, pour son employeur.

Pourquoi le premier ministre ne le dénonce-t-il pas?

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(*) Je reviendrai la semaine prochaine sur la suite de cette histoire.