Le changement serait au coeur de la présente campagne électorale. Un parti qui se dit être le changement maintenant, un autre qui serait un sérieux changement, un autre qui serait un changement populaire et un autre qui prétend être la continuité du changement.
Dans une rencontre avec des dirigeant.e.s et des employé.e.s du chantier Davie, à Lévis, Gabriel Nadeau-Dubois de Québec solidaire soutenait que ce n’était pas un concours de qui allait donner le bon chiffre ou le bon pourcentage de bateaux canadiens à construire à Lévis, mais que c’était une vision qu’il fallait proposer.
Cette phrase peut sonner facile venant de la bouche d’un politicien, mais elle est aussi dite spontanément par des étudiantes rencontrées dans une cafétéria d’un cégep et de la bouche d’une directrice des finances d’une entreprise qui fait de la recherche en énergie renouvelable. Elle déplorait que les partis parlaient souvent de «patcher des problèmes» plutôt que de mettre de l’avant une vision.
Plusieurs personnes rencontrées dans les activités de Québec solidaire en Gaspésie cherchent les liens entre les différentes promesses des autres partis et aimeraient savoir vers où ils veulent aller. Une impression de parler de la mécanique d’une voiture sans se demander si c’est le bon modèle pour les besoins des passagers.
En entrevue sur la route 132, Gabriel Nadeau-Dubois tient à nuancer le qualificatif «radicales» utilisé par les autres partis ou certains commentateurs ou commentatrices lorsque vient le temps de commenter les propositions de QS.
Il donne l’exemple du salaire minimum de 15$ en Ontario, mis en place par des libéraux, «ce ne sont pas des socialistes», les mesures de restrictions des voitures à essence «similaires à celui du gouvernement Macron» ou la «couverture des soins dentaires en Algérie». «Il n’y a rien de radical là-dedans dans l’absolu. C’est radical pour les partis qui proposent que des petites réformettes, mais quand on regarde ce qui se fait dans le monde, nous sommes dans un mouvement mondial.»
Selon le co-porte-parole solidaire, il faut lutter «contre l’assèchement de l’imaginaire politique au Québec.» L’alternance des partis politiques que connaît le Québec depuis des décennies aurait limité «notre capacité de se projeter dans l’avenir et à croire à de grandes choses», ajoute-t-il.
Le député de Gouin cite en exemple la mise en place du réseau de l’éducation dans les années 1960, où l’État est parti de «presque rien» et a créé en quelques années les écoles primaires et secondaires, inventé les cégeps et mis en place un réseau d’universités publiques francophones sur l’ensemble du territoire. «Notre mesure d’arrêter les subventions pour le privé est vue comme d’une complexité infinie par nos adversaires et une partie du public, s’étonne le candidat. Me semble qu’on a perdu de l’ambition, me semble qu’on a fait plus avant. C’est une réforme mineure si on compare à ce que le Québec a fait.»
«C’est un de notre plus grand défi à Québec solidaire, poursuit le co-porte-parole, se battre contre cette perte de tonus politique. On est capable! On a tellement fait de grandes choses. On peut ne pas être d’accord avec nos idées, mais dire que c’est impossible, c’est frustrant.»
Ce manque de «tonus politique» n’est pas présent que dans la classe politique, il se ressent un peu partout selon Gabriel Nadeau-Dubois. Toutefois, il existe selon lui une soif de changement, d’une société différente, plus forte qu’elle n’est représentée dans la place publique ou dans les médias.
Jean-François Lisée a soutenu que QS avait eu une «free ride» en étant moins couvert par les médias. On peut se demander si le chef du Parti québécois aurait considéré ça comme une «free ride» si aucun journaliste n’était monté dans l’autobus du PQ. Être ignoré par les médias est-il vraiment un avantage?
Après un silence nécessaire pour utiliser les bons mots, le député de Gouin poursuit. «Moi, j’ai décidé de ne pas être dans une posture de critique, le parti ne veut pas se mettre dans une posture de victime des médias. On n’entendra pas Manon ou moi se plaindre ou attaquer les médias, parce qu’on est de grands garçons et de grandes filles. On fait notre campagne. Ceci étant dit, il y a une réflexion à faire sur la capacité des médias à représenter le débat public et ses différentes tendances.»
Si le co-porte-parole solidaire comprend que le contexte médiatique, ce qu’on nomme «la crise des médias», ne permet pas de parler de tout et de tout couvrir, il se demande pourquoi «les conséquences de cette crise devraient être sur les épaules d’une seule couleur politique.» Selon lui, il y aura un débat à faire, après la campagne, sur la pluralité médiatique et sur la manière de couvrir les campagnes électorales.